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15/03/2016 | FRANCE | N°14VE03026

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 15 mars 2016, 14VE03026


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Compagnie d'exploitation des services auxiliaires aériens (société Servair) a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 1er juillet 2013 par laquelle l'inspectrice du travail de la 18ème section d'inspection du travail de la Seine-Saint-Denis a refusé d'autoriser le licenciement de M. C...E..., ensemble la décision implicite par laquelle le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI, DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET DU DIALOGUE SOCIAL a rejeté son recours hiérarchique.r>
Par un jugement n° 1400596 du 6 octobre 2014, le Tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Compagnie d'exploitation des services auxiliaires aériens (société Servair) a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 1er juillet 2013 par laquelle l'inspectrice du travail de la 18ème section d'inspection du travail de la Seine-Saint-Denis a refusé d'autoriser le licenciement de M. C...E..., ensemble la décision implicite par laquelle le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI, DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET DU DIALOGUE SOCIAL a rejeté son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1400596 du 6 octobre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à la demande de la société Servair et a enjoint à l'inspecteur du travail de réexaminer, dans un délai d'un mois, la demande de la société Servair tendant au licenciement de M. E....

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 29 octobre 2014 sous le numéro 14VE03026, le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI, DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET DU DIALOGUE SOCIAL demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande présentée par la société Servair devant le Tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors que les premiers juges se sont fondés sur le jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 26 mars 2013 et sur l'arrêt de la Cour du 17 juin 2014 sans démontrer que les faits commis par M. E...dans le cadre de ses fonctions représentatives constituaient un abus de droit rendant impossible son maintien dans l'entreprise ;

- les premiers juges auraient dû faire droit à sa demande de substitution de motifs dès lors que les décisions de l'inspectrice du travail et du ministre rejetant la demande de la

société Servair sont légalement justifiées par le motif, autre que celui initialement indiqué, tiré de ce que, saisis d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire, ils ne pouvaient autoriser le licenciement de M. E...pour le motif distinct que les faits commis dans le cadre de l'exercice de ses fonctions représentatives rendaient impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise ;

- le lien entre la demande d'autorisation de licenciement et les fonctions représentatives exercées par M. E...est établi par des éléments nouveaux à la date des décisions de l'inspectrice du travail et du ministre.

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II. Par une requête et des mémoires, enregistrés le 8 décembre 2014, le

23 décembre 2014, le 8 janvier 2016 et le 21 janvier 2016 sous le n° 14VE03391, M. E..., représenté par Me Dufresne-Castets, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1400596 du 6 octobre 2014 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2° de rejeter la demande présentée par la société Servair devant le Tribunal administratif de Montreuil ;

3° de mettre à la charge de la société Servair la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions de l'inspectrice du travail et du ministre se bornent à tirer les conséquences des motifs du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 26 mars 2013, s'agissant de la régularité de la procédure de licenciement consécutive aux faits commis le

23 novembre 2007 ;

- ces décisions ne méconnaissent pas l'autorité de la chose jugée, s'agissant de l'appréciation des perturbations sur le fonctionnement de l'entreprise consécutives aux faits commis le 20 février 2008 ;

- le lien entre la demande d'autorisation de licenciement et les fonctions représentatives exercées par M. E...est établi par des éléments nouveaux à la date des décisions de l'inspectrice du travail et du ministre.

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Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guibé,

- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,

- et les observations de M. E... et de MeD..., pour la société Servair.

1. Considérant que les requêtes susvisées n° 14VE03026 et n° 14VE03391, présentées par le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI, DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET DU DIALOGUE SOCIAL et M. E... sont relatives à la même décision et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Servair :

2. Considérant qu'en vertu de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005, le directeur général du travail peut signer, au nom du ministre et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous son autorité ; que

M. B...A..., chef du bureau des recours, du soutien et de l'expertise juridique au ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et signataire de la requête enregistrée sous le numéro 14VE03026, bénéficiait d'une délégation de signature du directeur général du travail en date du 24 mars 2014, régulièrement publiée au Journal officiel de la République française du 28 mars 2014, à l'effet de signer tous actes, décisions ou conventions à l'exclusion des décrets dans la limite des attributions de son bureau ; que, dès lors, la fin de non-recevoir tirée par la société Servair de l'incompétence de M. A...à l'effet de signer la requête doit être écartée ;

Sur le bien-fondé des requêtes :

3. Considérant qu'entre 2007 et 2008, la société Servair a sollicité à quatre reprises l'autorisation de licencier M.E..., ouvrier ajusteur, délégué syndical central et membre du comité d'établissement ; que ces demandes ont été rejetées par des décisions de l'inspecteur du travail des 16 mai 2007, 16 août 2007, 13 février 2008 et 30 avril 2008, confirmées par le ministre ; que, par un arrêt du 4 octobre 2011, la cour de céans a annulé les décisions de refus d'autorisation des 13 février et 30 avril 2008 et enjoint à l'inspecteur du travail de réexaminer les demandes de la société ; que, par décision du 6 décembre 2011 confirmée par le ministre, l'inspectrice du travail a de nouveau refusé l'autorisation de licencier M. E... ; que, par un jugement du 26 mars 2013, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cette décision et a enjoint à l'inspecteur du travail de réexaminer la demande de la société ; que, par lettre du 7 mai 2013, la société Servair a de nouveau sollicité l'autorisation de licencier M. E... ; que, par une décision du 1er juillet 2013, l'inspectrice du travail a refusé cette autorisation aux motifs que le délai prévu par l'article L. 1232-2 du code du travail entre la convocation à l'entretien préalable et cet entretien n'avait pas été respecté, s'agissant de la procédure de licenciement ouverte à la suite des faits de violence commis le 23 novembre 2007, que les faits commis le 20 février 2008 l'avaient été dans le cadre de l'exercice des fonctions représentatives de l'intéressé et n'étaient pas de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise et, enfin, qu'il existait un lien entre les différentes demandes d'autorisation et les mandats détenus ; que le recours hiérarchique exercé par la société Servair auprès du ministre a fait l'objet d'une décision implicite de rejet ;

4. Considérant que l'inspectrice du travail était tenue d'examiner si la nouvelle procédure de licenciement était ou non en rapport avec les fonctions représentatives telles qu'exercées par l'intéressé depuis la décision annulée du 6 décembre 2011 ; que les pièces du dossier attestent d'une opposition ancienne et persistante entre M.E..., militant syndical actif au sein de la société, et la direction de l'entreprise qui s'est traduite par de multiples procédures judiciaires ; que, notamment, par un arrêt définitif du 7 avril 2011, la

Cour d'appel de Paris a condamné la société Servair à verser des dommages et intérêts à M. E... pour avoir déposé une plainte fautive pour faux et usage de faux qui, bien que dirigée contre une personne non dénommée, visait directement l'intéressé ; que, par ailleurs, à la suite des élections professionnelles du 5 octobre 2011 au cours desquelles la CGT a obtenu la majorité des voix et M. E...a été élu secrétaire du comité d'établissement, les moyens mis à disposition du comité et ses prérogatives ont fait l'objet de contestations de la société, le Tribunal de grande instance de Bobigny ayant, pour l'essentiel, fait droit aux demandes du comité d'établissement ; que, dans ces conditions, c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a jugé que la demande d'autorisation de licenciement était sans lien avec les mandats détenus par le salarié ;

5. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que la demande d'autorisation de licenciement étant, ainsi qu'il vient d'être dit, en lien avec le mandat détenu par M. E..., l'autorité administrative ne pouvait légalement faire droit à celle-ci ; que, par suite, les moyens soulevés par la société devant les premiers juges et tirés de la méconnaissance du principe du contradictoire, de la méconnaissance de la chose jugée concernant la régularité de la procédure de licenciement et de l'erreur de fait concernant cette même procédure ne peuvent qu'être écartés ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé les décisions de l'inspectrice du travail du 1er juillet 2013 et du ministre refusant à la société Servair l'autorisation de licencier M. E...;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat et de M.E..., qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que la société Servair demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Servair le versement d'une somme de 1 500 euros à verser à M. E...sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1400596 du Tribunal administratif de Montreuil en date du

6 octobre 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Servair devant le Tribunal administratif de Montreuil ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La société Servair versera à M. E...une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la requête de M. E...est rejeté.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14VE03026
Date de la décision : 15/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Céline GUIBÉ
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : SCP PIGOT, SEGOND et ASSOCIES ; DUFRESNE-CASTETS ; SCP PIGOT, SEGOND et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-03-15;14ve03026 ?
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