La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/12/2014 | FRANCE | N°12VE03428

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 18 décembre 2014, 12VE03428


Vu la requête, enregistrée le 1er octobre 2012, présentée pour la COMMUNE DE LINAS (Essonne), représentée par son maire en exercice, par Me Le Baut, avocat ;

La COMMUNE DE LINAS demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement nos 1007341,1100497 en date du 30 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé la délibération du 1er septembre 2010 par laquelle le conseil municipal de la COMMUNE DE LINAS a accepté le retrait de la plainte déposée le 3 octobre 2007 par son maire, M.E..., à l'encontre de M. B...et a autorisé la prise en charge par

le budget de la commune des frais irrépétibles mis à la charge de son maire...

Vu la requête, enregistrée le 1er octobre 2012, présentée pour la COMMUNE DE LINAS (Essonne), représentée par son maire en exercice, par Me Le Baut, avocat ;

La COMMUNE DE LINAS demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement nos 1007341,1100497 en date du 30 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé la délibération du 1er septembre 2010 par laquelle le conseil municipal de la COMMUNE DE LINAS a accepté le retrait de la plainte déposée le 3 octobre 2007 par son maire, M.E..., à l'encontre de M. B...et a autorisé la prise en charge par le budget de la commune des frais irrépétibles mis à la charge de son maire d'un montant de 3 000 euros ;

2° de rejeter la demande de M. A...C...et le déféré du préfet de l'Essonne ;

3° de mettre à la charge de M. A...C...et du préfet de l'Essonne, chacun, le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il ne vise pas l'ensemble des pièces versées aux débats et les premiers juges ont statué sans prendre en considération les douze pièces, dont le tract de M.B..., que la commune a jointes à son mémoire en défense dans le cadre du déféré préfectoral ;

- ce jugement, qui contient des contradictions, est également insuffisamment motivé en ce que le tribunal n'a pas pris en compte l'ensemble des mémoires échangés et n'a pas visé et analysé les mémoires de la COMMUNE DE LINAS ;

- la protection fonctionnelle des agents publics, fonctionnaires et élus, s'impose aux collectivités publiques en tant que principe général du droit dès lors que ceux-ci font l'objet de menaces ou attaques et que celles-ci sont liées à l'exercice de leurs fonctions, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que les attaques et menaces aient cessé à la date de la formulation de la demande auprès de la collectivité publique ; ces conditions sont remplies en l'espèce, M. E... ayant été attaqué dans l'exercice de ses fonctions d'élu municipal ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de procédure civile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2014 :

- le rapport de Mme Ribeiro-Mengoli, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Lepetit-Collin, rapporteur public,

- et les observations de Me Le Baut pour la COMMUNE DE LINAS ;

Connaissance prise de la note en délibéré, enregistrée le 5 décembre 2014, présentée pour la COMMUNE DE LINAS ;

1. Considérant que, le 3 octobre 2007, M.E..., maire de la COMMUNE DE LINAS, a assigné M.B..., maire de la commune de Marcoussis, à comparaître devant le Tribunal d'instance de Longjumeau afin que ce dernier répare, sur le fondement des dispositions des articles 1384, 1382 et 1383 du code civil, le préjudice résultant de l'atteinte portée à son honneur et à sa considération par des propos ajoutés par deux personnes le 23 juin 2007 sur le " blog " de M.B... ; que le Tribunal de grande instance d'Evry, à la suite de la déclaration d'incompétence ratione materiae du Tribunal d'instance de Longjumeau et du désistement de

M. E...de son action en responsabilité délictuelle signifié le 27 mars 2009, a condamné l'intéressé, par jugement en date du 4 décembre 2009, au paiement à M. B...de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; que par délibération en date du 1er septembre 2010, le conseil municipal de la COMMUNE DE LINAS a accepté, après avoir mentionné que tant la commune que son maire avaient fait l'objet de messages au caractère excessif durant la campagne des élections législatives de juin 2007 sur le blog de campagne de M. B...et qu'une plainte avait alors été déposée à l'encontre de ce dernier le 3 octobre 2007, d'une part, le " retrait de la plainte " déposée à l'encontre de M. B... et, d'autre part, de prendre en charge sur le budget de la commune les frais irrépétibles auxquels a été condamné M. E...par le Tribunal de grande instance d'Evry ; que la COMMUNE DE LINAS relève appel du jugement du 30 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a, à la demande de M. C...et du préfet de l'Essonne, annulé ladite délibération ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ; que, contrairement à ce qui est soutenu par la COMMUNE DE LINAS, le jugement attaqué, qui énonce de manière circonstanciée les motifs de fait et de droit ayant conduit à l'annulation de la délibération en litige, est suffisamment motivé ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...) / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. / Mention y est faite que le rapporteur et le commissaire du gouvernement et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du deuxième alinéa de l'article R. 731-3 ont été entendus. / Mention est également faite de la production d'une note en délibéré (...) " ; que, d'une part, contrairement à ce que soutient la COMMUNE DE LINAS sans étayer son moyen, le jugement attaqué vise et analyse l'ensemble des mémoires qu'elle a produits et les conclusions présentées à l'appui de ceux-ci ; que, d'autre part, le jugement attaqué, qui vise les autres pièces du dossier, n'est pas irrégulier pour ne pas avoir précisé la teneur de l'ensemble des pièces versées aux débats par la COMMUNE DE LINAS ;

4. Considérant, enfin, que le moyen tiré de ce que le jugement attaqué contiendrait des contradictions, ce qui n'est d'ailleurs pas de nature à en affecter la régularité, n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'il ne peut dès lors qu'être écarté ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales : " Le maire ou les élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la commune conformément aux règles fixées par le code pénal, les lois spéciales et le présent code. / La commune est tenue de protéger le maire ou les élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation contre les violences, menaces ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion ou du fait de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. / La protection prévue aux deux alinéas précédents est étendue aux conjoints, enfants et ascendants directs des maires ou des élus municipaux les suppléant ou ayant reçu délégation lorsque, du fait des fonctions de ces derniers, ils sont victimes de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages (...) " ;

6. Considérant que ces dispositions instituent au profit des élus qu'elles visent lorsqu'ils ont été victimes d'attaques dans l'exercice de leurs fonctions, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général ; que si cette obligation peut avoir pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'intéressé est exposé, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il a subis¸ laquelle peut notamment consister à assister, le cas échéant, l'élu dans les poursuites judiciaires qu'il entreprend pour se défendre, il appartient dans chaque cas à la collectivité publique d'apprécier, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la question posée au juge et de la gravité des faits qui font l'objet des poursuites entreprises, les modalités appropriées à l'objectif poursuivi ;

7. Considérant, d'une part, que, ainsi qu'il a été dit au point 1, la délibération litigieuse indique que la COMMUNE DE LINAS tout comme son maire, ont fait l'objet de messages au caractère excessif durant la campagne des élections législatives de juin 2007 sur le blog de campagne de M. B...et qu'une plainte a alors été déposée à l'encontre de ce dernier le 3 octobre 2007 ; que si par la délibération litigieuse, le conseil municipal a tout d'abord accepté le retrait de la plainte déposée à l'encontre de M.B..., il ressort des pièces du dossier qu'aucune plainte n'a été déposée à l'encontre de ce dernier au nom et pour le compte de la COMMUNE DE LINAS, seul son maire l'ayant assigné, à titre personnel, afin d'obtenir, dans le cadre d'une action en responsabilité civile délictuelle, des dommages-intérêts à raison des propos le visant ayant été tenus sur son " blog " ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé cette délibération en tant qu'elle accepte le retrait de plainte au motif que la commune n'avait pas compétence pour accepter le retrait d'une plainte qu'elle n'a jamais déposée ;

8. Considérant, d'autre part, à supposer que cette délibération puisse être regardée, dans son ensemble, comme manifestant la volonté de la COMMUNE DE LINAS de prendre en charge la protection de son maire sur le fondement des dispositions susvisées de l'article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales, en dépit du désistement de son action un an auparavant, les frais de justice au paiement desquels il a été condamné et que la COMMUNE DE LINAS a accepté de lui rembourser par cette même délibération, ne sauraient légalement être pris en charge par la COMMUNE DE LINAS sur le fondement desdites dispositions ; qu'en effet, il ressort des pièces du dossier que M.E..., qui a fait le choix de former en octobre 2007 une action en responsabilité civile délictuelle à l'encontre de M. B...en raison de la publication sur son " blog " de propos le concernant qu'il estimait outrageants, s'est désisté de son recours en mars 2009, ce qui lui a valu d'être condamné à prendre à sa charge les frais de justice engagés par son adversaire et l'a conduit à solliciter, huit mois après cette condamnation, la prise en charge de ces frais par la commune au titre des dispositions de l'article L. 2123-35 susvisé ; que les conséquences du choix fait par le maire de la COMMUNE DE LINAS de ne pas poursuivre l'action en justice devant le juge civil qu'il avait initiée afin d'obtenir la réparation de son préjudice et qui est directement à l'origine de sa condamnation à verser des frais irrépétibles, ne peuvent légalement incomber à la commune au titre de la protection qu'elle lui doit dans le cadre de l'exercice de ses fonctions ; que, par suite, la COMMUNE DE LINAS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a annulé la délibération du 1er septembre 2010 par laquelle le conseil municipal a accepté le retrait de la plainte déposée le 3 octobre 2007 par le maire à l'encontre de M. D...B...et a autorisé la prise en charge par le budget de la commune des frais irrépétibles mis à la charge de ce dernier d'un montant de 3 000 euros ;

Sur l'application des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 :

9. Considérant que, contrairement à ce que soutient la COMMUNE DE LINAS, les termes des paragraphes 4 des pages 3 et 6 et du paragraphe 8 de la page 6 du mémoire en défense du préfet de l'Essonne ne présentent pas un caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire ; que, dès lors, il n'y a pas lieu d'en prononcer la suppression par application des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, qui permettent aux tribunaux, dans les causes dont ils sont saisis, de prononcer la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C... et de l'Etat, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la COMMUNE DE LINAS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la COMMUNE DE LINAS la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C...et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE LINAS est rejetée.

Article 2 : La COMMUNE DE LINAS versera à M. C...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

''

''

''

''

5

2

N° 12VE03428


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE03428
Date de la décision : 18/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-01-02-02 Collectivités territoriales. Commune. Organisation de la commune. Organes de la commune. Maire et adjoints.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Nathalie RIBEIRO-MENGOLI
Rapporteur public ?: Mme LEPETIT-COLLIN
Avocat(s) : LE BAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2014-12-18;12ve03428 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award