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03/12/2015 | FRANCE | N°14VE00318

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 03 décembre 2015, 14VE00318


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la restitution des sommes de 31 938 euros, 33 042 euros et 28 131 euros, au titre du plafonnement de leurs impôts directs à 50 % de leurs revenus respectivement au titre des années 2006, 2007 et 2008.

Par un jugement n° 1106160 du 10 octobre 2013, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise après avoir, par son article 1er, prononcé le non-lieu à statuer sur la demande tendant à la restitution de la somme de 2

8 131 euros au titre du plafonnement des impôts à 50 % des revenus de l'année 2008,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la restitution des sommes de 31 938 euros, 33 042 euros et 28 131 euros, au titre du plafonnement de leurs impôts directs à 50 % de leurs revenus respectivement au titre des années 2006, 2007 et 2008.

Par un jugement n° 1106160 du 10 octobre 2013, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise après avoir, par son article 1er, prononcé le non-lieu à statuer sur la demande tendant à la restitution de la somme de 28 131 euros au titre du plafonnement des impôts à 50 % des revenus de l'année 2008, a, par son article 2, accordé la restitution de la somme de 64 980 euros demandée par les intéressés au titre du plafonnement de leurs impôts à 50% des revenus des années 2006 et 2007 et, par son article 3, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés les 29 janvier et 29 juillet 2014, le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'il a accordé à M. et Mme A...la restitution de la somme de 64 980 euros au titre du plafonnement de leurs impôts directs à 50% des revenus des années 2006 et 2007 et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2° de décider le reversement par M. et Mme A...de la somme de 64 980 euros qui leur a été restituée en exécution du jugement attaqué.

Il soutient que :

- à titre principal, l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ne s'applique pas aux demandes de plafonnement des impôts directs à 50% des revenus ; ces demandes relèvent exclusivement des règles de procédure définies au 8 de l'article 1649-0 A du code général des impôts qui imposent le dépôt de la demande à l'administration fiscale avant le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la réalisation des revenus de référence ; la demande présentée le 20 décembre 2010 par M. et Mme A...est tardive au regard de ce délai qui expirait le

31 décembre 2008 s'agissant du plafonnement au titre des revenus de l'année 2006 et au 31 décembre 2009 s'agissant du plafonnement au titre des revenus de l'année 2007 ;

- à titre subsidiaire, ni la déclaration ni le paiement tardifs de l'impôt de solidarité sur la fortune au titre des années 2007 et 2008 ne sauraient constituer un événement au sens du c de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ;

- les dispositions de l'article 1649-0 A du code général des impôts ne sont incompatibles ni avec l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni avec l'article 1er du premier protocole à cette convention.

.....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chayvialle,

- les conclusions de Mme Garrec, rapporteur public,

- et les observations de Me Poisson, avocat de M. et MmeA....

Une note en délibéré, enregistrée le 20 novembre 2015, a été présentée pour M. et MmeA..., par Me Poisson.

1. Considérant que M. et Mme A...ont déposé en novembre 2010 des déclarations rectificatives d'impôt de solidarité sur la fortune au titre des années 2007 et 2008 ; qu'ils ont présenté le 20 décembre 2010, en application des dispositions alors en vigueur des articles 1er et 1649-0 A du code général des impôts, des demandes de restitution des sommes de respectivement 31 938 euros et 33 042 euros au titre du plafonnement, à 50% des revenus des années 2006 et 2007, de leurs impôts directs, comprenant notamment les montants d'impôt de solidarité sur la fortune acquittés en 2010 ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES relève appel du jugement du 10 octobre 2013 en tant que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé la restitution à M. et Mme A...de la somme totale de 64 980 euros au titre du plafonnement de leurs impôts directs à 50 % des revenus des années 2006 et 2007 et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2. Considérant que pour accorder la restitution demandée le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a admis la recevabilité des demandes de M. et Mme A...et écarté la fin de non-recevoir opposée par le service tirée de la tardiveté des demandes préalables, au motif que le paiement en 2010 des suppléments d'impôt de solidarité sur la fortune constituait, au sens des dispositions du c de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, un événement ayant ouvert aux intéressés un nouveau délai de réclamation ;

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er du code général des impôts, dans la rédaction applicable pour la détermination du plafonnement des impositions afférentes aux revenus réalisés en 2006 et 2007 : " Les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 50 % de ses revenus. (...) " ; qu' aux termes de l'article 1649-0 A de ce code, dans la rédaction applicable pour la détermination du plafonnement des impositions afférentes aux revenus réalisés aux cours des mêmes années : " 1. Le droit à restitution de la fraction des impositions qui excède le seuil mentionné à l'article 1er est acquis par le contribuable au 1er janvier de la deuxième année suivant celle de la réalisation des revenus mentionnés au 4. (...) 2. Sous réserve qu'elles aient été payées en France et,(...) pour les impositions mentionnées aux a, b et e, qu'elles aient été régulièrement déclarées, les impositions à prendre en compte pour la détermination du droit à restitution sont : /.../b) l'impôt de solidarité sur la fortune établi au titre de l'année qui suit celle de la réalisation des revenus mentionnés au 4 ; (...) 4. Le revenu à prendre en compte pour la détermination du droit à restitution s'entend de celui réalisé par le contribuable (...) / 8. Les demandes de restitution doivent être déposées avant le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la réalisation des revenus mentionnés au 4.(...) " ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir (...) le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. " ; qu'aux termes de l'article R. 196-1 du livre précité : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas :/.../ c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. (...) " ; qu'une demande de restitution de la fraction des impositions qui excède 50 % des revenus constitue une réclamation tendant à obtenir le bénéfice d'un droit au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ; que le délai particulier prévu par le 8 de l'article 1649-0 A du code général des impôts pour formuler une demande de restitution ne fait pas obstacle à ce que soit invoquée, après l'expiration de ce délai, la réalisation d'un événement qui motive la réclamation, au sens de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ;

5. Considérant que les dispositions, citées ci-dessus, du 2 de l'article 1649-0 A du code général des impôts ont pour objet d' ouvrir le droit à restitution qu'elles instaurent en prenant en compte les impositions régulièrement déclarées qui s'entendent de celles établies sur des revenus et des biens déclarés spontanément et dans les délais légaux ; qu'en vertu de l'article 885 W du code général des impôts, le délai dont disposent les redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune pour déclarer leur fortune et acquitter l'impôt correspondant expire au 15 juin de l'année d'imposition ; que les déclarations au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune des années 2007 et 2008, accompagnées du paiement de l'impôt correspondant, déposées en novembre 2010 par M. et MmeA..., après expiration du délai légal, ne sauraient donc avoir aucune incidence sur leur droit au plafonnement de leurs impôts directs par rapport aux revenus des année 2006 et 2007, ni dans son principe, ni dans son montant, et ne peuvent, par suite, constituer un événement au sens du c de l'article R. 196-1 précité du livre des procédures fiscales ; qu'ainsi, le MINISTRE DE l'ECONOMIE ET DES FINANCES est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a admis la recevabilité des demandes de restitution présentées par M. et Mme A...en se fondant sur l'évènement qu'aurait constitué le paiement des impositions au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune en novembre 2010 ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. et MmeA..., devant le tribunal administratif et devant la Cour ;

7. Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que les demandes de M. et Mme A...tendant à la restitution de la fraction des impôts directs excédant 50 % des revenus des années 2006 et 2007, présentées en décembre 2010, ont été présentées le 20 décembre 2010, soit après l'expiration le 31 décembre 2008, s'agissant du plafonnement relatif aux revenus de l'année 2006 et le 31 décembre 2009, s'agissant du plafonnement relatif aux revenus de l'année 2007 du délai prévu par les dispositions précitées du 8. de l'article 1649-0 A du code général des impôts ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que les cotisations d'impôt de solidarité sur la fortune au titre des années 2007 et 2008 qui résultent, ainsi qu'il vient d'être dit au point 5, de déclarations déposées après expiration du délai prévu par l'article 885 W du code général des impôts ne peuvent être regardées comme ayant été régulièrement déclarées, au sens du 2. de l'article 1649-0 A du code général des impôts, alors même qu'elles ne résultent pas d'une proposition de rectification notifiée par le service ; que M. et Mme A...ne peuvent utilement, se prévaloir ni du paragraphe 34 de l'instruction publiée au bulletin officiel des impôts 13 A-1-06 n° 207 du 15 décembre 2006 relatif aux cotisations d'impôt de solidarité sur la fortune à prendre en compte pour le plafonnement des impôts par rapport aux revenus ni d'une doctrine publiée au bulletin officiel des impôts du 30-10-2010 indiquant que la demande de restitution d'une fraction des impôts directs a le caractère d'une réclamation contentieuse dès lors que ces instructions, concernant la procédure contentieuse ne peuvent être regardées, en tout état de cause, comme comportant une interprétation de la loi fiscale au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations. " ; que M. et Mme A...n'ont pas fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification concernant leur droit à restitution au titre du plafonnement des impôts directs à 50% des revenus des années 2006 et 2007 ; que la circonstance, à la supposer même établie, que, suite aux déclarations déposées tardivement par les intéressés, le service leur aurait notifié des propositions de rectification au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune des années 2007 et 2008, ne saurait permettre à M. et Mme A...de se prévaloir du délai prévu par les dispositions précitées de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales pour déposer une demande de restitution au titre du plafonnement de leurs impôts à 50% des revenus des années 2006 et 2007, laquelle ne constitue pas une réclamation dirigée contre ces impositions ;

10. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international./ Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. " ; qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent doit être regardée comme un bien, au sens des stipulations précitées du premier alinéa de cet article ; que, toutefois, l'instauration d'un délai de demande de restitution de la fraction des impositions excédant le seuil mentionné à l'article 1er du code général des impôts de deux ans à compter de la date de réalisation des revenus est suffisante pour permettre aux contribuables de faire valoir utilement leurs droits ; qu'en tout état de cause ces stipulations ne font pas obstacle à ce que, pour déterminer le droit à restitution résultant du plafonnement des impôts directs à 50% des revenus du contribuable le législateur limite les impositions prises en compte aux seules impositions acquittées par le contribuable notamment s'agissant de l'impôt de solidarité sur la fortune à la suite de la déclaration régulière des biens qui s'entend de celle déclarée spontanément et dans les délais légaux ; qu'il suit de là que, contrairement à ce que soutiennent M. et MmeA..., les dispositions précitées de l'article 1649-0 A du code général des impôts ne méconnaissent pas les exigences qui s'attachent à la protection d'un droit patrimonial telles qu'elles découlent des stipulations précitées du premier protocole additionnel ;

11. Considérant, en dernier lieu, qu'à l'appui de leur demande tendant à la restitution des sommes litigieuses, M. et Mme A...ne sauraient utilement contester la régularité de la procédure d'imposition relative aux cotisations d'impôt de solidarité sur la fortune dont ils demandent la prise en compte, notamment au regard du devoir de loyauté de l'administration fiscale ou des mentions de la charte du contribuable, ni invoquer les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que le présent litige ne constitue pas une accusation en matière pénale ou une contestation sur des droits et obligations à caractère civil, au sens de ces stipulations ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 2 et 3 du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a accordé à M. et MmeA... la restitution de la somme de 64 980 euros au titre du plafonnement de leurs impôts directs à 50% de leurs revenus des années 2006 et 2007 et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu de décider le reversement par M. et Mme A...de la somme de 64 980 euros qui leur a été restituée en exécution du jugement attaqué ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme A...demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n°1106160 du 10 octobre 2013 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise sont annulés.

Article 2 : M. et Mme A...reverseront au Trésor public la somme de 64 980 euros qui leur avait été restituée au titre du plafonnement des impôts directs à 50% des revenus des années 2005 et 2006 .

Article 3 : Les conclusions de M. et Mme A...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 14VE00318 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 14VE00318
Date de la décision : 03/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt.

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Réclamations au directeur - Délai.


Composition du Tribunal
Président : Mme de BOISDEFFRE
Rapporteur ?: M. Nicolas CHAYVIALLE
Rapporteur public ?: Mme GARREC
Avocat(s) : POISSON

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-12-03;14ve00318 ?
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