Vu l'arrêt, en date du 10 février 2011, par lequel la Cour administrative d'appel de céans, avant de statuer sur la requête de M. et Mme C...D..., enregistrée au greffe de la Cour sous le n° 09VE04155, tendant à l'annulation du jugement n° 0602744 du 23 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 450 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de l'arrêté en date du 27 décembre 1997 accordant un permis de construire à M. B..., outre les intérêts au taux légal à compter de la date de dépôt de leur demande d'indemnisation présentée au préfet des Yvelines le 25 décembre 2005, a ordonné avant dire droit une expertise ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 juin 2014 :
- le rapport de Mme Geffroy, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Agier-Cabanes, rapporteur public,
- et les observations de Me A...de la SCP Neveu, Sudaka et Associés pour M. et MmeD... ;
1. Considérant que, par arrêté en date du 27 décembre 1997, le préfet des Yvelines a, au nom de l'Etat, délivré à M. B...un permis de construire un pavillon à usage d'habitation individuelle sur une parcelle cadastrée AM n° 570, d'une superficie de 1000 m² ; que ce permis ne comportait pas de prescription ou de mention relative à l'état du sous-sol du terrain d'assiette ; que les époux D...ont acheté ce pavillon le 31 janvier 2000, au prix de 654 006 euros ; qu'ils l'ont revendu le 16 février 2005 au prix de 440 000 euros ; que, par jugement du 23 octobre 2009 dont M. et Mme D...relèvent appel, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 450 000 euros au titre des préjudices trouvant leur cause dans l'illégalité fautive dudit permis de construire tenant à l'absence de prise en compte des risques résultant de la présence d'anciennes carrières ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique " ; que M. et Mme D...soutiennent que la présence d'anciennes carrières souterraines dans le sous-sol de leur propriété aurait dû conduire le préfet à refuser le permis de construire la maison qu'ils ont acquise, ou du moins, à procéder au retrait de ce permis du 26 décembre 1997 ou à sa modification par des prescriptions spéciales ; qu'ils se réfèrent, à cet égard, à un avis de l'Inspection générale des carrières, émis le 7 avril 1998, soit moins de quatre mois après la délivrance du permis de construire du 27 décembre 1997 ; que cet avis indiquait que la propriété est située au-dessus d'une ancienne carrière souterraine en partie accessible de craie exploitée sur deux étages, dont toutes les limites ne sont pas exactement connues, et que la propriété en question pouvant être affectée par les désordres susceptibles d'être créés par cette ancienne exploitation, le permis de construire devait être refusé sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, tout autre projet devant, par ailleurs, être précédé du comblement total des vides sous la propriété et ses abords pour assurer la stabilité de la propriété ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise, qu'un risque patent existe de voir se reproduire de nouveaux fontis au droit de la galerie la plus proche de la construction alors que dans ce secteur le ciel de la galerie souterraine est à plus de 7 mètres de hauteur et le banc rocheux entre les deux étages de galerie ne varie que de 2 à 4 mètres, et comme le révèle la présence de flaches de l'ordre de 25 mètres de diamètre, la réalisation du risque pourrait entrainer des dommages sérieux à la construction pouvant aller jusqu'à son effondrement ; qu'il résulte ainsi de l'instruction, l'expertise demandée par la Cour confirmant en totalité l'avis précité du 7 avril 1998 de l'Inspection générale des carrières, que le permis de construire délivré est de nature à porter atteinte à la sécurité publique ; que par suite l'administration, qui n'est donc pas fondée à faire valoir que le préfet des Yvelines aurait pris la même décision si l'avis avait été connu avant la délivrance du permis de construire ou qu'aucune prescription spéciale n'était requise au regard du caractère hypothétique du risque pour la stabilité de l'ensemble de la propriété, devait soit demander l'avis préalable de l'inspection des carrières, soit retirer le permis de construire illégal, soit l'assortir de la prescription indiquée par l'avis précité du 7 avril 1998 de procéder au comblement préalable total des vides situés sous la propriété et ses abords ; qu'ainsi en s'abstenant de toute action, y compris d'ailleurs celle d'informer le pétitionnaire ou le maire de la commune de Bougival de l'avis émis, alors au demeurant que les travaux de construction n'ont pas été engagés avant l'année 1999, l'administration a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que, par suite, M. et Mme D...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, pour rejeter leur demande, le Tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur l'absence d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
4. Considérant qu'en l'absence de toute communication au pétitionnaire et donc aux requérants de l'avis du 7 avril 1998 de l'inspection générale des carrières, alors que la construction de ce pavillon était achevée depuis moins d'un an en application d'un permis de construire accordé récemment par l'État et dépourvu de toute prescription particulière, il ne résulte pas de l'instruction que l'information donnée, notamment par la commune de Bougival, à M. et Mme D... lors de l'acquisition de la propriété le 31 janvier 2000 tenant à l'existence d'une ancienne carrière de craie à proximité de l'immeuble bâti laquelle ne révèle pas de risque spécifique d'effondrement dans le secteur, aurait dû conduire les requérants à s'informer davantage de la gravité du risque auxquels ils s'exposaient ; que, par suite, M. et Mme D... n'ont pas commis de négligence de nature à exonérer l'Etat des conséquences dommageables de l'illégalité du permis de construire délivré le 27 décembre 1997 ; qu'il y a donc lieu de déclarer l'Etat entièrement responsable des préjudices subis du fait de l'illégalité sus analysée ;
Sur les préjudices :
5. Considérant, en premier lieu, que la plus value espérée par les requérants n'a jamais présenté, eu égard aux caractéristiques substantielles du bien en cause, telles qu'elles ont été révélées par l'avis de l'inspection générale des carrières et l'expertise, qu'un caractère purement hypothétique ; qu'il ne peut par suite être tenu compte pour apprécier les préjudices patrimoniaux qui ont résulté directement pour eux de l'illégalité fautive entachant le permis de construire qui avait déterminé leur achat que de la différence entre le prix qu'ils ont alors payé pour celui-ci et le prix auquel ils ont ensuite revendu le même bien ; qu'il ne résulte de l'instruction ni que le premier prix aurait excédé celui d'un bien qui n'aurait pas été affecté du risque ultérieurement révélé ni que le second, accepté par des acquéreurs acceptant un risque connu d'eux, aurait été abusivement minoré ; que sur ces bases, compte tenu des montants susindiqués et eu égard à l'évolution de l'indice général des prix entre la date d'achat et la date de revente, il y a lieu de condamner l'Etat à verser aux requérants la somme de 278 000 euros en réparation de leurs préjudices patrimoniaux ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que les requérants ont exposé des frais, en lien direct avec la faute commise, au titre de l'avis géotechnique préliminaire du 29 juin 2011, de prestations au cours de l'expertise d'un ingénieur géotechnicien et de mission de maîtrise d'oeuvre spécifique dans le cadre d'une phase projet de confortement de carrières ; qu'il y a lieu, par suite, de condamner l'État à rembourser les factures de la société CAP-SOL du 12 avril 2012 de 3 061,76 euros et de la société X.AM.SOL du 15 janvier 2013 de 7 295,60 euros ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'à partir de juillet 2004, les requérants ont subi des troubles dans leurs conditions d'existence dont il sera fait, compte tenu de la durée de cette situation, une juste appréciation en leur octroyant à ce titre la somme de 10 000 euros ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande et qu'il y a lieu de condamner l'Etat à leur verser la somme de 298 357,36 euros ;
9. Considérant, d'une part, que M. et MmeD..., ainsi qu'ils le demandent, ont droit aux intérêts de la somme de 288 000 euros qui leur est due à compter du 26 décembre 2005, date de réception par la préfecture des Yvelines de leur demande d'indemnisation ; que M. et Mme D... ayant demandé la capitalisation des intérêts par mémoire enregistré le 21 mars 2006, il y a lieu, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, de faire droit à cette demande à compter du 26 décembre 2006, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière, et à chaque échéance annuelle à compter de cette date ; que, d'autre part, M. et Mme D...ont droit aux intérêts de la somme de 3 061,76 euros à compter du 12 avril 2012 et de la somme de 7 295,60 euros à compter du 15 janvier 2013 ;
Sur les frais d'expertise :
10. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens. " ;
11. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 11 653,68 euros par ordonnance du président de la Cour administrative de céans le 13 mars 2014 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros à verser à M. et Mme D... au titre des frais exposés par eux, tant devant la Cour que devant le Tribunal administratif de Versailles, et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0602744 du 23 octobre 2009 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. et Mme D...une somme de 298 357,36 euros. La somme de 288 000 euros portera intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2005. Les intérêts sur la somme de 288 000 euros seront capitalisés à la date du 26 décembre 2006 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date pour produire
eux-mêmes intérêts. La somme de 3 061,76 euros portera intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2012 et la somme de 7 295,60 euros portera intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2013.
Article 3 : Les frais d'expertise de M. et Mme D...taxés et liquidés à 11 653,68 euros sont mis à la charge de l'Etat.
Article 4 : L'État versera à M. et Mme D..., une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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