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28/05/2015 | FRANCE | N°14VE00043

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 28 mai 2015, 14VE00043


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 janvier et 7 février 2014, présentés pour M. D...B..., demeurant..., par Me Athon-Perez, avocat ;

M. B...demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1110678 du 5 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'université de Cergy-Pontoise à lui verser une indemnité d'un montant de 45 000 euros ;

2° de condamner l'université de Cergy-Pontoise à lui verser la somme susmentionnée, assortie des intérêts à compter de sa

réclamation préalable et de la capitalisation ;

3° de mettre à la charge de l'Etat une...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 janvier et 7 février 2014, présentés pour M. D...B..., demeurant..., par Me Athon-Perez, avocat ;

M. B...demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1110678 du 5 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'université de Cergy-Pontoise à lui verser une indemnité d'un montant de 45 000 euros ;

2° de condamner l'université de Cergy-Pontoise à lui verser la somme susmentionnée, assortie des intérêts à compter de sa réclamation préalable et de la capitalisation ;

3° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la minute du jugement ne comporte pas la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier ; le jugement est insuffisamment motivé dès lors que le jugement n'indique pas à quelles pièces il se réfère ;

- en présence de preuves de harcèlement moral à son encontre, le tribunal aurait dû exiger de l'administration de faire la preuve d'une absence de harcèlement ;

- le harcèlement moral est établi dès lors qu'il a fait l'objet d'une éviction de la direction du Laboratoire atomes et molécules astrophysique dit Lamap, qu'il a été mis à l'écart d'une partie des activités de ce laboratoire, notamment des réunions scientifiques et du contrat européen FP7 Lassie, qu'on l'a empêché de travailler en bloquant l'achat de matériels et en lui refusant des moyens humains ou en l'excluant de certaines réunions du laboratoire sur les contrats ANR et Sesame, qu'il a fait l'objet de dénigrement, de mépris et d'actes diffamatoires ;

- l'université a commis une faute en faisant preuve d'inertie faces aux agissements du directeur du Lamap et en refusant de prendre les mesures adéquates ;

- son préjudice à la fois moral et de carrière est évalué à neuf mois de traitement ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligation des fonctionnaires ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mai 2015 :

- le rapport de M. Pilven, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Besson-Ledey, rapporteur public,

- et les observations de Me Athon-Perez pour M. B...;

1. Considérant que M.B..., professeur affecté à l'université de Cergy-Pontoise, a exercé jusqu'en juillet 2009 les fonctions de directeur du Laboratoire atomes et molécules en astrophysique (Lamap), laboratoire rattaché au Laboratoire d'étude du rayonnement et de la matière en astrophysique (Lerma), unité mixte de recherche placée sous la tutelle de cinq établissements dont le CNRS, l'université de Cergy-Pontoise et l'observatoire de Paris ; qu'une situation de conflit s'est installée à compter de 2008, principalement entre le requérant et le directeur du Lerma ; que M. B...estimant être la cible d'actes de dénigrement, d'exclusion et d'entraves à son travail, et en raison des tensions existantes au sein du laboratoire, une médiatrice du CNRS a été désignée par la délégation régionale du CNRS, à la demande du directeur du Lerma ; qu'au vu du rapport rendu par cette médiatrice, la présidente de l'université de Cergy-Pontoise a par note interne du 6 juillet 2009 décidé de placer le Lamap sous l'autorité provisoire du directeur de l'UFR de sciences et techniques et réparti l'activité scientifique du Lamap entre le requérant et un autre professeur M.A... ; que le requérant a alors demandé au président de l'université, par courrier du 29 juillet 2011, de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à cette situation qu'il qualifie de harcèlement moral et de faire droit à une demande d'indemnisation en réparation des préjudices subis pour un montant de 45 000 euros ; qu'en l'absence d'une décision explicite sur sa demande, il a saisi le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise d'une demande indemnitaire pour le même montant ; que, le tribunal administratif ayant rejeté sa demande par jugement du 5 novembre 2013, M. B...fait appel en formant les mêmes conclusions ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que si le requérant soutient que la minute du jugement attaqué n'est pas revêtue de l'ensemble des signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative, il résulte de l'instruction que ce moyen manque en fait ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 susmentionné doit être écarté ;

3. Considérant que, contrairement à ce que soutient le requérant, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de se prononcer sur l'ensemble des arguments soulevés par M.B..., ont énoncé de manière complète et précise les motifs sur lesquels se fonde le jugement contesté ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement doit être écarté ;

Sur le harcèlement moral :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) " ; que ces dispositions ont procédé à la transposition pour la fonction publique des dispositions relatives à la lutte contre le harcèlement de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;

5. Considérant, d'une part, qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

6. Considérant, d'autre part, que, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;

7. Considérant que M. B...soutient qu'il fait l'objet d'agissements de la part de sa hiérarchie constitutifs d'un harcèlement moral dès lors, que premièrement, il a été évincé de la direction du Lamap par une décision de la présidente de l'université du 6 juillet 2009 et que les crédits d'équipement du contrat Irohni relevant de sa responsabilité ont été suspendus par M. C..., que deuxièmement, il a été mis à l'écart de l'activité du laboratoire, notamment de réunions scientifiques, du contrat européen FP7 Lassie, que certains membre du laboratoire ont refusé de participer à un projet au motif qu'il y était impliqué, que la répartition des activités du laboratoire entre lui et M. A...n'avait pour but que de l'écarter de l'activité principale de ce laboratoire, à savoir l'instrument Formolism, que troisièmement, il n'a pu exercer normalement son travail en raison du blocage de l'achat d'un élément du contrat Irohni et de commandes d'équipement nécessaires pour la mise à niveau et le fonctionnement des lasers, qu'il a été privé des éléments humains nécessaires au bon fonctionnement du laboratoire, qu'il a été exclu de certains travaux et de réunions relatifs aux contrats ANR et Sesame et n'a plus été associé aux demandes de crédits ou de contrat faites au nom de l'équipe et, que quatrièmement, il a fait l'objet de mépris, de dénigrement et d'attitudes diffamatoires tendant à le discréditer auprès de collègues ou d'acteurs de la communauté scientifique ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport de la médiatrice du CNRS du 18 mai 2009, que le requérant est à l'origine des tensions existantes au sein du Lamap, que l'équipe en situation de souffrance est au bord de la rupture, " qu'il ne veut rien partager de son contrôle de " Formolism " et qu'il semble prêt à voir fuir tous les talents autour de lui plutôt que de renoncer à une once de pouvoir " ; que si le requérant conteste l'impartialité de cette médiation, il ressort des pièces du dossier que la réorganisation du laboratoire avait pour finalité de mettre fin aux fortes tensions existantes en son sein, et qu'une partie majoritaire du personnel souffrait du management de M. B... ; que l'intéressé ne conteste pas, par ailleurs, qu'il n'a pas été porté atteinte à ses droits statutaires ou pécuniaires ; qu'il ne ressort pas non plus des pièces en français produites par l'intéressé qu'il aurait fait l'objet d'une volonté d'exclusion de réunions scientifiques ; que la circonstance que certains membres du laboratoire aient refusé de participer à un projet auquel il était associé n'est que le signe des tensions existantes et non d'un harcèlement moral ; que s'il n'a plus eu la maitrise complète du suivi des commandes et des crédits, il n'a pas pour autant été complètement exclu de l'activité du laboratoire alors, par ailleurs, que ce contrôle interne répondait au souci de l'université de reprendre en main la gestion de ce laboratoire et de mettre fin aux tensions dont il était à l'origine ; qu'il n'établit d'ailleurs aucunement que le contrôle de ces crédits et des dépenses n'ait pas répondu à des raisons objectives de bonne gestion ; que si, par un jugement en date du 19 décembre 2013, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 28 mai 2009 du directeur du Lerma suspendant les commandes d'équipement sur les crédits liés au contrat Ironhi et lui retirant la responsabilité des opérations de gestion de ce contrat, il s'est uniquement fondé sur un motif d'absence de communication de son dossier à l'intéressé et non sur des faits constitutifs de harcèlement moral ; qu'enfin, s'il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce qu'affirme l'intéressé, qu'il ait fait l'objet de dénigrement ou d'insultes ; qu'en revanche l'attitude agressive qu'il a adoptée vis-à-vis d'une partie de la hiérarchie a certainement été de nature à créer une attitude de rejet ou de méfiance à son égard ; qu'en outre, s'il ressort de la décision du Cneser du 16 décembre 2013 que le comportement de M. A...à l'égard des doctorants de M. B...n'a pas été approprié, que M. B...a eu un comportement regrettable et qu'il reconnait les faits qui lui sont reprochés ; que si par cette décision, le Cneser annule la sanction prise à l'encontre de l'intéressé en matière disciplinaire, il ne fait que constater une fois encore l'ambiance exécrable existant au sein du laboratoire et ne remet pas en cause l'analyse plus large de la situation, faite par la médiatrice nommée par le CNRS pour tenter de résoudre ce conflit ; que, dès lors, il ne ressort pas de l'ensemble des éléments produits par M. B...qu'il aurait fait l'objet d'agissements qualifiables de harcèlement moral au sein de l'université de Cergy-Pontoise ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...ne peut sérieusement soutenir que l'université n'aurait pris aucune initiative pour tenter de mettre fin à la situation de harcèlement moral qu'il allègue avoir subie, dès lors que les faits allégués ne peuvent être qualifiés de harcèlement et que l'université de Cergy-Pontoise a été en partie à l'initiative de la désignation d'une médiatrice du CNRS afin de résoudre le conflit existant ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence de mesures prises par l'université pour tenter de mettre fin à la situation de harcèlement allégué par l'intéressé ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant qu'en l'absence d'agissements qualifiables de harcèlement moral, les demandes de M. B...tendant à l'indemnisation du préjudice subi pour des faits de harcèlement moral ne peuvent qu'être rejetées ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté du 5 novembre 2013, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes indemnitaires ;

Sur les dispositions relatives à l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'université de Cergy-Pontoise, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. B...une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...la somme de 500 euros à verser à l'université de Cergy-Pontoise au titre des frais non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : M. B...versera à l'université de Cergy-Pontoise la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 14VE00043 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14VE00043
Date de la décision : 28/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Garanties et avantages divers. Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : Mme COLOMBANI
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: Mme BESSON-LEDEY
Avocat(s) : ATHON-PEREZ

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-05-28;14ve00043 ?
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