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17/09/2015 | FRANCE | N°13VE02836

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 17 septembre 2015, 13VE02836


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement public Voies navigables de France a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de constater que les travaux effectués par l'EURL LOCAFLU sans autorisation sur le domaine public fluvial constituaient une contravention de grande voirie sur le fondement des articles L. 2124-8 et L. 2132-5 du code général de la propriété des personnes publiques et de condamner l'EURL LOCAFLU au paiement d'une amende de 6 000 euros et à ce que l'ensemble des frais de déplacement spontané ou forcé du b

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement public Voies navigables de France a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de constater que les travaux effectués par l'EURL LOCAFLU sans autorisation sur le domaine public fluvial constituaient une contravention de grande voirie sur le fondement des articles L. 2124-8 et L. 2132-5 du code général de la propriété des personnes publiques et de condamner l'EURL LOCAFLU au paiement d'une amende de 6 000 euros et à ce que l'ensemble des frais de déplacement spontané ou forcé du bateau " King Kong " sur lequel les travaux étaient réalisés et du dock flottant " Sail Fish " mis en place par le contrevenant afin de réaliser lesdits travaux soient mis à la charge de cette société.

Par un jugement n° 1104928 du 27 juin 2013, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l'EURL LOCAFLU au paiement d'une amende de 4 000 euros et mis à sa charge les frais de déplacement du dock flottant " Sail Fish " lui appartenant.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif, enregistrés respectivement les 23 août et 22 novembre 2013, et un mémoire complémentaire, enregistré le 23 septembre 2014, l'EURL LOCAFLU, représenté par Me Normand, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement du magistrat désigné du Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise du 27 juin 2013 ;

2° de mettre à la charge de Voies navigables de France la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit pour avoir fait application de l'article L.2132-5 du code général de la propriété des personnes publiques en estimant que des travaux effectués à titre privé sur un bateau-logement nécessitaient l'autorisation du gestionnaire du domaine public fluvial alors que cet article ne vise que des travaux effectués directement sur ce domaine ;

- il n'est pas nécessaire d'obtenir une autorisation de stationnement dans un garage à bateaux, lequel est à la disposition des professionnels travaillant sur le domaine public fluvial ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- la qualité d'agent assermenté du signataire du procès-verbal n'est pas établie ;

- le procès-verbal est entaché d'une contradiction et d'une erreur matérielle quant à l'interdiction de stationnement dont ferait l'objet la zone considérée et, par suite, n'est pas probant ;

- elle doit être exonérée de toutes poursuites du fait de l'attitude adoptée par Voies navigables de France à son égard, l'établissement public n'ayant pas donné suite à sa position prise courant de l'année 2013 en vue de la délivrance d'une autorisation d'occupation du domaine public et ayant adopté une nouvelle position en 2014 entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation.

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 91-1385 du 31 décembre 1991 portant dispositions diverses en matière de transports ;

- le décret n° 88-399 du 21 avril 1988 relatif au statut particulier du corps des contrôleurs des travaux publics de l'Etat ;

- le code des transports ;

- le code pénal ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 3 septembre 2015 :

- le rapport de Mme Ribeiro-Mengoli, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Colrat, rapporteur public,

1. Considérant que par procès-verbal dressé le 28 février 2011, M.A..., contrôleur principal des travaux publics de l'Etat dûment assermenté, a constaté la présence, au point kilométrique 13,200 de la rivière de Seine, rive gauche en amont du Pont de Saint-Cloud, d'un dock flottant " Sail Fish" appartenant à l'EURL LOCAFLU effectuant des travaux sur le bateau " King-Kong " au droit du garage à bateaux de Saint-Cloud, sans autorisation du gestionnaire du domaine, en infraction avec les dispositions des articles L. 2124-8 et L. 2132-5 du code général de la propriété des personnes publiques ; que, par un jugement en date du 27 juin 2013, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, auquel ce procès-verbal de contravention de grande voirie, notifié au contrevenant par un courrier du 18 mars 2011 dont il a accusé réception le 31 mars suivant, a été déféré par Voies navigables de France en application des dispositions de l'article L. 774-2 du code de justice administrative, a condamné

l'EURL LOCAFLU au paiement d'une amende de 4 000 euros au titre de l'article L. 2132-5 du code général de la propriété des personnes publiques et a mis à la charge du contrevenant les frais de déplacement spontané ou forcé du dock flottant " Sail Fish " ; que l'EURL LOCAFLU relève appel dudit jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que le magistrat désigné du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après avoir jugé que les faits constatés le 28 février 2011 constituaient une contravention de grande voirie réprimée par l'article L. 2132-5 du code général de la propriété des personnes publiques, a condamné l'EURL LOCAFLU au paiement d'une amende comprise dans les limites fixées par ledit article ; que, par suite et en tout état de cause, l'EURL LOCAFLU n'est pas fondée à soutenir que le premier juge, qui n'était pas tenu de motiver le choix du montant de l'amende retenu, n'aurait pas suffisamment motivé son jugement sur ce point ;

Sur la régularité des poursuites :

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 2132-21 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve de dispositions législatives spécifiques, les agents de l'Etat assermentés à cet effet devant le tribunal de grande instance et les officiers de police judiciaire sont compétents pour constater les contraventions de grande voirie. " ; qu'aux termes de l'article 3 du décret du 21 avril 1988 susvisé alors en vigueur : " Les contrôleurs des trois grades sont chargés de la gestion et de l'exploitation des infrastructures de transport, de l'organisation et du contrôle des travaux neufs ou d'entretien réalisés par une entreprise ou en régie, du conseil et de l'assistance à la maîtrise d'ouvrage. /Ils participent à la mise en oeuvre des politiques de l'Etat et au contrôle du respect des réglementations relatives notamment à l'urbanisme, à la construction, à l'environnement et au domaine public (...) " ; que l'article 5 de ce décret dispose : " Les membres du corps des contrôleurs des travaux publics de l'Etat assurent la surveillance du domaine public. A cet effet, ils peuvent être assermentés pour constater les infractions " ; qu'il résulte de ces dispositions que, sous la seule réserve d'une assermentation, les contrôleurs de travaux publics de l'Etat sont compétents pour constater les contraventions de grande voirie commises, notamment, sur le domaine public fluvial ;

4. Considérant que le procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 28 février 2011 à l'encontre de l'EURL LOCAFLU par un agent de l'Etat, exerçant les fonctions de contrôleur des travaux publics de l'Etat ; que ce procès-verbal, dont les mentions font foi jusqu'à preuve contraire, précise que cet agent, était assermenté conformément à la loi ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'agent verbalisateur doit être écarté ;

5. Considérant, d'autre part, que les poursuites étant fondées sur les articles L. 2124-8 et L.2132-5 du code général de la propriété et des personnes publiques, la circonstance, au demeurant non établie s'agissant d'un dock flottant se trouvant dans un secteur classé en

secteur 3 par l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 22 juillet 2008 et utilisé par une entreprise de travaux fluviaux pour les besoins de son activité, que le dock flottant litigieux n'était pas situé dans un secteur interdit au stationnement comme l'indique le procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 28 février 2011, n'est pas de nature à remettre en cause la régularité des poursuites engagées contre l'EURL LOCAFLU ;

Sur le bien-fondé des poursuites :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2124-8 du code général de la propriété des personnes publiques : " Aucun travail ne peut être exécuté, aucune prise d'eau ne peut être pratiquée sur le domaine public fluvial sans autorisation du propriétaire de ce domaine. / Les décisions d'autorisation fixent les dispositions nécessaires pour assurer notamment la sécurité des personnes et la protection de l'environnement. " ; que selon les dispositions de l'article

L. 2132-5 du même code : Tout travail exécuté ou toute prise d'eau pratiquée sur le domaine public fluvial sans l'autorisation du propriétaire du domaine mentionnée à l'article L. 2124-8 est puni d'une amende de 150 à 12 000 euros. / Le tribunal fixe, s'il y a lieu, les mesures à prendre pour faire cesser l'infraction ou en éviter la récidive et le délai dans lequel ces mesures devront être exécutées, ainsi qu'une astreinte dans les formes définies à l'article L. 437-20 du code de l'environnement " ;

7. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que l'EURL LOCAFLU a exécuté des travaux de mise en cale sèche du bateau " King Kong " à l'aide d'un dock flottant " Sail Fish " afin de réaliser des travaux de carénage dudit bateau ; que ces travaux ont été exécutés sur le domaine public fluvial, au sens des dispositions susvisées de l'article L. 2124-8 du code général de la propriété des personnes publiques, sans que l'EURL LOCAFLU ne justifie de l'autorisation prévue par les dispositions précitées de l'article

L. 2124-8 du code général de la propriété des personnes publiques ; que la circonstance que le dock flottant " Sail Fish " était installé au droit d'un garage à bateaux situé en amont du Pont de Saint Cloud n'était pas de nature à dispenser l'EURL LOCAFLU de recueillir l'autorisation de Voies navigables de France ; que par suite ces faits sont constitutifs d'une contravention de grande voirie prévue et réprimée en vertu des dispositions combinées des articles L. 2124-8 et L. 2132-5 du code général de la propriété des personnes publiques ;

8. Considérant que, dès lors, les travaux réalisés sans autorisation par

l'EURL LOCAFLU sur le domaine public fluvial étaient de nature à fonder légalement les poursuites diligentées à l'encontre de l'intéressée, sans que la société requérante ne puisse utilement invoquer, pour s'exonérer de sa responsabilité, l'attitude adoptée à son égard par Voies navigables de France postérieurement à la commission des infractions en litige ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'EURL LOCAFLU n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 27 juin 2013, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, d'une part, prononcé sa condamnation au paiement d'une amende de 4 000 euros et, d'autre part, mis à sa charge les frais de déplacement du dock flottant " Sail Fish " lui appartenant ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

12. Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Voies navigables de France, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'EURL LOCAFLU demande au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;

13. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de ces dispositions que, si une personne publique qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat peut néanmoins demander au juge l'application de cet article au titre des frais spécifiques exposés par elle à l'occasion de l'instance, elle ne saurait se borner à faire état d'un surcroît de travail de ses services ; que Voies navigables de France se borne à solliciter le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sans faire état des frais qu'il aurait exposés pour défendre à l'instance ; que, par suite, ses conclusions présentées sur ce fondement ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'EURL LOCAFLU est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Voies navigables de France présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 13VE02836


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13VE02836
Date de la décision : 17/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux répressif

Analyses

24-01-03-01-01 Domaine. Domaine public. Protection du domaine. Contraventions de grande voirie. Faits constitutifs.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Nathalie RIBEIRO-MENGOLI
Rapporteur public ?: Mme COLRAT
Avocat(s) : C.J. ALAIN BOT, YANNICK NORMAND ET MARIE-PASCALE CREN ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-09-17;13ve02836 ?
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