Vu la requête, enregistrée le 2 mai 2014, présentée par le PRÉFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; le PRÉFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1400228 en date du 3 avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté en date du 9 décembre 2013 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A...B..., l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; il soutient que les premiers juges n'étaient pas fondés à annuler l'arrêté litigieux au motif qu'il aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en tout état de cause, les documents peu circonstanciés produits par l'intéressé postérieurement à la décision attaquée ne sont pas de nature à remettre en cause les constatations effectuées par le médecin de l'Agence régionale de santé ; que l'intéressé enfin ne justifie pas de circonstances exceptionnelles ou humanitaires ;
...................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 avril 2015 :
- le rapport de M. Errera, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Delage, rapporteur public,
1. Considérant que le PRÉFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS, par une décision du 9 décembre 2013, a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A...B..., l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, au motif que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité puisqu'il pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cette décision, par un jugement du 3 avril 2014, au motif qu'en déduisant ainsi de la possibilité pour l'intéressé de suivre un traitement dans son pays d'origine, l'absence de conséquence d'un défaut de prise en charge médicale, le préfet avait entaché sa décision d'une erreur de droit ; que le PRÉFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS relève appel de ce jugement ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'État. " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 précité, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ;
4. Considérant que le PRÉFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a indiqué, dans les motifs de l'arrêté en litige, " qu'il ressort de l'avis émis le 28 août 2013 par le médecin de l'Agence régionale de santé d'Ile-de-France que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité puisqu'il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine " ; qu'il résulte des termes ainsi utilisés par le PRÉFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS que celui-ci, pour l'instruction de la demande dont il était saisi, a commencé par vérifier s'il existait, dans le pays d'origine de l'intéressé, un traitement approprié à son état de santé, pour ensuite en déduire, au vu de l'existence d'un tel traitement, que le refus de délivrance du titre sollicité n'entraînerait pas pour son demandeur des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que si le préfet a ainsi directement examiné la seconde condition mise à la délivrance du titre, sans se prononcer d'abord sur la gravité de l'état de santé, cette inversion des étapes normales du raisonnement, d'une part, ne prive l'intéressé d'aucune garantie, d'autre part, ne peut que rester sans incidence sur le bien-fondé de la décision prise à son égard, dès lors que l'existence effective d'un traitement approprié dans le pays d'origine suffit, quel que soit le degré de gravité des conséquences qui résulteraient de l'absence d'un tel traitement, à justifier le refus de délivrance d'un titre de séjour demandé au titre des dispositions précitées ; qu'il suit de là que le PRÉFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé sa décision pour erreur de droit ;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le Tribunal administratif de Montreuil ;
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
6. Considérant, en premier lieu, que le PRÉFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a produit l'avis du médecin de l'agence régionale de santé en date du 28 août 2013 ; que cet avis permet d'identifier son auteur, le docteur Julian, lequel a contresigné cet avis ; qu'il suit de là que M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort de l'examen de la décision portant refus de titre de séjour que le PRÉFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a précisé tant les considérations de fait que les motifs de droit sur lesquels il s'est fondé pour rejeter la demande de titre de séjour de M. B...; que ce dernier n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que cette décision serait insuffisamment motivée en violation des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...fait l'objet d'un suivi médical ; que, selon l'avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé le 28 août 2013, si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'il résulte du même avis qu'un traitement approprié est disponible au Maroc ; que les pièces médicales produites et, notamment, les certificats émanant du docteur Karim Sacre, praticien hospitalier du service de médecine interne au groupe hospitalier Bichat - Claude Bernard, en date des 9 janvier et 31 mai 2013, ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation du médecin de l'agence régionale de santé sur ces points ; que, par suite, M. B..., qui ne saurait, en l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas de défaut de prise en charge médicale, utilement faire valoir qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, n'est pas fondé à soutenir que le PRÉFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS aurait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;
10. Considérant que M. B...soutient que son frère Mostafa et sa soeur Hanane résident en France, qu'ils sont tous deux titulaires de titres de séjour et qu'il est hébergé par son frère à Aulnay-sous-Bois depuis le 1er avril 2012 ; que, toutefois, alors qu'il est constant qu'il est célibataire et sans enfant à charge, M. B...ne justifie pas de la réalité des liens personnels et familiaux qu'il soutient avoir noués en France ; que, par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a résidé jusqu'à l'âge de trente-cinq ans et où résident notamment sa mère et trois de ses frères ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, et eu égard, également, à la faible durée du séjour en France de M.B..., qui n'est présent sur le territoire que depuis le 1er mars 2012 selon ses propres dires, la décision par laquelle le PRÉFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a refusé de lui délivrer un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaîtrait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé " ;
12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le PRÉFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS, qui, après avis du médecin de l'agence régionale de santé, a fondé sa décision sur la circonstance que, si l'état de santé de M. B...nécessite une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci n'est pas de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour l'intéressé et que celui-ci peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié au Maroc, n'a pas méconnu les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
13. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
14. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux retenus s'agissant de la décision de refus de titre de séjour, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision portant obligation de quitter le territoire français porterait au droit de M. B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou qu'elle serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;
16. Considérant que le présent jugement n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement rendu par le Tribunal administratif de Montreuil le 3 avril 2014 sous le n° 1400228 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Montreuil et les conclusions présentées par l'intéressé devant la Cour sont rejetées.
''
''
''
''
N° 14VE01296 2