Vu la requête, enregistrée le 21 octobre 2014, présentée pour
Mme A...C..., demeurant..., par Me Guilloux-Vandal, avocat ; Mme C...demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 1403152 du 18 septembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 26 février 2014 refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3° d'enjoindre au préfet Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour mention
" vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la procédure est irrégulière du fait que la commission du titre de séjour du
17 janvier 2014 était irrégulièrement composée de quatre membres et non de trois comme prescrit par l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les signatures de ces membres sur le procès-verbal sont illisibles et ne permettent donc pas de vérifier leur identité et leur qualité pour siéger, et que MmeB..., qui l'assistait du fait de sa déficience mentale, n'a pas été invitée à signer ce procès-verbal ;
- la procédure est également irrégulière dès lors que la seule signature du procès-verbal par elle-même, et non par Mme B...qui l'assistait en raison de sa déficience mentale, ne peut valoir transmission de cet avis comme le prescrivent les dispositions de l'article R. 312-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par ailleurs, eu égard à son état mental, l'avis du médecin inspecteur de santé publique aurait dû être requis ;
- le préfet, en lui refusant un titre de séjour, a méconnu l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de l'ensemble des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle et familiale ; qu'elle vit en effet depuis l'année 2002 en France, où elle a été accueillie par MmeB..., elle est bien intégrée sur le territoire, et elle n'a plus aucune attache familiale au Maroc, où elle se trouverait, du fait de ses problèmes psychologiques, en état de grande précarité ;
- le préfet a méconnu, pour les mêmes raisons, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité dont est elle-même entachée la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'ensemble de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle se trouverait, du fait de ses problèmes psychologiques, dans un grand dénuement et une grande précarité en cas de retour forcé au Maroc où elle n'a plus aucune attache ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2015 le rapport de M. Bergeret, président assesseur ;
1. Considérant que MmeC..., ressortissante marocaine née le
1er janvier 1970, relève appel du jugement du 18 septembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Val-d'Oise du 26 février 2014 refusant de faire droit à sa demande d'admission exceptionnelle au séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Considérant que MmeC..., qui réside en France de manière ininterrompue depuis 2002 en compagnie de la famille de MmeB..., soutient devant la Cour, comme devant les premiers juges, qu'elle est totalement dépourvue d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine, où sa famille l'aurait rejetée en raison de sa " déficience mentale ", et qu'elle y serait totalement démunie et isolée en cas de retour forcé ; que, d'une part, le préfet du Val-d'Oise, devant le tribunal, n'a pas utilement contredit ces affirmations en se bornant à indiquer qu'il confirmait sa décision ; que, d'autre part, la requérante a versé au dossier d'appel, notamment, deux certificats médicaux dont l'un, établi par un médecin généraliste, atteste d'un " retard mental, avec troubles du langage, repli sur soi ", l'intéressée ayant " un quotient intellectuel équivalant à celui d'un enfant de six ans et ayant besoin d'une aide constante pour effectuer les actes ordinaires de la vie ", et dont l'autre, établi par un psychiatre, atteste que l'intéressée, suivie régulièrement par ce médecin, présente " un retard psychomoteur majeur entraînant une situation de dépendance " ; que le préfet du Val-d'Oise, invité à présenter ses observations sur la requête d'appel, n'a pas déféré à cette invitation, y compris après communication, le 10 mars 2015, des deux certificats médicaux précités produits pour la première fois en appel ; qu'enfin, le handicap mental de l'intéressée et la situation de dépendance qui en découle, ainsi que la réalité de sa prise en charge par la familleB..., doivent être regardés comme confirmés par les attestations de proches et l'ensemble des nombreuses autres pièces produites au dossier ; qu'il suit de là que, dans les circonstances particulières de l'espèce, le préfet du Val-d'Oise, en refusant de délivrer un titre de séjour à l'intéressée et en l'obligeant à quitter le territoire à destination de son pays d'origine, où elle se trouverait, selon toute probabilité, en situation de grande vulnérabilité, doit être regardé comme ayant entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'ensemble des conséquences qu'il emporte sur la situation personnelle de l'intéressée ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
4. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation ci-dessus retenu, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Val-d'Oise délivre à Mme C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre à ce préfet, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, en l'espèce, d'assortir d'une astreinte cette injonction ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros demandée par Mme C...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1403152 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 18 septembre 2014 et l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 26 février 2014 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-d'Oise de délivrer à Mme C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Mme C...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 14VE02969