Vu l'arrêt n° 351598 en date du 6 février 2013 par lequel le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt n° 09VE02726 du 7 juin 2011 de la Cour de céans et lui a renvoyé le jugement de l'affaire ;
Vu la requête de Mme C...D...et le mémoire complémentaire, enregistrés le 7 août 2009 et le 2 décembre 2010, présentés pour Mme A...C...D..., demeurant..., par Me Touati, avocat ; Mme C...D...demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 0502674 en date du 9 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 27 janvier 2005 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement ainsi qu'à l'annulation de la décision en date du 25 juillet 2005 par laquelle le ministre chargé du travail a confirmé cette décision sur recours hiérarchique ;
2° d'annuler lesdites décisions ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la procédure de licenciement a été entachée de plusieurs irrégularités :
. la consultation du comité d'établissement s'est déroulée de manière irrégulière dans la mesure où, premièrement, l'ordre du jour de la réunion du comité d'établissement du 22 décembre 2004 n'a pas été communiqué dans le délai prévu à l'article L. 434-3 du code du travail, deuxièmement, l'ordre du jour ne faisait pas état de ses fonctions de secrétaire du comité, troisièmement, le comité d'établissement n'a pas bénéficié d'informations suffisamment précises sur le projet de licenciement la concernant et, enfin, la directrice des ressources humaines a participé de façon illégale à cette réunion ;
. les délégués du personnel n'ont pas été consultés en méconnaissance de la convention collective applicable ;
. la demande d'autorisation de licenciement la concernant était tardive en application de l'article L. 122-14 du code du travail (L. 1332-2), plus d'un mois s'étant écoulé entre l'entretien préalable à son licenciement et la transmission de la demande d'autorisation à l'inspection du travail ;
. le caractère contradictoire de l'enquête de l'inspectrice du travail - grief sur lequel le tribunal ne s'est pas prononcé - n'a pas été respecté dans la mesure où elle n'a pas eu connaissance de la teneur de la demande présentée par son employeur ; l'inspectrice du travail n'a pas été impartiale et a méconnu son obligation de discrétion ;
- l'autorisation de licenciement n'est pas fondée :
. le ministre ne pouvait retenir comme preuve du grief tiré des pressions exercées sur certains salariés le compte-rendu de la réunion du CHSCT du 30 septembre 2004 qui a été suspendu par une ordonnance du président du Tribunal de grande instance de Bobigny en date du 24 janvier 2005 ; elle n'a pu exercer de pressions sur les autres salariés dès lors qu'elle était marginalisée par son employeur ; l'altercation du 19 août est liée à un acte d'insubordination de salariés placés sous son autorité ; les appels aux services de police des 13 et 19 octobre 2004 étaient liés à l'exercice de ses responsabilités de responsable syndicale et sont sans lien avec l'exécution de son contrat de travail ; la divulgation d'informations confidentielles n'a pas été prouvée ;
. son licenciement est directement lié à ses fonctions de représentante du personnel ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 juin 2014:
- le rapport de Mme Ribeiro-Mengoli, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Agier-Cabanes, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., pour Mme C...D...;
1. Considérant que Mme C...D...a été recrutée par l'Association des paralysés de France, à compter du 2 janvier 2002, en qualité de directrice adjointe du foyer Clothilde Lamborot à Pantin ; qu'elle exerçait les mandats de déléguée syndicale, de représentante syndicale au comité d'établissement, de déléguée du personnel, de membre du comité d'établissement et de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que par un courrier en date du 26 novembre 2004 son employeur a sollicité l'autorisation de la licencier pour faute ; que l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement pour motif disciplinaire par une décision en date du 27 janvier 2005 confirmée sur recours hiérarchique par le ministre chargé du travail le 25 juillet 2005 ; que par un arrêt en date du 7 juin 2011 la Cour administrative d'appel de Versailles a confirmé le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 9 juin 2009 ayant rejeté sa demande tendant l'annulation de ces décisions ; que par une décision du 6 février 2013, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt au motif que la Cour s'était bornée à constater que les griefs retenus à l'encontre de la salariée étaient justifiés sans rechercher si les faits qui lui étaient reprochés constituaient un comportement fautif d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement et a renvoyé l'affaire à cette même Cour ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'à l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection ainsi instituée, l'article R. 436-4 du code du travail alors applicable, devenu l'article R. 2421-11, dispose que l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat " ;
3. Considérant que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné ; qu'il implique que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance en temps utile de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation ; qu'il implique également de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation ; que, toutefois, lorsque la communication de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui les ont communiqués, l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé et l'employeur, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;
4. Considérant, d'une part, que si l'inspecteur du travail a organisé trois entretiens avec Mme C...D...au cours de l'enquête qu'il a menée, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait mis à même l'intéressée de prendre connaissance de la demande d'autorisation de licenciement que lui a adressée l'Association des paralysés de France le 26 novembre 2004 et des quatorze pièces qui y étaient jointes ; que si dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique formé par Mme C...D...le ministre a communiqué, à la suite de la demande de son conseil de recevoir l'entier dossier concernant la salariée, la demande d'autorisation de licenciement, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il lui aurait communiqué les pièces que l'employeur avaient jointes à cette demande ou qu'il aurait mis à même l'intéressée d'en prendre connaissance ; que, d'autre part, alors qu'il ressort des pièces du dossier que l'inspecteur du travail a recueilli au cours de son enquête le témoignage de salariés de l'Association des paralysés de France, et que selon le compte-rendu de l'entretien individuel mené par l'inspecteur du travail le 26 janvier 2004 établi par le conseiller du salarié ayant assisté Mme C...D...à cette occasion, l'inspecteur du travail a déclaré avoir recueilli des témoignages qui contredisaient ceux produits par la requérante, il n'est pas établi que l'administration aurait, même au stade du recours hiérarchique, informé la salariée de l'identité des personnes ayant témoigné des agissements qui lui étaient reprochés et de la teneur des témoignages ; qu'enfin, l'employeur a produit à l'appui de son mémoire en défense devant les premiers juges des témoignages de salariés contre Mme C...D...dont il n'est pas sérieusement contesté qu'ils ont été portés à la connaissance de l'administration et dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils auraient été communiqués à Mme C...D... ; que, par suite, la requérante est fondée à soutenir que le caractère contradictoire de l'enquête a été méconnu ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...D...est fondée à soutenir que l'administration a méconnu les exigences du caractère contradictoire de l'enquête et que c'est par suite à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 27 janvier 2005 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement ainsi qu'à l'annulation de la décision en date du 25 juillet 2005 par laquelle le ministre chargé du travail a confirmé cette décision sur recours hiérarchique ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Mme C...D...au titre de ces dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0502674 en date du 9 juin 2009 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, la décision en date du 27 janvier 2005 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de Mme C...D...ainsi que la décision en date du 25 juillet 2005 par laquelle le ministre chargé du travail a confirmé cette décision sur recours hiérarchique, sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à Mme C...D...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 13VE00723