Vu la requête, enregistrée le 31 août 2012, présentée pour M. et Mme B... A..., demeurant à..., par Me Rang, avocat ; M. et Mme A... demandent à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 1102878 du 6 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2006 ;
2° de leur accorder la décharge, en droits et pénalités, de ce supplément d'imposition ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- en rejetant leur demande, sur le terrain de la loi fiscale, au motif que les plus-values d'acquisitions litigieuses devaient être imposées en tant que revenus de capitaux mobiliers, alors qu'il résulte des constatations opérées dans le jugement attaqué que cet avantage doit être imposé en tant que plus-value de cession de valeur mobilière, les premiers juges ont entaché ledit jugement d'une contradiction de motifs ;
- les plus-values d'acquisitions litigieuses relevant, par application de la loi fiscale alors en vigueur et dès lors qu'elles ont été réalisées après l'expiration du délai d'indisponibilité, du régime des plus-values de cession de valeurs mobilières, elles n'étaient pas imposables en France en vertu de l'article 244 bis C du code général des impôts ;
- le paragraphe 111 de l'instruction administrative 5 C-1-01 du 3 juillet 2001 et le paragraphe 52 de l'instruction administrative 5 F-1-09 du 5 janvier 2009 admettent expressément que les plus-values d'acquisitions réalisées sous l'empire de la législation alors applicable étaient imposées suivant les règles applicables aux plus-values de cession de valeurs mobilières ;
- en tout état de cause, les plus-values d'acquisitions litigieuses n'étaient imposables qu'..., en vertu de l'article 23 de la convention fiscale franco-marocaine ;
- en imposant les plus-values d'acquisitions litigieuses motif pris de ce qu'elles constitueraient un complément de salaire, soit en contrariété avec sa propre doctrine qui énonçait que cet avantage était imposé suivant le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières, l'administration a méconnu le principe de sécurité juridique, ainsi que les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention du 29 mai 1970 modifiée, conclue entre la France et le Royaume du Maroc, tendant à éliminer les doubles impositions et à établir des règles d'assistance mutuelle administrative en matière fiscale ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juin 2015 :
- le rapport de M. Toutain, rapporteur,
- et les conclusions de M. Delage, rapporteur public,
1. Considérant que, les 16 novembre 1998, 15 novembre 1999 et 20 novembre 2000, M. A..., qui était alors salarié en France de la société Suez, s'est vu attribuer, par cette société, sur le fondement des articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce, des options d'achat d'actions, assorties d'une période d'indisponibilité fixée, selon les cas, à quatre ans ou à cinq ans ; qu'ayant transféré son domicile ... à compter du 1er octobre 2005, M. A... a, en 2006, levé ces options d'achat d'actions, une fois passée leur période d'indisponibilité, et a cédé les titres ; que les gains de levée d'option réalisés à l'occasion de ces opérations n'ayant pas été déclarés par l'intéressé, l'administration fiscale a, sur le fondement de l'article 80 bis du code général des impôts, réintégré leur montant aux revenus imposables de M. et Mme A...au titre de l'année 2006 ; que, par jugement n° 1102878 du 6 juillet 2012, dont les intéressés relèvent appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été consécutivement assujettis à ce titre ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que M. et Mme A...soutiennent que les premiers juges auraient entaché d'irrégularité le jugement attaqué en énonçant, de manière selon eux contradictoire, que les gains de levée d'options en litige devaient être imposés " dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers " suivant le régime défini au I de l'article 163 bis C du code général des impôts, alors que ces dispositions renvoient au régime d'imposition, distinct, des plus-values de cession de valeurs mobilières ; que, toutefois, une contradiction entre les motifs d'une décision juridictionnelle affecte le bien-fondé de celle-ci, et non sa régularité ; que le moyen d'irrégularité ainsi soulevé par les requérants ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes, d'une part, du I de l'article 80 bis du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'avantage correspondant à la différence entre la valeur réelle de l'action à la date de levée d'une option accordée dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce, et le prix de souscription ou d'achat de cette action constitue pour le bénéficiaire un complément de salaire imposable dans les conditions prévues au II de l'article 163 bis C " ; que l'article 163 bis C du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige, prévoit une dérogation au principe d'imposition du gain de levée d'option à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires, en soumettant cet avantage à un régime d'imposition spécifique, alors prévu à l'article 150-0 A et au 6 de l'article 200 A du même code, lorsque le bénéficiaire respecte un délai légal d'indisponibilité avant la cession et que les actions acquises revêtent la forme nominative ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'avantage égal à la différence entre la valeur réelle d'une action à la date de la levée de l'option et le prix de souscription ou d'achat de cette action constitue pour le bénéficiaire un complément de salaire imposable, alors même que ce gain serait imposé selon le régime dérogatoire d'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus ./ Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française " ; qu'aux termes de l'article 164 B du même code : " I. Sont considérés comme revenus de source française : / (...) d. Les revenus tirés d'activités professionnelles, salariées ou non, exercées en France (...). " ;
5. Considérant qu'il en résulte, en l'espèce, que les gains de levée d'option réalisés par M.A..., dans les conditions rappelées au point 1, constituent, alors même que le régime dérogatoire d'imposition leur est applicable, un complément de salaire se rattachant à l'activité professionnelle que l'intéressé exerçait en France, au sein de la société Suez, lors de l'attribution de ces options ; qu'ainsi, alors même que M. A...avait transféré son domicile fiscal hors de France à la date de réalisation de ces gains, ces derniers étaient, en tant que revenus de source française, imposables en France par application des dispositions précitées de l'article 4 A du code général des impôts ;
6. Considérant, en second lieu, que les gains en litige correspondent à la plus-value d'acquisition des actions réalisée par M. A...lors de la levée des options d'achat de ces titres, et non à la plus-value de cession par ailleurs constatée lors de leur revente immédiate ; que, par suite, les requérants ne peuvent utilement invoquer le bénéfice de l'exonération prévue, pour les seules plus-values de cession de valeurs mobilières réalisées par des non résidents, à l'article 244 bis C du code général des impôts ;
En ce qui concerne l'application de la convention franco-marocaine :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 18 de la convention fiscale franco-marocaine du 29 mai 1970 susvisée : " (...) les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu'une personne domiciliée.rue des Pays-Bas à Casablanca, au Maroc Si l'emploi est exercé dans l'autre Etat contractant, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre Etat (...) " ; qu'aux termes de l'article 23 de la même convention : " Les revenus non mentionnés aux articles précédents ne sont imposables que dans l'Etat contractant du domicile fiscal du bénéficiaire (...) " ; et qu'aux termes de l'article 7 de la même convention : " Pour l'application de la présente convention par l'un des Etats contractants, tout terme non défini dans cette convention recevra, à moins que le contexte ne l'exige autrement, la signification que lui donnent les lois en vigueur dans l'Etat considéré (...) " ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la plus-value d'acquisition éventuellement réalisée par le bénéficiaire d'options de souscription ou d'achat d'actions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce et égale à la différence entre, d'une part, la valeur réelle de l'action à la date de levée d'option et, d'autre part, le prix de souscription ou d'achat de cette action doit être regardée comme une rémunération analogue aux traitements et salaires, entrant dès lors dans le champ de l'article 18 de la convention fiscale franco-marocaine et imposable, par suite, dans l'Etat sur le territoire duquel a été exercée l'activité salariée que cette plus-value rémunère ; qu'est sans incidence, sur ce point, la circonstance que le calcul de l'impôt sur le revenu dû à raison de cette plus-value ait été déterminé, pour les options attribuées au cours de la période mentionnée au point 1, selon le régime dérogatoire d'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières ;
9. Considérant que les gains de levée d'option réalisés par M. A... constituent, comme il a été dit au point 5, un complément de salaire se rattachant à l'activité professionnelle que l'intéressé exerçait en France, au sein de la société Suez, lors de l'attribution de ces options ; que ces revenus étaient ainsi imposables en France en vertu des stipulations précitées de l'article 18 de la convention fiscale franco-marocaine ; que les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que lesdits revenus entreraient dans le champ de l'article 23 de cette convention et ne seraient, par suite, imposables qu'... ;
En ce qui concerne l'application de la doctrine administrative :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) " ;
11. Considérant que si, à l'appui de leur demande, M. et Mme A...invoquent le paragraphe 111 de l'instruction administrative publiée au bulletin officiel des impôts 5 C-1-01 du 3 juillet 2001, ainsi que le paragraphe 52 de l'instruction administrative publiée au bulletin officiel des impôts 5 F-1-09 du 5 janvier 2009, ces paragraphes, qui se bornent à commenter les conditions d'application aux gains de levée d'option, tels que visés à l'article 80 bis du code général des impôts, du régime dérogatoire d'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières, lorsque ce régime leur est applicable, n'énoncent pas, contrairement à ce que soutiennent les intéressés, que ces revenus relèveraient d'une autre cédule que celle des traitements et salaires ; que ces paragraphes, dont le second est d'ailleurs postérieur à l'année d'imposition ici en litige, ne contiennent ainsi, quant à la qualification de ces gains en tant que complément de salaire, aucune interprétation différente de celle résultant de la loi fiscale dont les requérants pourraient utilement se prévaloir sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
En ce qui concerne les autres moyens de la requête :
12. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 11, que l'administration, contrairement à ce que soutiennent M. et MmeA..., ne peut être regardée comme ayant admis, aux paragraphes 111 de l'instruction 5 C-1-01 et 52 de l'instruction 5 F-1-09, que les gains de levée d'option constitueraient pour leur bénéficiaire des plus-values de cession de valeurs mobilières, et non un complément de salaire ainsi qu'il résulte de l'application de la loi fiscale ; qu'en conséquence, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le service, en établissant le supplément d'imposition en litige à raison de ce que les gains de levée d'option qu'ils ont réalisés constituaient un complément de salaire imposable en France, serait revenu sur sa propre doctrine et aurait, ce faisant, méconnu, d'une part, le principe de sécurité juridique et, d'autre part, le droit au respect de leurs biens, tel que garanti par les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions qu'ils ont présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
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N°12VE03214