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29/09/2015 | FRANCE | N°13VE03315

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 29 septembre 2015, 13VE03315


Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2013, présentée pour l'ARTZEVERSORGUNG WESTFALEN-LIPPE (AWL), élisant domicile..., par Me Colmet Daâge, avocat ;

L'AWL demande à la Cour :

1° d'annuler l'ordonnance n° 1201606 du 18 septembre 2013 par laquelle le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa réclamation en date du 24 décembre 2007 et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 223 771,18 euros correspondant à la retenue à la source prélevée sur les dividende

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Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2013, présentée pour l'ARTZEVERSORGUNG WESTFALEN-LIPPE (AWL), élisant domicile..., par Me Colmet Daâge, avocat ;

L'AWL demande à la Cour :

1° d'annuler l'ordonnance n° 1201606 du 18 septembre 2013 par laquelle le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa réclamation en date du 24 décembre 2007 et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 223 771,18 euros correspondant à la retenue à la source prélevée sur les dividendes de source française qui lui ont été distribués au cours de l'année 2000 ainsi que la somme de 1 118 855 euros relative au transfert de l'avoir fiscal au titre de la même année ;

2° de faire droit à ses demandes de première instance ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

L'AWL soutient que :

- c'est à tort que sa requête a été rejetée comme irrecevable ; elle n'était pas fondée sur l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ; elle n'était pas dirigée contre les retenues à la source payées en 2000 mais contre la décision du 7 février 2005 de rejet de sa demande de remboursement partiel de ces retenues, décision qui a été contestée dans les délais mentionnés dans la notification ;

- en sa qualité de résident allemand, elle est en droit de bénéficier du taux réduit de retenue à la source prévu à l'article 9 de la convention fiscale franco-allemande ;

- les retenues à la source prélevées sur le fondement du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts sont contraires au principe de la libre circulation des capitaux ; elle assure une mission de service public identique à celles d'une caisse de retraite et de prévoyance française, sa gestion est désintéressée et elle n'est pas en concurrence avec le secteur commercial ; la retenue à la source prélevée constitue une charge définitive ;

- les retenues à la source prélevées sur le fondement du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts sont contraires à la clause de non-discrimination contenue à l'article 21 de la convention franco-allemande car cet article instaure une différence de traitement fondée sur la résidence ;

.....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la convention entre la République française et la République fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune du 21 juillet 1959 modifiée ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 septembre 2015 :

- le rapport de M. Skzryerbak, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Rudeaux, rapporteur public ;

1. Considérant que l'ARZTEVERSORGUNG WESTFALEN-LIPPE (AWL), organisme de retraite des médecins de Westphalie-Lippe, a perçu, en 2000, des dividendes de source française ; qu'elle a demandé, d'une part, le remboursement de la retenue à la source prélevée sur ces dividendes dans la mesure où elle excédait le taux réduit de 15 % prévu à l'article 9 de la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 et, d'autre part, le transfert de l'avoir fiscal en application de la même convention ; que ces demandes de remboursement ont été rejetées par l'administration fiscale au motif que, l'AWL étant exonérée d'impôt en Allemagne, elle n'était pas un résident allemand au sens de la convention et ne pouvait se prévaloir de ses stipulations ; que l'AWL a alors saisi le Tribunal administratif de Montreuil qui, par une ordonnance du 18 septembre 2013, a rejeté sa requête comme irrecevable ;

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 25 b de la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 : " (1) Lorsque dans un Etat contractant les dividendes, les intérêts, les redevances ou tout autre revenu, perçus par un résident de l'autre Etat contractant, sont imposés par voie de retenue à la source, les dispositions de la présente Convention n'affectent pas le droit, pour le premier Etat, d'appliquer la retenue au taux prévu par sa législation interne. Cette retenue doit être remboursée, à la demande de l'intéressé, si et dans la mesure où elle est réduite ou supprimée par la Convention. (...) / (2) Les demandes de remboursement doivent être présentées avant la fin de la quatrième année civile suivant celle au cours de laquelle les dividendes, intérêts, redevances ou autres revenus ont été payés " ; qu'aux termes de l'article R*196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / (...) c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. " ;

3. Considérant que l'AWL a sollicité le 24 décembre 2004, par l'intermédiaire de l'établissement payeur, le remboursement de la retenue à la source et le transfert de l'avoir fiscal correspondant à des dividendes distribués en 2000 ; que cette demande, qui doit être regardée comme une réclamation contentieuse au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, a ainsi été formulée dans le délai spécial prévu par les stipulations précités de la convention fiscale franco-allemande ; qu'elle a été rejetée par l'administration par une décision en date du 7 février 2005 indiquant que l'AWL pouvait former une réclamation jusqu'au 31 décembre 2007 en application de l'article R*196-1 du livre des procédures fiscales ; que, se conformant aux indications données par l'administration, l'AWL a présenté une réclamation le 24 décembre 2007 ; que, dès lors, l'AWL est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté comme irrecevable sa requête au motif de la tardiveté de la réclamation préalable ; que cette ordonnance doit, par conséquent, être annulée ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'AWL devant le Tribunal administratif de Montreuil ;

Sur les demandes de remboursement :

En ce qui concerne la retenue à la source :

5. Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " (...) les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. (...) " ; qu'aux termes du 5 de l'article 206 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) les associations et collectivités non soumis à l'impôt sur les sociétés en vertu d'une autre disposition (...) sont assujettis audit impôt en raison : / (...) c. Des revenus de capitaux mobiliers dont ils disposent, à l'exception des dividendes des sociétés françaises, lorsque ces revenus n'entrent pas dans le champ d'application de la retenue à la source visée à l'article 119 bis (...) " ; qu'aux termes du 5° bis du 1 de l'article 207 du même code, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige, sont exonérés de l'impôt sur les sociétés " les organismes sans but lucratif mentionnés à l'article 261-7-1°, pour les opérations à raison desquelles ils sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée " ; qu'aux termes du b du 1° du 7 de l'article 261, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige, sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée " les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des oeuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l'autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient. (...) " ;

6. Considérant que si, en vertu des dispositions du c du 5 de l'article 206 du code général des impôts, combinées notamment avec celles de son 1, et avec celles du 5° bis du 1 de l'article 207, un organisme établi en France ayant pour objet de servir des pensions de retraite, tel qu'une caisse de retraite de base ou complémentaire, ou une société mutualiste, dont la gestion est désintéressée et dont les activités non lucratives restent significativement prépondérantes, est assujetti à l'impôt sur les sociétés à raison des revenus de capitaux mobiliers dont il dispose, les dividendes de sociétés établies en France perçus par cet organisme ne sont pas imposables ; que l'application de la retenue à la source au versement de dividendes de sociétés françaises à des organismes installés dans un autre Etat membre remplissant les mêmes conditions, constitue ainsi une restriction aux mouvements de capitaux ; que le régime d'exonération prévu par les dispositions des articles 206 et 207 du code général des impôts étant applicable à des associations, fondations et autres organismes à raison du caractère non lucratif de leur activité et non d'une charge d'intérêt général qui pèserait sur les seuls organismes résidents de France, cette restriction à la liberté de circulation des capitaux ne saurait être justifiée, pour ce motif, par l'existence d'une différence de situation objective entre les organismes français et ceux d'un autre Etat membre ; qu'ainsi, et faute que soit établie l'existence d'une raison impérieuse d'intérêt général, cette restriction méconnaît les stipulations de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne en tant qu'elle prive tout organisme installé dans un autre Etat membre de la faculté d'apporter la preuve qu'il pourrait bénéficier, s'il était établi en France, de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue au c du 5 de l'article 206 à raison de la perception de dividendes de sociétés françaises ; qu'il appartient, à cette fin, à cet organisme d'établir, d'une part, que sa gestion présente un caractère désintéressé et, d'autre part, que les services qu'il rend ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique ; que, toutefois, même dans le cas où cet organisme intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, il peut bénéficier de cette exonération s'il exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et, à tout le moins, des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'il offre ;

7. Considérant, d'une part, qu'en vertu du d du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " Le caractère désintéressé de la gestion résulte de la réunion des conditions ci-après : / L'organisme doit être géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation ; / L'organisme ne doit procéder à aucune distribution directe ou indirecte de bénéfice, sous quelque forme que ce soit ; / Les membres de l'organisme et leurs ayants droit ne doivent pas pouvoir être déclarés attributaires d'une part quelconque de l'actif, sous réserve du droit de reprise des apports " ;

8. Considérant que, si les statuts de l'AWL prévoient que le mandat de ses dirigeants est exercé à titre bénévole, les membres de son conseil d'administration reçoivent, outre le remboursement de leurs frais de transport, une indemnité mensuelle de représentation qui s'élève, aux termes du règlement de l'ordre des médecins de la région, dans sa version alors applicable, à 2 045 euros pour le président, 1 227 euros pour le vice-président et 851 euros pour les autres membres ; que le président et le vice-président perçoivent en outre une indemnité forfaitaire pour pertes de cabinet d'un montant respectif de 2 045 et 1 022 euros par mois ; qu'enfin le président, le vice-président et les membres du conseil de surveillance de l'AWL perçoivent également une indemnité mensuelle de représentation d'un montant respectif de 665, 358 et 204 euros ; que, cependant, ces rémunérations sont proportionnées aux ressources de l'AWL, qui s'élevaient sur l'année considérée à plus de 527 millions d'euros, et constituent la contrepartie des sujétions résultant de l'exercice de leur mandat par les dirigeants de l'AWL; qu'elles ne font donc pas obstacle à la reconnaissance du caractère désintéressé de la gestion de l'AWL ; que, par ailleurs, les statuts de l'AWL prévoient que ses ressources servent exclusivement à financer les prestations servies, les frais administratifs nécessaires et la constitution de réserves et de provisions ; qu'il résulte de ce qui précède que la gestion de l'AWL présente un caractère désintéressé ;

9. Considérant, d'autre part, que l'AWL est un organisme allemand qui gère, sous le contrôle de la puissance publique, un régime obligatoire de retraite ; qu'il n'est pas contesté que les services qu'elle rend ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'AWL est fondée à demander le remboursement de la retenue à la source prélevée sur les dividendes qu'elle a reçus en 2000, pour un montant de 223 771,18 euros ;

En ce qui concerne l'avoir fiscal :

11. Considérant que l'AWL n'articule aucun moyen à l'appui de ses conclusions tendant à obtenir le remboursement de l'avoir fiscal ; que, par conséquent, sa demande sur ce point ne peut qu'être rejetée ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'AWL et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1201606 du 18 septembre 2013 du président du Tribunal administratif de Montreuil est annulée.

Article 2 : Il est accordé à l'ARTZEVERSORGUNG WESTFALEN-LIPPE le remboursement de la retenue à la source prélevée sur les dividendes qu'elle a reçus en 2000, pour un montant de 223 771,18 euros.

Article 3 : L'Etat versera à l'ARTZEVERSORGUNG WESTFALEN-LIPPE une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 13VE03315


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13VE03315
Date de la décision : 29/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Exonérations.


Composition du Tribunal
Président : M. NICOLET
Rapporteur ?: M. Arnaud SKZRYERBAK
Rapporteur public ?: Mme RUDEAUX
Avocat(s) : CABINET ERNST et YOUNG SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-09-29;13ve03315 ?
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