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26/01/2016 | FRANCE | N°15VE00932

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 26 janvier 2016, 15VE00932


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1402272 du 26 janvier 2015, le Tribunal administratif de

Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mars 2015, MmeA..., représentée par Me

Cheneau, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge des coti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1402272 du 26 janvier 2015, le Tribunal administratif de

Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mars 2015, MmeA..., représentée par Me Cheneau, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi mises à sa charge au titre des années 2008 et 2009 ;

3° de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il résulte de l'ordonnance de non-lieu du 16 septembre 2010 que le juge d'instruction y a relevé que les infractions de blanchiment et d'abus de biens sociaux n'étaient pas caractérisées dans la mesure où certaines recettes non déclarées de l'institut de beauté " L'orchidée " ne provenaient pas de l'activité de cette société, ni ne correspondait à son objet social, mais de prestations réalisées par ses associées à titre personnel ; les recettes issues de l'activité de prostitution n'avaient donc pas à être déclarées par la société, nonobstant l'utilisation d'une partie de ses moyens d'exploitation ; il s'ensuit que le grief tiré de l'absence de comptabilisation des recettes de prostitution dans le cahier des recettes de la société ne peut être retenu ;

- par ailleurs, les revenus d'une activité de proxénétisme sont imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;

- ensuite, le nombre de clients retenu pour la reconstitution du chiffre d'affaires de l'institut de beauté " L'orchidée " n'est pas valable, pour le même motif tiré de ce qu'il ne s'agissait pas de ses propres clients, mais de ceux de ses associées ; de plus, la comptabilité de la société fait apparaître que ses clients étaient réduits en nombre, l'activité ayant seulement été reprise en novembre 2007 ; l'administration ne peut davantage prétendre que le nombre des clients journaliers de l'institut était chaque jour identique, si bien que le nombre de massages non déclarés ne peut être évalué quotidiennement à dix alors surtout qu'elle travaillait à temps partiel et qu'elle a été absente de France pendant une partie de l'année 2008 et se trouvait à Dubaï ou en Chine et que, pour le reste du temps, elle s'occupait de sa fille ainsi que cette dernière et l'un de ses clients l'ont déclaré ; par suite, elle ne peut être regardée comme ayant bénéficié de la moitié des distributions de la société, mises à sa charge sur le fondement de l'article 109 du code général des impôts.

...................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Locatelli,

- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.

1. Considérant qu'à la suite de la vérification de comptabilité, portant sur les années 2007 à 2009, de la société à responsabilité limitée exploitée sous l'enseigne " Institut de beauté L'orchidée ", dont Mme A...était gérante de droit et avait détenu, sur l'essentiel de la période vérifiée, la moitié du capital social, l'intéressée ayant cependant détenu 34 % des parts sociales entre fin juillet et mi-novembre 2008, l'administration, après avoir écarté sa comptabilité, a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires, rehaussé ses résultats, qu'elle a qualifiés de revenus distribués entre les mains de ses deux associées et a notifié à MmeA..., à la suite d'un contrôle sur pièces, des suppléments d'impôts dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, assis sur la moitié des revenus distribués par l'institut de beauté " L'orchidée " ; que la requérante relève appel du jugement du 26 janvier 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles elle a été assujettie en conséquence de ces distributions au titre des années 2008 et 2009 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital / Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts non prélevés sur les bénéfices (...) " ; qu'il incombe à l'administration qui a suivi la procédure contradictoire, et dès lors que les redressements n'ont pas été acceptés, d'apporter la preuve de l'existence et du montant des distributions ainsi que de leur appréhension par la contribuable ;

Sur l'existence et le montant des revenus distribués imposés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers :

3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de police rédigé le 2 février 2009 par un fonctionnaire de police du commissariat de Boulogne-Billancourt dans le cadre la procédure judiciaire ouverte pour proxénétisme aggravé à l'encontre des associées et cogérantes de l'institut de beauté " L'orchidée ", au nombre desquels figurait la requérante que, pendant les années d'imposition en litige, la société du même nom encaissait des recettes provenant de ce qu'elle mettait, en connaissance de cause, ses locaux, qui avaient fait l'objet d'aménagements à cet effet, et son personnel dirigeant, à la disposition de ses clients ; que les clients s'acquittaient directement du prix des prestations auprès de ses cogérantes et que ces dernières se partageaient à parts égales les recettes de la société en rémunération de leur activité ; que les recettes ainsi perçues par l'institut de beauté " L'orchidée ", alors même que les sommes encaissées par l'activité de prostitution relèvent normalement de la catégorie des bénéfices non commerciaux, sont au nombre des recettes engendrées par les opérations de toute nature dont la société à responsabilité limitée exploitant l'institut de beauté " L'orchidée " passible de l'impôt sur les sociétés devait tenir compte, en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, pour la détermination de ses bénéfices imposables ; que Mme A...n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a tenu compte des recettes concernées pour le calcul des bénéfices imposables de la société, regardées, par suite, comme revenus distribués entre les mains de ses associées ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que si Mme A...soutient que le vérificateur n'était pas en droit d'écarter, comme il l'a fait, la comptabilité de l'institut de beauté, faute d'en avoir établi l'insincérité, et a fortiori d'en reconstituer les recettes, il résulte, toutefois, de l'instruction que, lors des opérations de contrôle sur place, le vérificateur a relevé que la société n'avait pas été en mesure de justifier du détail et de l'exhaustivité de ses recettes ; qu'en effet, si le cahier des comptes des ventes journalières présentées attestait d'une comptabilisation des recettes quotidiennes en indiquant pour chacune des prestations vendues la mention " massage ", sans plus de précision, et qu'un tableau récapitulatif faisait la synthèse mensuelle des recettes, ce mode de comptabilisation ne permettait pas de connaître la nature, les quantités et les montants unitaires des différentes prestations commercialisées ; que, par ailleurs, ces écritures n'étaient justifiées par aucune pièce de recettes, telles que des factures ou tickets de caisse alors que la société ne disposait d'aucun brouillard ni de bande de caisse enregistreuse ou encore de tous autres documents susceptibles de donner un caractère réaliste, du point de vue de l'exploitation, aux informations que la société recensait dans le cahier des comptes et les tableaux de synthèse des ventes ; qu'ainsi, et à défaut que la société l'institut de beauté " L'orchidée " justifie, lors du contrôle sur place, du détail et de l'exhaustivité de ses recettes, l'administration pouvait légalement écarter la comptabilité de la société qui, en tant qu'elle était entachée de graves irrégularités, était dépourvue de valeur probante et, par suite, procéder, comme elle l'a fait, à la reconstitution des recettes de celle-ci, contrairement à ce que soutient Mme A...;

5. Considérant, en troisième lieu, que, pour procéder à la reconstitution extracomptable des recettes de l'institut de beauté " L'orchidée ", l'administration a recouru aux données propres à l'entreprise, recueillies lors de la perquisition et des auditions ordonnées dans le cadre de la procédure judiciaire ouverte pour proxénétisme aggravé à l'encontre de Mme A... et de son associée, qu'elle a ensuite comparées aux données portées sur le cahier des comptes et les tableaux mensuels des ventes de la société ; qu'il résulte de la mise sous surveillance de son activité que l'institut de beauté " L'orchidée " a reçu, pour la seule journée du 18 mars 2009, quinze clients, lesquels ont déclaré s'être acquittés des prestations reçues, en espèces, alors que le cahier des comptes mentionnait une moyenne de seulement quatre prestations journalières et ne recensait que fort peu d'espèces ; qu'il ressort, par ailleurs, de la grille tarifaire saisie à l'occasion de la perquisition des locaux de l'institut de beauté que le prix unitaire des prestations oscillait entre 80 et 300 euros ; que, dans ces conditions, en retenant un prix moyen pondéré par prestation de 91.70 euros à raison de dix clients journaliers, nombre d'ailleurs confirmé par la requérante lors de son audition, alors que le cahier des comptes, regardé comme insincère, minorait gravement les recettes réalisées par l'institut de beauté " L'orchidée ", le vérificateur, par la méthode de reconstitution ainsi utilisée, qui n'est ni excessivement sommaire, ni radicalement viciée dans son principe, n'a pas, sauf preuve contraire qu'il appartient à la requérante d'apporter, par exemple en proposant une méthode de reconstitution alternative susceptible d'aboutir à des résultats plus précis, exagéré les recettes reconstituées ;

6. Considérant, à cet égard, que Mme A...oppose, pour seule critique, le fait qu'elle a dû se rendre à l'étranger au cours de l'année 2008, une semaine en juin, trois semaines en septembre et deux semaines en décembre, comme en attestent les mentions portées sur son passeport et qu'en outre, elle a été dans l'obligation de s'absenter fréquemment les matinées ou les après-midi, notamment pour s'occuper de sa fille et assurer le suivi de sa scolarité, ainsi que cette dernière le confirme et qu'en atteste un client par courriers respectifs des 1er et 3 février 2011 ; qu'outre que ces courriers, produits postérieurement au contrôle, sont sans date certaine et ne peuvent être regardés comme ayant une force probante suffisante, il résulte également de l'instruction que le nombre de jours travaillés a été fixé en fonction du nombre de jours d'ouverture de l'institut que les cogérantes avaient elles-mêmes portés sur le cahier des comptes, et se montait à 277 jours en 2008 et 69 jours en 2009, étant observé que la société a été liquidée le 7 avril 2009 ; que, dans ces conditions, le vérificateur a pu fixer, sans exagération, le montant des omissions de recettes de l'institut de beauté " L'orchidée ", aux sommes respectives de 190 712 euros et 63 342 euros hors taxe et, par suite, les regarder, pour moitié, comme revenus distribués entre les mains de MmeA..., laquelle ne conteste pas s'être répartie ces revenus à parts égales avec son associée, cogérante de fait de l'institut de beauté, ainsi que cette dernière l'a également reconnue lors de son audition ;

7. Considérant, enfin, qu'eu égard aux faits sus-relatés, la circonstance que l'ordonnance de non-lieu du 16 septembre 2010 a conclu à l'absence de blanchiment et d'abus de biens sociaux, ordonnance au demeurant dépourvue d'autorité de chose jugée y compris sur les faits, est sans incidence, en l'espèce, sur l'existence, le montant et la qualification fiscale en qualité de revenus de capitaux mobiliers, de ces distributions ;

Sur l'appréhension des revenus distribués :

8. Considérant que, pour éstimer que Mme A...avait appréhendé ces distributions, à part égale avec son associée, l'administration s'est fondée sur les déclarations de cette dernière, et également sur la double circonstance que cette répartition correspondait aux droits sociaux que Mme A...avait détenus dans la société sur l'essentiel de la période vérifiée et que les associées codirigeaient concurremment, et ensemble, l'institut de beauté " L'orchidée ", ce à quoi la requérante n'objecte aucune critique ; que l'administration doit dès lors être regardée comme rapportant la preuve, qui lui incombe, de ce que Mme A...partageait, avec son associée, la co-maîtrise de l'affaire et appréhendait la moitié des revenus distribués de l'entreprise ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

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N° 15VE00932 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE00932
Date de la décision : 26/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Franck LOCATELLI
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : SCP CHENEAU ET PUYBASSET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-01-26;15ve00932 ?
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