Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler la décision du 26 novembre 2013 par lequel le préfet du Val-d'Oise lui a refusé le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse et de ses deux enfants, d'autre part, d'enjoindre au préfet de faire droit à sa demande de regroupement familial ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1400521 du 14 octobre 2015, le Tribunal administratif de
Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2015, M. B..., représenté par Me Hamot, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;
3° d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de faire droit à sa demande de regroupement familial au profit de son épouse et de ses enfants ou, à défaut, de réexaminer sa situation, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 400 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée, qui ne vise ni la convention franco-camerounaise du 24 janvier 1994, notamment son article 9, ni le 3° de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui se réfère, de manière erronée, aux " principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ", est insuffisamment motivée au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 ;
- en se fondant sur la condamnation pénale dont il a fait l'objet en 2009, pour des faits sans rapport avec sa vie familiale, et en se référant aux " principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ", le préfet a entaché cette décision d'une erreur de droit au regard du 3° de cet article L. 411-5 ;
- en se fondant uniquement sur les faits qui lui ont valu cette condamnation, sans tenir compte de son comportement ultérieur, ni de la cellule familiale qu'il a créée par la suite, et alors qu'une carte de résident lui a été délivrée au mois de février 2013, le préfet a entaché cette décision d'une erreur d'appréciation de sa situation au regard du 3° de cet article
L. 411-5 ;
- compte tenu de sa situation familiale, le préfet a également méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il a aussi méconnu les articles 3-1 et 16 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 décembre 1990.
...............................................................................................................compter du 7 septembre 2009, a bénéficié, le 3 juin 2010, d'une mesure de libération conditionnelle
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention entre la République française et la République du Cameroun relative à la circulation et au séjour des personnes (ensemble une annexe), signée à Yaoundé le
24 janvier 1994 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Haëm,
- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,
- et les observations de Me Hamot, pour M.B.compter du 7 septembre 2009, a bénéficié, le 3 juin 2010, d'une mesure de libération conditionnelle
1. Considérant que M.B..., ressortissant camerounais né le 12 octobre 1979 et titulaire d'une carte de résident, a demandé le 25 février 2013 le bénéfice du regroupement familial pour son épouse et ses deux enfants ; que, par une décision du 26 novembre 2013, le préfet du Val-d'Oise a rejeté cette demande ; que M. B...relève appel du jugement du 14 octobre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille (compter du 7 septembre 2009, a bénéficié, le 3 juin 2010, d'une mesure de libération conditionnelle) ; / 2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ; / 3° Le demandeur ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil. " ;
3. Considérant que pour rejeter, par la décision attaquée en date du
26 novembre 2013 et sur le fondement des dispositions du 3° de l'article L. 411-5 précité, la demande de regroupement familial présentée par M. B... pour son épouse et ses deux enfants nés respectivement le 9 avril 2012 et le 7 juin 2013, le préfet du Val-d'Oise s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé a " été condamné le 25 février 2009 à 2 ans et 6 mois d'emprisonnement dont 1 an et 3 mois avec sursis avec 3 ans de mise à l'épreuve par la cour d'appel de Paris pour des faits d'agression sexuelle " et que " ces faits témoignent qu['il] ne [se] conforme pas aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, notamment le respect de l'intégrité physique et de l'égalité entre les hommes et les femmes " ;
4. Considérant, toutefois, que si M.B..., entré en France en 1999, s'est rendu coupable, dans la nuit du 17 au 18 mars 2007, de faits d'agression sexuelle qui lui ont valu une condamnation, par un arrêt du 25 février 2009 de la Cour d'appel de Paris, à une peine de trente mois d'emprisonnement, dont quinze mois assortis d'un sursis avec mise à l'épreuve pendant trois ans, il ressort des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas contesté en défense, le préfet du Val-d'Oise n'ayant produit en première instance et en appel aucune observation, que l'intéressé, qui a été incarcéré à... ; que, par la suite, M. B...a respecté l'ensemble des obligations lui incombant au titre de cette mesure de libération conditionnelle ainsi que du sursis avec mise à l'épreuve ; qu'en particulier, l'intéressé a indemnisé la victime des faits pour lesquels il a été condamné, à hauteur de la somme fixée en appel par le juge pénal ; que, par ailleurs, M. B... a épousé, le 20 octobre 2012, une compatriote, Mme D... E..., dont il a eu deux enfants, Enzo Nathan né le 9 avril 2012 et Jason Adam né le 7 juin 2013 ; qu'en outre, l'intéressé, qui a suivi en France des études supérieures, a été embauché en 2011 en qualité d'ingénieur et, de plus, s'est vu délivrer, au mois de février 2013, une carte de résident ; qu'enfin, alors que les faits reprochés à M. B...ont été commis au mois de mars 2007, soit plus de six ans et demi avant l'intervention de la décision attaquée en date du 26 novembre 2013, l'autorité préfectorale n'a fait état d'aucun autre fait ni d'aucun élément permettant de considérer qu'à la date de cette décision, l'intéressé ne se conformait pas, notamment dans le cadre de sa vie familiale, aux principes essentiels qui régissent la vie familiale en France ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances particulières de l'espèce, en fondant sa décision de refus de regroupement familial sur les seuls faits ayant justifié la condamnation pénale prononcée, le 25 février 2009, à l'encontre de l'intéressé, le préfet du Val-d'Oise doit être regardé comme ayant commis une erreur dans son appréciation de la situation et, en particulier, du comportement de M. B... au regard des dispositions du 3° de l'article L. 411-5 précité ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M.B..., que celui-ci est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 novembre 2013 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (compter du 7 septembre 2009, a bénéficié, le 3 juin 2010, d'une mesure de libération conditionnelle) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 dudit code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte (...). " ;
7. Considérant que M. B...demande à ce qu'il soit enjoint au préfet du Val-d'Oise d'autoriser le regroupement familial au profit de son épouse et de ses enfants ; que, toutefois, l'intéressé fait état, dans ses écritures d'appel, de la naissance d'un troisième enfant qu'il a eu avec son épouse, la jeune A...née le 17 août 2014 ; qu'eu égard, d'une part, au motif d'annulation retenu au point 4, d'autre part, aux différentes conditions exigées pour obtenir le bénéfice du regroupement familial, en particulier celle tenant au logement que doit disposer le demandeur en fonction du nombre de membres de la famille et, enfin, de cette circonstance de fait nouvelle dont fait état l'intéressé, le présent arrêt n'implique pas nécessairement qu'il soit fait droit à l'injonction ainsi demandée ; qu'en revanche, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de réexaminer la demande de regroupement familial présentée par M.B..., en tenant compte de cette circonstance de fait nouvelle, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1400521 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 14 octobre 2015 et la décision du préfet du Val-d'Oise en date du 26 novembre 2013 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-d'Oise de réexaminer la demande de regroupement familial présentée par M. B...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. B...une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.
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N° 15VE03661