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30/06/2016 | FRANCE | N°15VE00488

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 30 juin 2016, 15VE00488


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner solidairement la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines, la société des eaux de Versailles et de Saint-Cloud, la société EAV et la société Degrémont à lui verser une provision de 10 000 euros en réparation du préjudice moral et physique subi et d'ordonner la désignation d'un expert médical afin de l'examiner et d'évaluer les dommages qu'elle a subis du fait de l'accident survenu le 19 mai 2010.

Par un juge

ment n° 1100713 du 9 décembre 2014, le Tribunal administratif de Versailles, par un ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner solidairement la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines, la société des eaux de Versailles et de Saint-Cloud, la société EAV et la société Degrémont à lui verser une provision de 10 000 euros en réparation du préjudice moral et physique subi et d'ordonner la désignation d'un expert médical afin de l'examiner et d'évaluer les dommages qu'elle a subis du fait de l'accident survenu le 19 mai 2010.

Par un jugement n° 1100713 du 9 décembre 2014, le Tribunal administratif de Versailles, par un jugement avant-dire-droit, a retenu la responsabilité de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines (CASQY) et de la société EAV dans cet accident et mis à leur charge une provision de 2 000 euros à verser à MmeA... ; le tribunal administratif a, avant de statuer sur la demande indemnitaire, décidé de procéder à une expertise médicale et réserver jusqu'à la fin de l'instance tous les droits, moyens et conclusions des parties.

Par un jugement n° 1100713 du 5 mai 2015, le Tribunal administratif de Versailles a condamné la CASQY et la société EAV solidairement à verser à Mme A...la somme de 6 000 euros ainsi que la somme de 736,69 euros à la CPAM des Yvelines et mis à la charge, chacune en ce qui les concerne, une somme de 628,20 euros au titre des frais et honoraires d'expertises et une somme de 750 euros au titre des frais irrépétibles à MmeA..., puis rejeté le surplus de la requête ;

Procédure devant la Cour :

I, sous le n° 15VE00488, par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 février 2015 et 23 décembre 2015, la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES, représentée par Me Alonso-Garcia, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter les demandes indemnitaires présentées par Mme A...à son encontre ;

3° de mettre à la charge de la société Sevesc la condamnation pécuniaire due à

MmeA....

Elle soutient que :

- la requête de Mme A...devant le tribunal administratif était irrecevable dès lors qu'elle n'établit pas que son assureur ne l'a pas déjà indemnisée ;

- sa requête était aussi irrecevable dès lors qu'elle demande le bénéfice d'une provision dans une procédure au fond alors qu'une telle demande ne peut être faite que dans le cadre prévu par l'article R. 541-1 du code de justice administrative ;

- la nouvelle demande présentée par Mme A...en appel et portant sur une demande indemnitaire de 20 000 euros est irrecevable, car nouvelle en appel ; cette demande n'est par ailleurs pas fondée ;

- Mme A...a chuté dans un regard d'assainissement d'eaux usées dont la gestion a été confiée, par voie d'affermage, à la société SEVESC et que le contrat passé avec cette société prévoit que le fermier est tenu de réparer les dommages causés aux usagers ;

- Mme A...a commis une imprudence dès lors que le regard d'assainissement était correctement signalé par la présence de quatre cônes dits de Lubeck.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pilven, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public ;

- les observations de Me B...pour la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES et de Me C...pour MmeA... ;

1. Considérant que les requêtes nos 15VE00488 et 15VE00492 présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a, dès lors, lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que Mme A...a été victime, le 19 mai 2010, d'une chute à pieds dans un regard d'égout relié au réseau d'assainissement des eaux pluviales, ouvert suite à des travaux de curage réalisés par la société EAV ; qu'elle a demandé que la responsabilité solidaire de la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES, de la société des eaux de Versailles et de Saint-Cloud, de la société EAV et de la société Degrémont soit engagée afin d'obtenir réparation du préjudice qu'elle a subi ; que par jugement avant-dire-droit du 9 décembre 2014, le tribunal administratif de Versailles a déclaré la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES et la société EAV solidairement responsables de l'accident de MmeA..., les a condamnées solidairement à lui verser une provision de 2 000 euros et a ordonné une expertise médicale en vue notamment d'indiquer et d'évaluer l'étendue des préjudices subis par MmeA... ; que la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES (CASQY) et la société EAV forment appel de ce jugement ; que la société EAV forme un autre appel du jugement du 5 mai 2015 par lequel le Tribunal administratif de Versailles l'a condamnée solidairement avec la CASQY à verser à Mme A...la somme de 6 000 euros et à la CPAM des Yvelines la somme de 736,69 euros ; que Mme A...forme un appel incident tendant à la condamnation solidaire de la CASQY et de la société EAV à une somme de 24 250 euros en réparation des préjudices subis.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant que la société EAV soutient que le tribunal administratif a omis, dans le jugement attaqué, de prendre en compte l'ensemble de ses arguments ; que, toutefois, le tribunal administratif, qui n'est pas tenu de se prononcer sur l'ensemble des arguments soulevés par ladite société, a statué sur l'ensemble des moyens qui étaient soulevés devant lui ; que, dès lors,

la société EAV n'est pas fondée à soutenir que le jugement du 9 décembre 2014 serait irrégulier ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance de Mme A...soulevée par la CASQY et la société EAV :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur(...) " ;

5. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que Mme A...n'aurait pas intérêt à agir dès lors qu'elle n'établirait pas que son assureur, auquel elle a déclaré son accident, ne l'aurait pas indemnisée des dommages qu'elle a subis manque en fait, en tout état de cause ; que, par suite, la fin de non recevoir soulevée par la CASQY tirée du défaut d'intérêt à agir de Mme A...ne peut qu'être rejetée ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que la CASQY soutient que la demande de Mme A...tendant à l'octroi d'une provision ne peut être formée que dans le cadre de la procédure prévue par l'article R. 541-1 du code de justice administrative et que cette même demande, dans le cadre d'une procédure au fond, est irrecevable ; que, toutefois, rien ne s'oppose à ce qu'une provision soit demandée dans le cadre de cette procédure au fond dès lors que Mme A...a demandé, dans sa requête introductive d'instance, qu'une expertise soit ordonnée afin de déterminer l'étendue de son préjudice, en se réservant de fixer le montant de sa demande au vu du rapport de l'expert ; que, par suite, la fin de non recevoir soulevée par la CASQY ne peut qu'être rejetée ;

Sur la responsabilité :

7. Considérant que la victime d'un dommage de travaux publics entrepris pour le compte d'une collectivité publique par un entrepreneur est en droit de réclamer la réparation de ces dommages, soit à l'entrepreneur, soit à la collectivité publique maître de l'ouvrage, soit à l'un et à l'autre solidairement ; que la CASQY soutient que sa responsabilité ne peut en aucun cas être recherchée dès lors qu'elle n'assure pas l'entretien du réseau d'assainissement et de la gestion des eaux usées et que l'entretien de cet équipement public a été délégué par une convention de délégation de service public à un prestataire extérieur, la Sevesc ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que si la gestion et l'entretien du réseau d'assainissement des eaux usées a effectivement fait l'objet d'un contrat avec la société Sevesc par voie d'affermage, l'entretien du réseau des eaux pluviales a, en revanche, fait l'objet d'un marché public avec un groupement de sociétés dont la société EAV qui opérait le jour de l'accident ; qu'il résulte de l'instruction que l'accident survenu le 19 mai 2010 s'est produit sur une bouche d'égout du réseau des eaux pluviales et non sur une bouche d'égout du réseau d'assainissement ; que la responsabilité de la CASQY et de la société EAV était ainsi susceptible d'être recherchée par MmeA... ;

8. Considérant qu'il appartient à l'usager victime d'un dommage survenu sur une voie publique de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre l'ouvrage public et le dommage dont il se plaint ; que la collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure ;

9. Considérant, en premier lieu, que la société EAV conteste la matérialité des faits et fait valoir que les policiers municipaux étant intervenus pour secourir Mme A...et prévenir les secours ne sont arrivés qu'après l'accident et que leur témoignage n'est pas de nature à établir la matérialité des faits ; que, toutefois, les policiers municipaux de Guyancourt ont mentionné sur la main courante rédigée le 19 mai 2010 qu'ils ont été requis par une personne témoin de l'accident survenu à MmeA..., qu'ils sont intervenus peu de temps après l'accident et que la victime s'est plainte d'une douleur à l'épaule gauche et souffrait d'une plaie à la jambe droite ; que, si l'identité du témoin de l'accident n'a pas été portée sur cette main courante, ces mentions sont suffisamment probantes pour établir les faits contestés, qui sont par ailleurs corroborés par le compte-rendu des urgences du centre hospitalier indiquant que Mme A...s'est présentée le 19 mai à 11h48 pour soigner une fracture de l'humérus gauche et une plaie profonde au tibia ;

10. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la bouche d'égout, dans laquelle Mme A...est tombée, était, au moment de l'accident, grande ouverte et qu'aucun ouvrier ne se trouvait à proximité ; que la circonstance que la société EAV ait balisé la zone en plaçant quatre cônes dits de " Lubeck " autour de la bouche d'égout ne constitue pas, dans les circonstances de l'espèce, une mesure suffisante, alors que cette bouche d'égout se situait au milieu d'un passage piéton et à proximité de la place du marché, à un endroit que des personnes âgées, aux capacités d'attention plus réduites, étaient susceptibles d'utiliser pour aller faire leurs courses le jour du marché ; que MmeA..., malvoyante, ne peut être regardée, en raison même de sa vision réduite, comme ayant commis une imprudence fautive en omettant, comme le soutient la société EAV, de se munir d'une canne ou de se faire accompagner par un tiers pour effectuer ses courses ; que cet accident ne peut ainsi être regardé comme imputable à une faute de la victime ; que la CASQY et la société EAV ne sont donc pas fondées à soutenir que leur responsabilité solidaire ne pouvait pas être recherchée aux fins d'indemnisation des dommages subis par MmeA... ;

Sur le préjudice :

11. Considérant que le tribunal administratif a retenu qu'il résultait du rapport d'expertise que la requérante avait subi une gêne temporaire totale le 19 mai ainsi qu'une gêne temporaire partielle au taux de 50 % pour la période du 20 mai au 19 juillet 2010, de 25 % du 20 juillet au 20 septembre 2010 et de 10 % pour la période du 21 septembre 2010 au 3 mars 2011, date de consolidation et qu'il y avait ainsi lieu de lui allouer 1 300 euros correspondant à 25 euros pour l'unique jour d'immobilisation totale, 620 euros pour la période de gêne évaluée à 50 %, à 320 euros pour la période de gêne évaluée à 25 % et à 335 euros pour la période de gêne évaluée à 10 % ; que le tribunal administratif a décidé de lui allouer la somme de 4 500 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent évalué à 6 %, et la somme de 2 200 euros au titre des souffrances endurées, évaluées par l'expert à hauteur de 2,5 sur une échelle comprise entre 1 et 7 ; que MmeA... n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause la somme de

8 000 euros arrêtée par le Tribunal administratif de Versailles au titre des préjudices extrapatrimoniaux ; que, par ailleurs, dans le dernier état de ses écritures, Mme A...ne demande plus la réparation du préjudice moral qu'elle aurait subi ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité, son appel incident tendant à ce que la somme allouée par le Tribunal administratif de Versailles soit portée à la somme de 24 250 euros doit être rejetée ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la CASQY et la société EAV ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles les a condamnées à verser à Mme A...une somme totale de 8 000 euros, provision comprise ; que l'appel incident de Mme A...doit également être rejeté ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeA..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société EAV, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la CASQY et la société EAV une somme de 2000 euros, chacune, à verser à Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge de la CASQY ou de la société EAV à verser à la société Dégremont, à la société Sevesc et à la caisse primaire d'assurances maladie des Yvelines sur le même fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES et de la société EAV sont rejetées.

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N° 15VE00488, 15VE00492


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE00488
Date de la décision : 30/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-01 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages sur les voies publiques terrestres.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: Mme MEGRET
Avocat(s) : AARPI ALONSO-MAILLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-06-30;15ve00488 ?
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