Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SA Electricité de France (EDF) a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution sociale sur cet impôt, outre intérêts de retard correspondants, auxquels elle a été assujettie à hauteur de 257 787 771 euros au titre de son exercice clos en 2006 à raison de la remise en cause de la provision constituée pour rentes futures d'accidents du travail et de maladies professionnelles.
Par un jugement n° 1312396 du 30 mars 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par un recours, enregistré le 22 juillet 2015, le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de remettre à la charge de la SA EDF les impositions dont la décharge a été prononcée par le tribunal.
Le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS soutient que :
- depuis le 1er janvier 2005, le fonctionnement du régime d'assurance vieillesse, invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles de la branche des industries électriques et gazières (IEG) est assuré par la caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG) ; la SA EDF n'est donc plus directement engagée au versement des rentes pour accidents du travail et maladies professionnelles vis-à-vis de ses salariés mais s'acquitte auprès de la CNIEG, seule responsable du versement des rentes, de cotisations sociales qui, calculées en fonction de sa masse salariale rapportée à celle de la masse salariale de l'ensemble de la branche, ne sont pas destinées uniquement à couvrir les rentes de ses salariés mais aussi celles des autres salariés des IEG ;
- les règles comptables, exprimées notamment par l'article 212-1 du plan comptable général, et interprétées par un avis du Conseil national de la comptabilité n° 00-01 du
20 avril 2000, publié au bulletin de ce Conseil n° 49 du 4ème trimestre 1981, ou par une publication du 18 avril 2013 de la commission des études comptables de la compagnie nationale des commissaires aux comptes, ne permettent pas d'anticiper par voie de provision les futures cotisations à verser par la SA EDF à la CNIEG au vu d'une hausse attendue de ses cotisations pour accidents du travail et maladies professionnelles, dès lors que l'obligation de payer ces cotisations ne naît qu'au cours de l'exercice, postérieur, où les salariés concernés fournissent un travail générant cette obligation ;
- les règles fiscales, de même, ne permettent pas la déduction d'une telle provision, qui, en méconnaissance du 5° du 1 de l'article 39-1 du code général des impôts, anticipe une charge qui, d'une part, ne peut être rattachée à l'exercice de sa constitution, dès lors que le fait générateur des cotisations sociales réside dans le versement des salaires et non dans la survenance d'accidents du travail ou de maladies professionnelles, et, d'autre part, ne peut être évaluée avec une approximation suffisante, dès lors que même si le montant total des engagements de la CNIEG dépend du nombre de salariés accidentés, la contribution annuelle de chaque société, au nombre desquelles figure la SA EDF, ne dépend que du rapport de sa masse salariale sur la masse salariale totale de la branche IEG, alors que la provision litigieuse est calculée sur la base des personnes déjà en situation d'invalidité à la clôture de l'exercice et qu'il n'existe pas de lien direct de causalité entre les accidents ou maladies intervenus au sein d'une entreprise et le niveau de cotisation appelé par la CNIEG ; enfin, la provision constituée ne peut tenir compte des fluctuations de la masse salariale au cours de la période de paiement des cotisations et présente ainsi un caractère aléatoire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2015, la SA EDF, représentée par Me de Mordant de Massiac, avocat, conclut au rejet du recours et à ce que soit mise à la charge de l'État la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la contribution des employeurs de la branche IEG au régime des accidents du travail et maladies professionnelles n'a pas juridiquement la nature d'une cotisation sociale mais correspond à une obligation de l'employeur à l'égard de ses seuls salariés vis-à-vis desquels il assume seul le risque d'accidents du travail et maladies professionnelles ; la création de la CNIEG est demeurée sans incidence à cet égard dès lors que s'agissant des accidents du travail et maladies professionnelles, elle a pour seul rôle de gérer, pour le compte des employeurs qui en assument le coût, le versement des rentes ; le mode de calcul de la part contributive de la
SA EDF au régime des accidents du travail et maladies professionnelles procède d'une simple péréquation et n'a pas d'incidence sur la nature de l'obligation qui incombe à chaque employeur ; la CNIEG, qui ne dispose pas de capitaux de couverture lui permettant de garantir le versement des rentes accidents du travail et maladies professionnelles, ne supporte pas le risque de financement de ces rentes ; enfin, un adhérent de la CNIEG, en cas de sortie de ce régime, serait tenu de verser une soulte pour en neutraliser les conséquences financières, ce qui confirme que l'obligation afférente repose directement et individuellement sur les entreprises de la branche ;
- la provision litigieuse a été régulièrement constituée au regard des normes comptables en vigueur ; en effet, la contribution des employeurs au régime accidents du travail et maladies professionnelles ne s'analyse pas comme une cotisation sociale, et, représentative des engagements pris à l'égard de ses personnels, est conforme aux prescriptions des dispositions combinées des articles 212-1 et 212-3 du plan comptable général, entraînant une obligation de comptabilisation en provision ;
- cette provision remplit les conditions de déductibilité fixées par les dispositions
du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts ; d'une part, les salaires ne sont qu'un élément d'assiette des contributions, et non le fait générateur de ces contributions, lequel résulte de l'incapacité temporaire ou permanente, déjà avérée à la clôture de l'exercice, du personnel de la branche des IEG en raison de la réalisation du risque ; par suite, la provision en cause est destinée à couvrir non le versement de cotisations futures à la CNIEG mais l'engagement de la société vis-à-vis de ses salariés bénéficiaires de rentes, à la clôture de l'exercice ; d'autre part, le montant de cet engagement est déterminé par un calcul actuariel sur la base des personnes déjà en situation d'invalidité temporaire ou permanente à la clôture de l'exercice, dont l'administration ne conteste pas la pertinence ; à cet égard, si la part contributive de chaque employeur est calculée en lui allouant le montant des charges du régime en proportion de sa masse salariale par rapport à la masse salariale de l'ensemble des employeurs de la branche, cette simple péréquation n'est pas de nature à remettre en cause le principe selon lequel l'obligation de chaque employeur est liée au coût des risques professionnels qui lui incombe à raison de ses seuls salariés ; enfin, la circonstance que la masse salariale servant au calcul de la provision litigieuse est susceptible de fluctuer ne suffit pas à lui conférer un caractère aléatoire ; par suite, conformément aux principes dégagés par la jurisprudence, ladite provision a été déterminée avec une approximation suffisante.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 ;
- le décret n° 2004-1354 du 10 décembre 2004 ;
- le décret n° 2005-278 du 24 mars 2005 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bergeret,
- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., pour la SA EDF.
1. Considérant que la SA EDF, à l'issue d'une procédure de vérification de comptabilité, a fait l'objet d'une proposition de rectification datée du 15 décembre 2009 par laquelle l'administration a remis en cause la déduction de la provision qu'elle avait comptabilisée à hauteur de 663 703 557 euros sur son exercice clos en 2006 au titre des rentes futures à verser à ses salariés pour accidents du travail et maladies professionnelles ;
que le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS relève appel du jugement du 30 mars 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la SA EDF des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale, ainsi que des intérêts de retard correspondants, mis à sa charge à hauteur de 257 787 771 euros au titre de l'exercice clos en 2006 à raison de ce chef de rectification ;
Sur les conclusions du ministre :
2. Considérant que la provision litigieuse a été constituée par la SA EDF à la suite de la réforme, opérée par la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 susvisée, du financement des prestations bénéficiant aux salariés de la branche des industries électriques et gazières (IEG) en vue de faire face à la charge résultant, selon elle, de l'obligation légale qui lui incombe d'assurer le paiement des rentes d'accidents du travail et maladies professionnelles aux salariés ou anciens salariés de l'entreprise ; qu'elle a déterminé cette provision en se fondant sur le calcul actuariel par lequel, tous les ans, la caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG), créée par la loi précitée, évalue les engagements de la totalité des sociétés de la branche IEG en matière de rentes d'accidents du travail et maladies professionnelles puis affecte à chaque société une contribution en fonction de l'importance de sa masse salariale dans la masse salariale totale des entreprises de la branche ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 16 de la loi du 9 août 2004 susvisée : " I. - A compter du 1er janvier 2005, le fonctionnement du régime d'assurance vieillesse, invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles des industries électriques et gazières prévu par l'article 47 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz est assuré par la caisse nationale des industries électriques et gazières. Elle est chargée de verser aux affiliés les prestations en espèces correspondantes, dans les conditions prévues au II, de recouvrer et de contrôler les cotisations, dans les conditions prévues au III, et de recouvrer et de contrôler la contribution tarifaire, dans les conditions prévues à l'article 18 de la présente loi (...) / La caisse nationale des industries électriques et gazières est un organisme de sécurité sociale de droit privé, doté de la personnalité morale. Elle est chargée d'une mission de service public au profit des personnels salariés et retraités des industries électriques et gazières dont le statut est fixé par l'article 47 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée (...) / II. - Les personnels salariés et retraités des industries électriques et gazières sont, à compter du 1er janvier 2005, affiliés de plein droit, pour les risques mentionnés au présent article, à la Caisse nationale des industries électriques et gazières. La caisse leur verse les prestations en espèces correspondantes (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 2004-1354 du 10 décembre 2004 relatif à la caisse nationale des industries électriques et gazières : " I. - La caisse nationale des industries électriques et gazières a pour rôle : / 1° De procéder, pour l'ouverture des droits aux prestations en espèces au titre des risques vieillesse, invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles, à l'immatriculation et à la radiation de ses affiliés ; / 2° De recouvrer les recettes destinées au financement des prestations afférentes aux risques mentionnés ci-dessus, notamment les cotisations sociales, la contribution instituée par l'article 18 de la loi du 9 août 2004 susvisée, les cotisations ou contributions sociales recouvrées pour compte de tiers sur les prestations qu'elle sert aux ressortissants du régime ainsi que les recettes destinées à financer le service des prestations qu'elle sert en application du II du présent article ; / 3° D'assurer le service des prestations en espèces au titre des risques mentionnés au 1° du présent article ; / 4° D'exercer les missions relatives aux conventions financières passées avec la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, les fédérations d'institutions de retraite complémentaire prévues par l'article 19 de la loi du 9 août 2004 susvisée ; elle assure notamment le versement à leurs bénéficiaires des contributions exceptionnelles, forfaitaires et libératoires ; / 5° D'assurer la gestion de la trésorerie relative, d'une part, aux risques mentionnés au 1° du présent article et, d'autre part, au service des prestations prévues par le II du présent article ; / 6° D'évaluer, chaque année, le montant des droits spécifiques du régime d'assurance vieillesse de la branche des industries électriques et gazières pour les périodes validées au 31 décembre 2004 ; / 7° De donner, chaque année, aux entreprises de la branche les informations dont elle dispose et qui sont nécessaires à l'évaluation de leurs engagements comptables ; / 8° De recueillir auprès des entreprises, chaque année, les informations concernant les mesures qu'elles ont prises pour assurer le financement des droits spécifiques constitués à compter du 1er janvier 2005 (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 2005-278 du 24 mars 2005 relatif aux ressources de la caisse nationale des industries électriques et gazières : " I. - Les recettes de la caisse nationale des industries électriques et gazières sont constituées par : (...) / 6° Le produit des cotisations dues par les employeurs au titre des risques invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles (...) " ; qu'aux termes de l'article 2 dudit décret : " I. - Les cotisations mentionnées aux (...) 6° (...) du
I de l'article 1er du présent décret sont assises, par dérogation à l'assiette définie à l'article
L. 242-1 du code de la sécurité sociale, sur les éléments de rémunération mentionnés au III de l'article 17 de la loi du 9 août 2004 susvisée, comprenant les rémunérations, salaires et traitements attribués à titre principal aux salariés, notamment la gratification de fin d'année et les majorations versées en application des articles 9 et 14 du statut national du personnel des industries électriques et gazières mentionné ci-dessus (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de ce même décret : " I. - Les taux des cotisations à la charge des employeurs mentionnées aux (...) 6° (...) du I de l'article 1er du présent décret sont déterminés par la caisse afin d'assurer un équilibre entre les charges et les produits au cours de chaque exercice : / 1° Le montant dû par chaque employeur est calculé sur la base d'un taux, fixé pour chaque exercice, et appliqué à la masse salariale au sens du I de l'article 2 du présent décret acquittée par l'employeur au titre des salariés relevant du statut national des industries électriques et gazières mentionné ci-dessus. Ce taux correspond au rapport entre le montant des charges du régime et celui de la masse salariale de l'ensemble des employeurs. Il intègre, le cas échéant, les prévisions d'évolution des charges au titre de l'exercice à venir, compte tenu, notamment, d'une modification des règles applicables ou de la démographie du régime ; / 2° En cas d'insuffisance de ressources, la caisse doit soit appeler une régularisation en cours d'exercice, soit augmenter les taux (...) " ;
4. Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre, il ressort clairement des dispositions législatives et réglementaires citées au point précédent que la création de la CNIEG, organisme de sécurité sociale de droit privé doté de la personnalité morale, auxquels sont obligatoirement affiliés les personnels des industries électriques et gazières, n'a eu ni pour objet ni pour effet de transférer à cet organisme la responsabilité du financement des rentes d'accidents du travail et maladies professionnelles dues à ces personnels, lequel incombe à chaque employeur en vertu de son obligation de sécurité, mais de lui confier le soin d'évaluer et de collecter les sommes dues par chaque entreprise à ce titre, de leur fournir les éléments d'information nécessaires à l'évaluation de leurs engagements comptables et de servir les prestations à leurs bénéficiaires ; qu'à cet égard, il est d'ailleurs constant que la CNIEG ne dispose pas des capitaux de couverture nécessaires pour garantir les engagements correspondants au risque d'accidents du travail et maladies professionnelles généré par les employeurs concernés, lesquels, en vue de garantir l'équilibre du régime, sont tenus, en sus de leur cotisation initiale, non libératoire, de verser une cotisation supplémentaire en cas d'insuffisance de ressources constatée au titre d'un exercice ; qu'ainsi, alors que la CNIEG agit non pas comme un assureur de ce risque, pour lequel elle ne constitue d'ailleurs elle-même aucune provision, mais comme un simple gestionnaire dont l'interposition est sans incidence sur l'obligation pesant sur chaque employeur envers ses salariés à l'égard desquels le risque s'est réalisé, les contributions versées à la caisse ne peuvent être regardées que comme une modalité de financement de cette obligation, tant pour les rentes acquises avant la mise en place de la CNIEG que pour celles acquises postérieurement ; que peu importe, à cet égard, la circonstance qu'en conséquence du mécanisme de péréquation prévu par le décret précité du 24 mars 2005, la contribution versée par chaque entreprise ne corresponde pas aux rentes versées à ses propres salariés mais repose sur un ratio de la masse salariale de chaque entreprise par rapport à la masse salariale de la branche dans son ensemble, étant, du reste, relevé qu'un tel ratio, représentatif du poids relatif de chaque société en termes d'effectif salarié, n'est pas étranger à l'objet et à la finalité du dispositif en cause ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 212-1 du plan comptable général : " 1. Un passif est un élément du patrimoine ayant une valeur économique négative pour l'entité, c'est-à-dire une obligation de l'entité à l'égard d'un tiers dont il est probable ou certain qu'elle provoquera une sortie des ressources au bénéfice de ce tiers, sans contrepartie au moins équivalente attendue de celui-ci (...) / 2. Cette obligation peut-être d'ordre légal, réglementaire ou contractuel (...) / 3. Le tiers peut-être une personne physique ou morale, déterminable ou non. / 4. L'estimation du passif correspond au montant de la sortie de ressources que l'entité doit supporter pour éteindre son obligation envers le tiers. 5. La contrepartie éventuelle est constituée des avantages économiques que l'entité attend du tiers envers lequel elle a une obligation " ; qu'aux termes de l'article 213 de ce plan : " Une provision pour risques et charges est un passif dont l'échéance ou le montant n'est pas fixé de façon précise " ;
6. Considérant que l'administration fait valoir que la provision litigieuse aurait été constituée en méconnaissance des normes comptables applicables dès lors que les cotisations versées à la CNIEG sont des charges normales de l'exercice au cours duquel elles sont devenues exigibles à raison de la fourniture effective d'un travail au cours de cet exercice, ce qui ferait obstacle à la comptabilisation d'une provision au titre de cotisations d'exercices ultérieurs ; que, toutefois, alors même que les cotisations versées au cours d'un exercice par la SA EDF à la CNIEG sont assises sur les rémunérations versées sur la même période à ses salariés, elles visent à la libérer de son obligation, d'ordre légal, née au cours du ou des exercices antérieurs du fait de la survenance d'accidents du travail ou de maladies professionnelles, de garantir le financement des droits acquis par les salariés concernés ; que cette obligation constitue ainsi un élément de passif existant à la clôture de l'exercice concerné mais dont l'échéance et le montant ne peuvent être fixés de manière certaine, de sorte qu'elle justifie la constitution d'une provision correspondante, en conformité avec les prescriptions des articles 212-1 et 212-3 précités du plan comptable général ; qu'à cet égard, le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS ne saurait utilement se prévaloir d'avis du Conseil national de la comptabilité rendus antérieurement à la création de la CNIEG, ou d'un avis de la commission des études comptables de la compagnie nationale des commissaires aux comptes publié en avril 2013 qui, outre qu'il n'a pas de force obligatoire et qu'il est relatif aux cotisations du régime général de sécurité sociale, est postérieur à l'exercice en cause dans la présente espèce ;
7. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provisions et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées, à cette date, par l'entreprise ; que, lorsque la nature des charges ou leurs caractéristiques interdisent de procéder autrement, elles peuvent faire l'objet d'une évaluation selon une méthode statistique à la condition que cette évaluation soit faite de manière précise et suffisamment détaillée et qu'elle prenne en compte notamment la probabilité de réalisation du risque lié à l'éloignement dans le temps ;
8. Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que le versement des salaires durant un exercice donné, dont le montant n'est que l'une des composantes permettant de liquider les cotisations, ne constitue pas le fait générateur de l'obligation de l'entreprise de contribuer au service des rentes en faveur des personnels concernés, laquelle, trouvant sa source dans la réalisation du risque, se rapporte donc aux opérations précédemment réalisées par l'entreprise en employant ces personnels ; qu'ainsi, la probabilité de la charge, dont il est constant qu'elle est elle-même déductible, résulte de circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et se rattache aux opérations de toute nature déjà effectuées, à cette date, par l'entreprise ; que, par ailleurs, alors que n'est pas contestée la pertinence du calcul actuariel établi annuellement par la CNIEG afin de déterminer le montant total des engagements de l'ensemble des sociétés de la banche IEG, l'administration ne saurait sérieusement soutenir que la provision litigieuse n'aurait pas été évaluée avec une approximation suffisante du seul fait que la contribution de la requérante ne dépendrait que du rapport de sa masse salariale sur la masse salariale totale de la branche, sans lien direct de causalité avec le nombre d'accident du travail et maladies professionnelles intervenues, dès lors que ce mode de calcul, en lui-même précis, est imposé par les dispositions législatives et réglementaires applicables au régime des accidents du travail et maladies professionnelles des IEG ; que, de même, si le ministre soutient, de manière générale, que la provision constituée par la société " ne peut tenir compte de la variation de la masse salariale susceptible de fluctuer au cours de la période de paiement des cotisations et présente, par conséquent, un caractère aléatoire (...) ", cette simple éventualité, qui ne se réfère à aucun évènement en cours, ne fait pas obstacle à ce que la provision litigieuse soit tenue pour justifiée à la date à laquelle elle a été constituée dès lors que la société a calculé cette provision en prenant en compte, comme elle y était tenue, l'étendue de ses obligations d'après la situation de fait et de droit existant à la date de clôture de l'exercice et donc avec une approximation suffisante ; que, par suite, c'est par une exacte application des dispositions du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts que le tribunal administratif a estimé que la provision était déductible des résultats de la SA EDF ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la SA EDF des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution sociale sur cet impôt, outre intérêts de retard correspondants auxquels elle a été assujettie au titre de son exercice clos en 2006 à raison de la remise en cause de la provision pour rentes futures d'accidents du travail et de maladies professionnelles ;
Sur les conclusions de la SA EDF tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le paiement à la SA EDF d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS est rejeté.
Article 2 : L'État versera à la SA EDF une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N°15VE02355