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17/09/2015 | FRANCE | N°13VE00604

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 17 septembre 2015, 13VE00604


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...et M. B...ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'état exécutoire d'un montant de 17 676,18 euros émis à leur encontre le 17 septembre 2010 puis, de nouveau le 26 octobre 2010, après retrait du précédent, par l'établissement public Voies navigables de France pour le recouvrement de l'indemnité d'occupation sans autorisation du domaine public fluvial par leur bateau " Jaume ", stationné face au 15 quai Alphonse Le Gallo à Boulogne-Billancourt du 1er décembre 2009 au <

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Par un jugement n° 1008741 et 1009982 du 20 décembre 2012, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...et M. B...ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'état exécutoire d'un montant de 17 676,18 euros émis à leur encontre le 17 septembre 2010 puis, de nouveau le 26 octobre 2010, après retrait du précédent, par l'établissement public Voies navigables de France pour le recouvrement de l'indemnité d'occupation sans autorisation du domaine public fluvial par leur bateau " Jaume ", stationné face au 15 quai Alphonse Le Gallo à Boulogne-Billancourt du 1er décembre 2009 au

31 août 2010.

Par un jugement n° 1008741 et 1009982 du 20 décembre 2012, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de Mme E...et

M. B...tendant à l'annulation de l'état exécutoire du 17 septembre 2010 et a rejeté leur demande dirigée contre celui émis le 26 octobre 2010.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif, enregistrés respectivement les

21 février et 20 juillet 2013, et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 25 septembre 2014 et 15 août 2015, Mme E...et M.B..., représentés par Me Normand, avocat demandent à la Cour :

1° d'annuler ce jugement du Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise du

20 décembre 2012 ;

2° d'annuler l'état exécutoire d'un montant de 17 676,18 euros ;

3° de mettre à la charge de Voies navigables de France la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme E...et M. B...soutiennent que :

- le jugement attaqué n'a pas répondu à l'ensemble de leurs moyens ;

- l'état exécutoire est irrégulier dans la mesure où le tarif qui leur a été appliqué n'était pas adapté à leur situation, seule une petite partie de la surface de leur bateau étant consacrée à l'exercice d'une activité professionnelle, le reste de sa surface étant consacré à leur logement ;

- Voies navigables de France a méconnu ses actes réglementaires afférents à la liste d'attente qu'il a mise en place ;

- Voies navigables de France ne justifie d'aucun préjudice l'autorisant à recouvrer les indemnités litigieuses dans la mesure où l'emplacement occupé par leur bateau n'a pas été ouvert au stationnement ;

- l'état exécutoire, qui ne vise aucune délibération du conseil d'administration de Voies navigables de France et dont les principaux éléments de calcul, en particulier le nombre de mètres carrés qui ont été facturés selon le tarif applicable aux activités professionnelles, servant de calcul à l'indemnité mensuelle n'ont pas été portés à leur connaissance, n'est pas motivé ;

- l'état exécutoire est entaché d'un défaut de base légale dans la mesure où la délibération sur la base de laquelle l'indemnité a été fixée n'a pas été régulièrement publiée et où le gestionnaire du domaine public doit établir le revenu qu'aurait pu produire l'occupation régulière du domaine public fluvial, sans se borner à se prévaloir de ses tarifs ;

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la décision n° 2013-341 QPC du Conseil constitutionnel du 27 septembre 2013 ;

- l'article 124 de la loi n° 90-1168 du 29 décembre 1990 de finances pour 1991 ;

- la loi n° 91-1385 du 31 décembre 1991 portant dispositions diverses en matière de transports ;

- le décret n° 60-1441 du 26 décembre 1960 modifié portant statut de

Voies navigables de France ;

- le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, modifié ;

- le décret n° 91-797 du 20 août 1991 modifié relatif aux recettes instituées au profit de Voies navigables de France par l'article 124 de la loi de finances pour 1991 ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 3 septembre 2015 :

- le rapport de Mme Ribeiro-Mengoli, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Colrat, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., pour Voies navigables de France ;

1. Considérant que Voies navigables de France a émis le 17 septembre 2010 un état exécutoire à l'encontre de Mme E...et de M. B...pour une somme de 17 676,18 euros pour avoir paiement d'indemnités d'occupation sans droit ni titre du domaine public fluvial par le bateau " Jaume " appartenant aux intéressés, au titre d'une période d'occupation irrégulière allant du 1er décembre 2009 au 31 août 2010 ; que Voies navigables de France a émis un second titre exécutoire à l'encontre de Mme E...et de

M. B...le 26 octobre 2010, identique au précédent et valant retrait de celui-ci ; que

Mme E...et de M. B...relèvent appel du jugement en date du

20 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a dit n'y avoir lieu à statuer sur leur demande tendant à l'annulation de l'état exécutoire du 17 septembre 2010 et a rejeté leur demande dirigée contre celui émis le 26 octobre 2010 ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir opposée par Voies navigables de France :

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que si les requérants soutiennent que le jugement attaqué est irrégulier faute pour les premiers juges d'avoir répondu à l'ensemble de leurs moyens, ils n'assortissent leurs allégations d'aucune précision de nature à permettre d'en apprécier le bien-fondé ; que, par suite, le moyen tiré de l'omission à statuer dont le jugement attaqué serait entaché ne peut qu'être écarté ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. " et qu'aux termes de l'article L. 2125-8 du même code : " Sans préjudice de la répression au titre des contraventions de grande voirie, le stationnement sans autorisation d'un bateau, navire, engin flottant ou établissement flottant sur le domaine public fluvial donne lieu au paiement d'une indemnité d'occupation égale à la redevance, majorée de 100 %, qui aurait été due pour un stationnement régulier à l'emplacement considéré ou à un emplacement similaire, sans application d'éventuels abattements " ;

4. Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision susvisée n° 2013-341 QPC ; que selon cette décision, le législateur a entendu, en instituant une majoration de 100 % de l'indemnité d'occupation due par un occupant sans titre du domaine public fluvial, dissuader toute personne d'occuper sans autorisation le domaine public fluvial et réprimer les éventuels manquements à cette interdiction ; que le Conseil constitutionnel a ainsi considéré que cette majoration de la redevance applicable, fixée par le législateur à 100 % du montant de la redevance due pour un stationnement régulier à l'emplacement considéré ou à un emplacement similaire, constituait une sanction ayant le caractère d'une punition qui ne méconnaissait cependant pas le principe de nécessité des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration de 1789 en ce que cette majoration proportionnelle, égale au montant de la redevance due, ne revêtait pas, en elle-même, un caractère manifestement disproportionné ; qu'enfin, le Conseil constitutionnel a écarté le grief tiré de la violation des droits de la défense tel qu'il est garanti par l'article 16 de la Déclaration de 1789, au motif que la majoration de 100 % prévue par l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques peut être contestée devant la juridiction administrative qui, saisie d'une demande à cette fin, peut suspendre l'exécution du titre exécutoire ou en prononcer l'annulation ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'un état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement que laquelle il est émis, à moins que ces bases n'aient été préalablement portées à la connaissance du débiteur ; que l'état exécutoire litigieux fait référence à un numéro de COSTU (constat d'occupation sans titre unique) correspondant au bateau des requérants dont le nom est précisé, de même que le lieu de stationnement et indique les périodes de recouvrement correspondant aux périodes d'occupation irrégulière, l'indice INSEE de référence et les montants mensuels dus en contrepartie de ladite occupation ; qu'il résulte de l'instruction que ces éléments sont détaillés dans un document intitulé " éléments de liquidation de l'avis de sommes à payer ", que les requérants, qui l'ont produit à l'appui de leur demande, ne contestent pas sérieusement avoir reçu préalablement à l'établissement du titre exécutoire litigieux, mentionnant en particulier la nature de la créance, l'identité du bateau, sa catégorie, le lieu de stationnement et le mode de calcul de l'indemnité mensuelle due en application de l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques, notamment, le tarif appliqué et le nombre de mètres carrés retenus ; que, par suite, Mme E...et M.B..., qui ont ainsi été mis en mesure de discuter utilement les bases de liquidation des sommes mises en recouvrement par Voies navigables de France, ne sont pas fondés à soutenir que l'état exécutoire contesté serait insuffisamment motivé ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte notamment des dispositions du code général de la propriété des personnes publiques visées au point 3. que, sans préjudice de la répression éventuelle des contraventions de grande voirie, le gestionnaire du domaine public est fondé à réclamer à un occupant sans titre une indemnité compensant les revenus qu'il aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période, ce principe s'appliquant que l'emplacement irrégulièrement occupé soit interdit ou non ; que, par suite, Voies navigables de France était fondé à réclamer à Mme E...et à M.B..., occupants irréguliers du domaine public fluvial, le paiement de l'indemnité litigieuse ; que la circonstance, à la supposer avérée, que l'emplacement irrégulièrement occupé par leur bateau n'aurait pas pu donner lieu à la délivrance d'une convention d'occupation temporaire, n'ayant pas été ouvert au stationnement, n'empêchait pas le gestionnaire du domaine public fluvial, auquel l'occupation litigieuse cause un préjudice résultant notamment de la privation du revenu qu'il est en droit, en vertu des dispositions de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques, de percevoir pour toute occupation privative du domaine dont il a la charge en contrepartie des avantages qu'en retire l'occupant concerné, de fixer le montant de l'indemnité due par Mme E...et M. B...par référence au montant de la redevance due pour un emplacement similaire ;

7. Considérant, en troisième lieu, que, l'occupation sans droit ni titre d'une dépendance du domaine public constitue une faute commise par l'occupant irrégulier et que celui-ci doit réparer le dommage ainsi causé au gestionnaire du domaine par le versement d'une indemnité, calculée par référence, en l'absence de tarif applicable, au revenu, tenant compte des avantages de toute nature, qu'aurait pu produire l'occupation régulière de la dépendance en cause ; qu'il en résulte que le versement d'une indemnité par l'occupant irrégulier du domaine public fluvial à Voies navigables de France n'est pas subordonné à l'existence de tarifs régulièrement fixés et rendus opposables aux bénéficiaires d'autorisations d'occupation du domaine ; que, par suite, la circonstance que les tarifs sur lesquels Voies navigables de France s'est fondé pour fixer le montant des indemnités dues par les requérants n'auraient pas été publiés, n'est pas de nature à faire obstacle au droit du gestionnaire du domaine public fluvial de réclamer le versement de ladite indemnité ; que pour établir les indemnités en litige, Voies navigables de France s'est fondé, notamment, sur la surface du bateau, le secteur dans lequel il se situe et l'indice du coût de la construction servant de base de calcul aux tarifs applicables aux occupants réguliers du domaine public fluvial, dont il n'est pas établi qu'ils ne correspondraient pas aux revenus dont Voies navigables de France aurait été privé par cette occupation irrégulière ou aux avantages de toute nature procurés à la catégorie d'occupants réguliers du domaine public ; que si les requérants soutiennent que le tarif qui leur a été appliqué, lequel tiendrait compte de l'exercice d'une activité professionnelle sur le bateau "Jaume", est entaché d'erreur matérielle et d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où leur bateau leur sert également de logement, ce qui justifierait l'application d'un tarif différencié en fonction de la nature de l'occupation, ils ne versent au dossier aucun élément de nature à étayer leurs allégations et à permettre à la Cour d'apprécier le bien-fondé de leur moyen qui ne peut, par suite, qu'être écarté ; que, dès lors, le moyen tiré d'une absence de base légale des indemnités qui leur sont réclamées ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant, en dernier lieu, qu'en se bornant à soutenir que " Voies navigables de France a méconnu ses actes réglementaires afférents à la liste d'attente qu'il a mise en place ", sans préciser les références des actes réglementaires invoqués ni en quoi l'établissement public les aurait méconnus, les requérants ne mettent pas la Cour en mesure d'apprécier le bien-fondé de leur moyen qui ne peut, par suite, qu'être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'état exécutoire émis à leur encontre en vue du recouvrement de la somme de 17 676, 18 euros ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Voies navigables de France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que

Mme E...et M. B...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme E...et de M. B...pris ensemble la somme de

2 000 euros, en faveur de Voies navigables de France, sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E...et de M. B...est rejetée.

Article 2 : Mme E...et M. B...pris ensemble, verseront à Voies navigables de France la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 13VE00604


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13VE00604
Date de la décision : 17/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

24-01-02-01-01-04 Domaine. Domaine public. Régime. Occupation. Utilisations privatives du domaine. Redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Nathalie RIBEIRO-MENGOLI
Rapporteur public ?: Mme COLRAT
Avocat(s) : C.J. ALAIN BOT, YANNICK NORMAND ET MARIE-PASCALE CREN ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-09-17;13ve00604 ?
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