Vu, I, sous le n° 14VE02241, la requête enregistrée le 24 juillet 2014, présentée pour la FÉDÉRATION FRANÇAISE DE TIR, dont le siège est 38 rue Brunel à Paris (75017), par Me Villain, avocat ; la FÉDÉRATION FRANÇAISE DE TIR demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 1306793 en date du 30 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a enjoint à la FÉDÉRATION FRANÇAISE DE TIR et à la SOCIÉTÉ DE TIR NATIONAL DE VERSAILLES de libérer dans un délai de vingt-quatre heures les parcelles cadastrées BX n° 22 et BX n° 256 sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
2° de rejeter la demande présentée par l'Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles devant le tribunal administratif ;
3° d'enjoindre à l'Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles de mener des tractations avec elle, afin d'adapter les conditions de libération des parcelles à l'exigence de maintien des activités sportives ;
4° de désigner un expert ayant pour mission de se rendre sur place et de décrire la parcelle du champ de tir, de recevoir tous éléments d'information relatifs à la situation des terrains en cause, aux besoins de la FÉDÉRATION FRANÇAISE DE TIR pour la construction d'un nouveau stand de tir, d'étudier la faisabilité du transfert des stands de tir du camp des Mortemets au champ de tir des Matelots, d'en analyser le coût et d'en déterminer le planning, et de mettre le coût de l'expertise à la charge de l'Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles ;
5° de mettre à la charge de l'Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la juridiction administrative est incompétente pour connaître du litige, dès lors que les parcelles occupées ne font pas partie du domaine public ; qu'un pas de tir ne constitue pas un aménagement spécial susceptible de faire entrer les parcelles dans le domaine public ; que ces parcelles n'appartiennent plus au domaine national de Versailles depuis 1882, et qu'elles en sont séparées physiquement, juridiquement et fonctionnellement ; qu'elles n'ont subi aucun aménagement spécial de nature à les adapter au service public culturel et touristique du château de Versailles ; que les constructions édifiées sur le terrain lui appartiennent, situation incompatible avec le régime de la domanialité publique ; que l'Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles n'apporte pas la preuve de l'incorporation initiale des terrains à son domaine public ; que les critères retenus par le Conseil d'État dans son avis relatif au domaine de Chambord pour caractériser l'appartenance au domaine public ne sont pas vérifiés en l'espèce, et que la théorie de la " domanialité publique globale " n'est pas applicable ;
- la demande de l'établissement public était irrecevable pour défaut de compétence ; que le décret du 11 novembre 2010 et la convention conclue le 30 juin 2011 entre l'État et l'établissement public posent le principe d'une coopération entre l'établissement public et les occupants du domaine, ainsi qu'une obligation de régularisation de la situation de ceux-ci ; que si le décret du 11 novembre 2010 donne pouvoir à l'établissement de délivrer des autorisations du domaine public, il ne l'habilite pas à engager des procédures d'expulsion ;
- la demande de l'établissement public était irrecevable pour défaut de capacité à agir de son président ; que la délibération du conseil d'administration du 18 avril 2011 n'autorise pas le président de l'établissement public à engager une action aux fins d'injonction et d'expulsion ; qu'en outre, cette délibération n'a pas fait l'objet d'une publication suffisante ;
- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à ladite convention ;
- l'établissement public ne démontre pas que ses demandes répondent à un motif d'intérêt général ni qu'elles ne sont pas entachées d'arbitraire ; que la " volonté de créer progressivement un parc paysager ", qui ne constitue qu'une déclaration d'intention, ne saurait caractériser un motif d'intérêt général ; que seul le conseil d'administration est compétent pour décider du renouvellement ou de l'absence de renouvellement des autorisations d'occupation, et qu'en l'absence de délibération en ce sens du conseil d'administration, le président de l'établissement public n'était pas compétent pour prendre cette décision ;
- les demandes de l'établissement public méconnaissent l'obligation de régularisation de la situation des occupants qui résulte de la convention du 30 juin 2011 et du décret du
11 novembre 2010 ;
- les demandes de l'établissement public procèdent d'une violation de son obligation contractuelle de modifier la convention de 2005 en fonction du résultat de la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2012 ; que cette inexécution fautive de la part de l'établissement public fait obstacle à ce que les clauses relatives à la libération des lieux au terme de la convention produisent tout effet de droit ;
- les demandes de l'établissement public portent une atteinte grave et disproportionnée à son droit aux biens tel que protégé par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme, et au respect de son domicile tel que protégé par l'article 8 de ladite convention ;
- l'attitude de l'établissement public caractérise une rupture d'égalité entre les occupants du " camp des Mortemets ", dès lors que cette zone accueille plusieurs occupants dont certains bénéficient d'autorisations d'occupation encore en vigueur, et que seule la FÉDÉRATION FRANÇAISE DE TIR fait l'objet d'une action tendant à la libération des parcelles occupées ;
- les équipements sportifs présents sur les parcelles litigieuses sont protégés par l'article L. 312-3 du code du sport ; que les dispositions de cet article sont applicables, dès lors que ces parcelles accueillent des équipements sportifs privés qui ont été financés par des fonds publics ; que l'établissement public ne pouvait dès lors pas solliciter l'expulsion de la FÉDÉRATION FRANÇAISE DE TIR sans avoir préalablement recueilli l'autorisation des ministères ayant participé au financement des équipements, sollicité l'avis du maire de la commune et proposé à la Fédération le remplacement des installations par un équipement sportif équivalent ;
- à titre subsidiaire, que compte tenu de l'ancienneté de l'occupation des lieux et de leur affectation à l'activité de tir, de l'exigence de ne pas désorganiser les activités sportives qui s'exercent sur le terrain, de l'absence de motif d'intérêt général pour justifier l'expulsion demandée, de la méconnaissance par l'établissement public de ses engagements contractuels, et de l'esprit de compromis manifesté par la Fédération face à la mauvaise foi de l'établissement public, la demande d'injonction et d'expulsion présentée par l'établissement public doit être rejetée ;
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Vu, II, sous le n° 14VE02677, la requête enregistrée le 3 septembre 2014, présentée pour la SOCIÉTÉ DE TIR NATIONAL DE VERSAILLES, dont le siège est 2 route de
Saint-Cyr à Versailles (78000), par Me Chabrun, avocat ; la SOCIÉTÉ DE TIR NATIONAL DE VERSAILLES demande à la Cour :
1° de joindre sa requête avec la requête susvisée n° 14VE02241 ;
2 d'annuler le jugement n° 1306793 en date du 30 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a enjoint à la FÉDÉRATION FRANÇAISE DE TIR et à la SOCIÉTÉ DE TIR NATIONAL DE VERSAILLES de libérer dans un délai de vingt-quatre heures les parcelles cadastrées BX n°22 et BX n°256 sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
3° de rejeter les demandes de l'Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles ;
Elle soutient que le jugement attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, l'injonction de libérer les lieux occupés étant très excessive eu égard à l'ancienneté de l'occupation ; que l'établissement public n'est pas compétent pour demander l'expulsion, en vertu du décret du 11 novembre 2010 et de la convention conclue le 30 juin 2011 entre l'établissement public et l'État ; que la demande de l'établissement public est irrecevable pour défaut de capacité à agir de son président ; que sa demande ne répond à aucun motif d'intérêt général ; que les demandes de l'établissement public procèdent d'une violation de son obligation contractuelle de modifier la convention de 2005 en fonction du résultat de la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2012, laquelle violation privent de base légale les demandes de l'établissement public ; que ces demandes constituent une rupture d'égalité entre les occupants du domaine public ; qu'elles portent une atteinte grave et disproportionnée au droit de propriété protégé par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par l'article 8 de ladite convention, et que les premiers juges ont omis de statuer sur ce moyen ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu le décret n° 2010-1367 du 11 novembre 2010 relatif à l'Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles ;
Vu l'arrêté du ministre de la culture et du ministre délégué au budget, porte-parole du gouvernement, en date du 25 mars 1996 portant affectation d'immeubles ;
Vu l'arrêté de la ministre de la culture et de la communication et du secrétaire d'État au budget en date du 16 novembre 1998 portant affectation d'une partie d'un ensemble immobilier national ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 octobre 2015 :
- le rapport de Mme Agier-Cabanes, président assesseur,
- les conclusions de Mme Lepetit-Collin, rapporteur public,
- et les observations de Me Villain ; avocat ; pour la FÉDÉRATION FRANÇAISE DE TIR, Me Chabrun, avocat ; pour la SOCIÉTÉ DE TIR NATIONAL DE VERSAILLES et de Me A...pour l'Établissement public du château du musée et du domaine national de Versailles ;
1. Considérant que les requêtes susvisées nos 14VE02241 et 14VE02677 sont dirigées contre le même jugement, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que, par conventions successives d'occupation temporaire renouvelées depuis 1925, la dernière ayant été signée le 9 mai 2005, l'établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles a autorisé l'occupation à titre précaire et révocable, par la FÉDÉRATION FRANÇAISE DE TIR, des parcelles cadastrées BX n° 22 et BX n° 256 situées au " Camp des Mortemets " ; que le " terme ferme et définitif " de cette convention était fixé au 1er juillet 2012 ; que, par une lettre en date du 23 novembre 2010, le président de l'établissement public a rappelé au président de la FÉDÉRATION FRANÇAISE DE TIR que la convention d'occupation temporaire " arrivera à échéance le 1er juillet 2012, et a, en conséquence, invité la fédération " à préparer au mieux ce départ " ; que la FÉDÉRATION FRANÇAISE DE TIR ayant refusé de quitter les lieux, l'établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles a saisi le Tribunal administratif de Versailles d'une demande d'expulsion ; que par le jugement attaqué, ledit tribunal a enjoint à la FÉDÉRATION FRANÇAISE DE TIR et à son sous-occupant, la SOCIÉTÉ DE TIR NATIONAL DE VERSAILLES, de libérer les parcelles occupées dans un délai de vingt-quatre heures sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
3. Considérant qu'avant l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2006, du code général de la propriété des personnes publiques, l'appartenance d'un bien au domaine public était, sauf si ce bien était directement affecté à l'usage du public, subordonnée à la double condition que le bien ait été affecté au service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné ; qu'en l'absence de toute disposition en ce sens, l'entrée en vigueur de ce code n'a pu, par elle-même, avoir pour effet d'entraîner le déclassement de dépendances qui appartenaient antérieurement au domaine public et qui, depuis le 1er juillet 2006, ne rempliraient plus les conditions désormais fixées par son article L. 2111-1 ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les terrains dont l'évacuation est demandée ont fait l'objet d'une occupation par la FÉDÉRATION FRANÇAISE DE TIR avant l'entrée en vigueur du code général de la propriété des personnes publiques ; qu'il appartient donc à la Cour de déterminer, d'une part si ces terrains faisaient partie du domaine public avant le 1er juillet 2006, et, d'autre part, si ces biens appartenaient au domaine public, de vérifier si, à la date à laquelle elle statue, ils n'ont fait l'objet d'aucun déclassement ;
5. Considérant qu'il ressort des arrêtés interministériels en date des 25 mars 1996 et 16 novembre 1998 que les parcelles cadastrées BX n° 22 et BX n° 256 appartiennent à l'État, sont affectées à titre définitif au ministère de la culture et sont attribuées à titre de dotation à l'Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles ; que les parcelles étaient occupées avant le 1er juillet 2006 par la FÉDÉRATION FRANÇAISE DE TIR, qui bénéficie d'une délégation de service public accordée par le ministre chargé des sports aux fins, notamment, d'organiser les compétitions sportives et étaient affectées au service public géré par cette fédération ; qu'elles étaient spécialement aménagées en vue de l'affectation à ce service public, notamment par la construction d'un pas de tir ; que, par suite, ces parcelles appartenaient dans leur ensemble au domaine public de l'État ; qu'en l'absence de tout acte de déclassement, ces parcelles font toujours partie du domaine public ; qu'il suit de là que la juridiction administrative est compétente pour statuer sur les litiges relatifs à ces terrains ;
Sur la régularité du jugement :
6. Considérant que les premiers juges se sont prononcés sur tous les moyens qui n'étaient pas inopérants, qui étaient soulevés devant eux ; que, par suite le moyen tiré de l'omission à statuer dont serait entaché le jugement doit être écarté ;
Sur la recevabilité de la demande de l'établissement public :
7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article
L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous " ; que l'autorité propriétaire ou gestionnaire du domaine public est recevable à demander au juge administratif l'expulsion de l'occupant irrégulier du domaine public ;
8. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 8 du décret n° 2010-1367 du 11 novembre 2010 susvisé : " L'établissement public assure la gestion des immeubles de l'État qui lui ont été remis en dotation ou qui sont mis à sa disposition " ; qu'en vertu des stipulations de la convention d'utilisation conclue sur ce fondement le 30 juin 2011 pour une durée de trente ans entre l'État et l'Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles, ce dernier assume, par délégation de l'État, l'ensemble des responsabilités du propriétaire afférentes aux parcelles cadastrées BX n° 22 et BX n° 256 ; que par suite, l'établissement public avait qualité pour demander à la juridiction d'ordonner l'expulsion des occupants sans titre du domaine public ;
9. Considérant, en second lieu, qu'en l'absence de dispositions prescrivant une formalité de publicité déterminée, les délibérations ayant un caractère réglementaire d'un établissement public sont opposables aux tiers à compter de la date de leur publication au bulletin officiel de cet établissement ou de celle de leur mise en ligne, dans des conditions garantissant leur fiabilité, sur le site Internet de cette personne publique ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article 15 du décret n° 2010-1367 du
11 novembre 2010 susvisé : " Le conseil d'administration règle par ses délibérations les affaires de l'établissement./ Il délibère notamment sur : (...) 15° L'exercice des actions en justice et les transactions/.../ ; Le conseil d'administration peut déléguer au président certaines des attributions prévues aux 9°, 10° et 15°, dans les conditions qu'il détermine " ; que, par une délibération n° 2011-I-17 du 18 avril 2011, publiée sur le site internet de l'établissement public, le conseil d'administration de l'établissement public a autorisé son président à engager les actions en justice suivantes : " les procédures juridictionnelles au fond, dont le montant total des demandes est inférieur à une somme de 500 00 euros TTC ; / les procédures d'urgence, de toute nature, ainsi que les plaintes " ; qu'en l'absence de dispositions contraires, la mise en ligne de cette délibération constitue une mesure de publicité suffisante ; que la FÉDÉRATION FRANÇAISE DE TIR n'est donc pas fondée à soutenir que le président du conseil d'administration de l'établissement public n'avait pas qualité pour agir au nom de l'établissement public ;
Sur le bien-fondé de la demande de l'établissement public :
11. Considérant que par une convention conclue le 9 mai 2005, l'Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles a autorisé la FÉDÉRATION FRANÇAISE DE TIR à occuper les parcelles cadastrées BX n° 22 et BX n° 256 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'établissement public aurait été dans l'obligation de modifier cette convention du 9 mars 2005 en fonction du résultat de la candidature de Paris aux Jeux Olympiques ou de régulariser la situation des occupants de ces parcelles ;
12. Considérant qu'aux termes de l'article 2-1 de ladite convention : " La présente autorisation d'occupation prend effet à compter du jour de sa signature jusqu'au 1er juillet 2012, terme ferme et définitif " ; qu'il est constant que la FÉDÉRATION FRANÇAISE DE TIR et son sous-occupant la SOCIÉTÉ DE TIR NATIONAL DE VERSAILLES ont refusé d'évacuer les parcelles occupées à l'expiration de la convention précitée ; que, dans ces circonstances, elles sont depuis le 1er juillet 2012 occupants sans titre du domaine public ; que, par suite, l'établissement public, qui n'a pas méconnu sa compétence en procédant ainsi, était tenu de saisir le tribunal administratif d'une demande d'expulsion du domaine public de ces deux occupants sans titre ;
13. Considérant que la FÉDÉRATION FRANÇAISE DE TIR soutient que le fait que le juge soit tenu de faire droit aux demandes tendant à ce qu'il enjoigne aux occupants sans titre du domaine public de libérer les lieux les priverait de tout droit à un recours effectif ; que, toutefois, les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques qui font dépendre toute mesure d'expulsion du domaine public d'une procédure juridictionnelle préalable, assurent aux occupants sans droit ni titre la garantie de leur droit à un recours effectif et l'information sur les obligations leur incombant ainsi que des pouvoirs d'exécution dont dispose l'administration ; que, par suite, cette fédération n'est pas fondée à soutenir que son droit à un recours effectif aurait été méconnu ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de ce que la décision de l'établissement de saisir le juge administratif d'une demande d'expulsion du domaine public ne serait justifiée par aucun motif d'intérêt général, de ce que le non-renouvellement de la convention serait entaché d'illégalité et de ce que le conseil d'administration de l'établissement public n'aurait pas pris de décision mettant fin à la concession litigieuse sont inopérants et doivent, dès lors, être écartés ;
15. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 10 de la convention conclue le
9 mai 2005 entre l'Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles et la FÉDÉRATION FRANÇAISE DE TIR : " À la cessation de l'autorisation d'occupation quelle qu'en soit la cause, les ouvrages et installations de caractère immobilier appartenant à la FFTir existants sur la dépendance domaniale occupée autres que ceux financés par l'établissement public, feront l'objet des mesures suivantes : / L'occupant fera abandon à l'établissement public des bâtiments (bâtiment central et pas de tir notamment) situés sur les espaces objet de la présente décision. Ces bâtiments deviendront gratuitement la propriété de l'établissement public francs et quittes de tous privilèges et hypothèques, sans que l'occupant puisse élever aucune réclamation à cet égard (...) " ; qu'en vertu de ces stipulations, la propriété des installations immobilières présentes sur le terrain litigieux a été transférée à l'établissement public à l'expiration de la convention du 9 mai 2005, soit le 1er juillet 2012 ; que par suite, la FÉDÉRATION FRANÇAISE DE TIR n'est pas fondée à soutenir que l'injonction d'évacuer ledit terrain porterait atteinte à son droit de propriété ; qu'elle n'est pas non plus fondée à soutenir que les stipulations précitées, auxquelles elle a librement consenti, constitueraient en elles-mêmes une atteinte à son droit de propriété ; qu'ainsi, en tout état de cause, les stipulations de l'article Ier du protocole additionnel de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au droit de propriété n'ont pas été méconnues ;
16. Considérant, d'autre part, que la FEDERATION FRANCAISE DE TIR n'est pas fondée à se prévaloir que son domicile serait situé sur les parcelles dont s'agit alors que son siège social se trouve à Paris ; que, dès lors, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives à la protection du domicile n'ont pas été méconnues ;
17. Considérant que la mesure d'expulsion ordonnée par le tribunal administratif ne préjuge pas du sort des équipements sportifs présents sur le site ; qu'il en résulte que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 312-3 du code du sport est inopérant et doit être écarté ;
18. Considérant que les appelantes ne sont pas fondées à soutenir utilement que la demande d'expulsion présentée par l'établissement public constituerait une rupture d'égalité au regard des autres occupants de son domaine au Camp des Mortemets, dès lors que ces derniers se trouvent dans des situations différentes ;
Sur les conclusions à fin de modification de l'injonction et l'astreinte prononcées par le tribunal administratif
19. Considérant, en premier lieu que les premiers juges, en faisant injonction à la FEDERATION FRANCAISE DE TIR ET à SOCIÉTÉ DE TIR NATIONAL DE VERSAILLES de libérer dans un délai de 24 heures les parcelles cadastrées BX n°22 et BX n°256 gérées par l'établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles qu'elles occupent sans titre sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement attaqué, ont par là-même ordonné l'expulsion de celles-ci et autorisé l'établissement public à requérir, le cas échéant, le concours de la force publique ; qu'il n'a pas lieu, compte tenu de ce qui précède, de modifier cette injonction sur ce point ;
20. Considérant, en deuxième lieu, que si la FEDERATION FRANCAISE DE TIR fait valoir que des tractations sont nécessaires afin de modifier les conditions de libération des parcelles nécessitant le recours à un expert, un délai supplémentaire n'est pas nécessaire en tout état de cause, les équipements sportifs devant, aux termes de la convention susvisée, demeurer sur place pour devenir la propriété de l'établissement public;
21. Considérant, enfin, que les appelantes ont persévéré dans leur occupation privative du domaine public en dépit de leur situation alors même que, comme il a été dit ci-dessus, elles n'avaient pas à transférer leurs installations ; que, dès lors, il n'y a pas lieu de modifier l'astreinte de 1 000 euros par jour de retard ordonnée par les premiers juges.
22. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de faire droit à leur demande de désignation d'un expert, que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles les a enjointes, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard, d'évacuer les parcelles BX n°22 et BX n° 256 gérées par l'établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles ; que par suite leurs conclusions à fin d'injonction et tendant la condamnation de l'Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées ; qu'il y a lieu en revanche de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par l'Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles et de mettre à la charge de la FÉDÉRATION FRANÇAISE DE TIR et de la SOCIÉTÉ DE TIR NATIONAL DE VERSAILLES, chacune, le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'établissement public et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes susvisées nos 14VE02241 et 14VE02677 de la FÉDÉRATION FRANÇAISE DE TIR et de la SOCIÉTÉ DE TIR NATIONAL DE VERSAILLES sont rejetées.
Article 2 : La FÉDÉRATION FRANÇAISE DE TIR et la SOCIÉTÉ DE TIR NATIONAL DE VERSAILLES verseront, chacune, à l'Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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