Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mlle B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2012 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant la République démocratique du Congo comme pays de destination.
Par un jugement n° 1300153 en date du 20 mai 2014, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la requête de MlleB....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 juin 2014, présentée par Me Thiébaut, avocat, Mlle B... demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Versailles ;
2° d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2012 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant la République démocratique du Congo comme pays de destination ;
3° d'enjoindre au préfet des Yvelines, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire, ou à tout le moins, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente de ce réexamen une autorisation provisoire de séjour ;
4° de condamner l'État à verser à Me Thiébaut, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, la somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé, dans la mesure où il ne mentionne pas l'obtention de son certificat d'aptitude professionnelle APR (agent polyvalent de restauration) en juillet 2012 ;
- le refus de titre litigieux est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle justifiait suivre avec sérieux une formation en CAP depuis 2009 en dépit de son échec au diplôme en 2011 ; qu'elle a obtenu ce diplôme en 2012 ; que par ailleurs, s'il n'est pas contesté que sa mère et sa fratrie vivent en République démocratique du Congo, son père est décédé en 2001 et sa mère ne parvenant plus à subvenir aux besoins de ses enfants, a décidé de l'envoyer en France résider auprès de sa tante en 2009 ; qu'elle a dû cependant être confiée à l'ASE, sa tante n'étant pas en mesure de prendre soin d'elle ; que ses liens avec sa famille sont désormais distendus.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Errera, premier conseiller,
- les conclusions de M. Delage, rapporteur public,
- et les observations de MlleB....
1. Considérant que MlleB..., ressortissante de la République démocratique du Congo, orpheline de père, est entrée en France le 9 janvier 2009 à l'âge de 16 ans, à l'initiative de sa mère qui estimait ne plus pouvoir subvenir à ses besoins ; que la tante de MlleB..., résidant en France, s'étant révélée dans l'incapacité de prendre en charge la jeune fille, celle-ci a été confiée à l'aide sociale à l'enfance le 18 mars 2009 ; que, le 20 décembre 2010, Mlle B..., alors âgée de 18 ans, a sollicité du préfet des Yvelines la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-11 2° bis du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté intervenu le 20 septembre 2012, soit près de deux ans après la demande formée par Mlle B..., le préfet des Yvelines a, après avoir examiné le droit au séjour de l'intéressée au regard de l'article L. 313-11 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fondement de la demande de l'intéressée, et au regard de l'article L. 313-15 du même code, refusé à l'intéressée la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de la République démocratique du Congo ; que Mlle B...relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin de statuer sur le moyen tiré de l'illégalité externe de la décision attaquée :
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 2° bis du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 2° bis du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction applicable à la date de la demande : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 2° bis À l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée " ;
3. Considérant qu'il est constant que Mlle B...a présenté sa demande sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-11 2° bis du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet des Yvelines, qui a examiné la demande de l'intéressée au regard des dispositions de cet article, a estimé que Mlle B...n'entrait pas dans son champ d'application, dans la mesure où elle avait été confiée au service de l'aide sociale à l'enfance après qu'elle eut atteint l'âge de 16 ans ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle B...est née le 17 mai 1992 ; qu'au 18 mars 2009, date à laquelle elle a été confiée au service de l'aide sociale à l'enfance, elle était donc âgée de 16 ans et 10 mois ; qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 2° bis du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police n'a, dès lors, pas méconnu ces dispositions ; qu'il suit de là que le moyen ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
5. Considérant que le préfet des Yvelines, sans y être tenu, a également, d'office, examiné la demande de Mlle B...au regard des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'aux termes de ces dispositions : " À titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. " ; qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu'il appartient au préfet, saisi d'une demande de titre de séjour présentée sur leur fondement, d'apprécier si, au cours de la période allant du 18ème anniversaire du demandeur à la veille de son 19ème anniversaire, les conditions énumérées par cet article sont remplies ; que, dans l'affirmative, il lui est loisible d'user de la faculté qu'il tient des dispositions précitées de délivrer à titre exceptionnel un titre de séjour à un étranger se trouvant dans la situation qu'elles définissent ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de sa demande, soit le 20 décembre 2011, Mlle B...était âgée de dix-huit ans et demi ; que l'intéressée, qui a été confiée à l'aide sociale à l'enfance, à compter du 18 mars 2009, dans le courant de sa 16ème année et jusqu'à l'âge de sa majorité, remplissait donc la première condition posée par le texte ; qu'à cette même date, soit au cours de l'année scolaire 2010/2011, elle était inscrite en deuxième année d'une formation conduisant à l'obtention du certificat d'aptitude professionnelle d'agent polyvalent de restauration et suivait cette formation avec assiduité, son implication ayant suscité des appréciations élogieuses du personnel enseignant ; que le critère du caractère réel et sérieux du suivi de la formation était par conséquent également rempli ; que l'intéressée, qui a quitté son pays en 2009, fait valoir sans être contredite que ses liens avec sa mère et sa fratrie sont distendus, étant précisé que, depuis le décès de son père, elle a été élevée dans son pays d'origine par une tante, puis par sa mère ; qu'enfin, comme l'a relevé le préfet dans l'arrêté litigieux, la structure d'accueil a porté, le 9 novembre 2011, une appréciation favorable sur son insertion dans la société française ;
7. Considérant, en premier lieu, qu'en retenant, parmi les motifs de sa décision, la circonstance que Melle B... a " échoué en 2011 à son examen CAP APR ", le préfet a, contrairement à ce qu'il lui incombait de faire, retenu un élément de fait postérieur à la période mentionnée au point 5 ; qu'en faisant porter son appréciation sur l'obtention effective du diplôme alors que le critère légal ne porte que sur le seul suivi depuis au moins six mois d'une formation destinée à apporter au demandeur une qualification professionnelle, il a ajouté à la loi ; qu'enfin, au regard des éléments exposés au point 6, le préfet, en n'usant pas de la faculté qu'il tenait des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de délivrer à titre exceptionnel un titre de séjour à l'intéressée, s'est livré à une appréciation manifestement erronée de la situation de cette dernière ;
8. Considérant, en second lieu, qu'en estimant que la condition de suivi d'une formation professionnalisante depuis au moins six mois n'était pas remplie, point sur lequel le préfet ne s'était pas prononcé, les premiers juges se sont placés à la date de la décision attaquée, soit au 20 septembre 2012 ; que, ce faisant, ils ont porté une appréciation sur la situation de l'intéressée dans le courant de sa 19ème année et non de sa 18ème année ; qu'ils ont ainsi méconnu la portée des dispositions précitées ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Melle B... est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;
11. Considérant qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet des Yvelines de réexaminer la demande de la requérante dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ; qu'aux termes du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 : " L'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de mettre à la charge de, dans les conditions prévues à l'article 75, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge " ; que Mlle B... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner l'État à verser à Me Thiebaut une somme de 1 500 euros, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement rendu par le Tribunal administratif de Versailles le 20 mai 2014 sous le n° 1301593, ensemble l'arrêté susvisé en date du 20 septembre 2012, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Yvelines de procéder au réexamen de la demande de Mlle B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Me Thiebaut une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de son renoncement à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 14VE01830 2