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26/06/2014 | FRANCE | N°12VE02158

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 26 juin 2014, 12VE02158


Vu la requête, enregistrée le 8 juin 2012, présentée pour Mlle B...D...et M. A...C..., demeurant..., par Me Mandicas, avocat ;

Mlle D...et M. C...demandent à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0811843 en date du 10 avril 2012 en tant que le Tribunal administratif de Versailles a limité la condamnation de la commune de Lardy à leur verser la somme de 2 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'extension, sur une parcelle contiguë à leur propriété, de la cour de l'école communale ;

2° de condamner la commune de Lardy à leur verser les so

mmes de 37 500 euros en réparation du préjudice lié aux nuisances sonores, 65 000 e...

Vu la requête, enregistrée le 8 juin 2012, présentée pour Mlle B...D...et M. A...C..., demeurant..., par Me Mandicas, avocat ;

Mlle D...et M. C...demandent à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0811843 en date du 10 avril 2012 en tant que le Tribunal administratif de Versailles a limité la condamnation de la commune de Lardy à leur verser la somme de 2 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'extension, sur une parcelle contiguë à leur propriété, de la cour de l'école communale ;

2° de condamner la commune de Lardy à leur verser les sommes de 37 500 euros en réparation du préjudice lié aux nuisances sonores, 65 000 euros en réparation du préjudice lié aux troubles de jouissance et de conditions de vie et 40 000 euros au titre de la perte de valeur vénale de la propriété, augmentées des intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2008, et de leur capitalisation à chaque échéance anniversaire ;

3° de mettre à la charge de la commune de Lardy la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- la responsabilité sans faute de la commune pour dommages permanents de travaux publics doit être engagée en raison du préjudice lié aux nuisances sonores et aux jets de ballons engendrés par l'extension de la cour de l'école ;

- la responsabilité pour faute de la commune doit être engagée en raison du défaut d'exercice par le maire de son pouvoir de police, le maire n'ayant pas pris des mesures suffisantes pour remédier aux nuisances sonores qu'ils subissent ;

- la somme de 2 000 euros que leur ont accordée les premiers juges au titre des nuisances visuelles est insuffisante au regard de l'importance du préjudice subi, et que les montants qu'ils demandent en réparation de leurs préjudices sont justifiés ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le décret n° 95-408 du 18 avril 1995 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 2014 :

- le rapport de Mme Mégret, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Besson-Ledey, rapporteur public ;

1. Considérant que Mlle D...et M. C...sont propriétaires depuis 1994 d'une maison d'habitation sise au 11, rue des Écoles à Lardy ; que leur propriété est contiguë à l'école de la commune de Lardy ; qu'en 2002-2003, la commune a acquis un terrain qui jouxte leur propriété, sur lequel ont été réalisés des travaux d'extension de l'école ; que, se plaignant des nuisances occasionnées par la création d'une nouvelle cour de récréation, Mlle D... et M. C...ont saisi le Tribunal administratif de Versailles qui a ordonné une expertise laquelle a été déposée le 1er octobre 2007 ; que les requérants ont alors saisi le Tribunal administratif de Versailles d'une demande de condamnation de la commune de Lardy au versement d'une indemnité de 165 970,05 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'extension, sur une parcelle contiguë à leur propriété, de la cour de l'école communale ; que, par un jugement en date du 10 avril 2012, le tribunal a condamné ladite commune à leur verser la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice visuel ; que Mlle D...et M. C... relèvent régulièrement appel de ce jugement ; que la commune, par la voie de l'appel incident, demande l'annulation du jugement attaqué et le remboursement des sommes versées en exécution de celui-ci ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il résulte des motifs du jugement attaqué que le Tribunal administratif de Versailles a expressément répondu aux moyens développés par Mlle D... et M.C... ; que, par suite, Mlle D...et M. C... ne sont pas fondés à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité pour insuffisance de motifs ;

Sur la responsabilité pour dommages permanents de travaux publics :

3. Considérant que les personnes publiques sont responsables, même en l'absence de faute, des dommages anormaux et spéciaux causés aux tiers par un ouvrage public ou par des travaux publics ;

4. Considérant, en premier lieu, que Mlle D...et M. C...soutiennent que l'extension de l'école communale sur un terrain jouxtant leur propriété entraîne pour eux des nuisances sonores liées aux cris d'enfants pendant les récréations ; que s'il ressort du rapport d'expertise que cette extension a provoqué une augmentation des nuisances sonores au-delà des limites réglementaires fixées par le décret n° 95-408 du 18 avril 1995, puis par les articles R. 1334-31 et suivants du code de la santé publique, il précise cependant que ce critère ne constitue pas nécessairement le critère d'appréciation du trouble anormal d'autant plus que la réglementation sur le bruit rend de fait illégales bon nombre d'activités scolaires, sportives ou professionnelles ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction que la commune de Lardy, suite au rapport d'expertise précité, a pris des mesures afin de réduire les nuisances sonores constatées, en affectant le préfabriqué installé sur la parcelle litigieuse à une seule classe et en limitant la durée des récréations à quinze minutes et leur fréquence à deux par jour, réduisant ainsi les nuisances sonores à une durée totale de 30 minutes par jour ; qu'à la suite de ces mesures, les bruits diurnes issus de la nouvelle cour de récréation de l'école sont inhérents au fonctionnement d'une telle institution et n'excèdent pas, notamment par leur durée et leur répétition, les sujétions normales inhérentes au voisinage d'un tel ouvrage public ; que, par suite, le préjudice subi ne présente pas un caractère anormal et spécial de nature à ouvrir droit à réparation ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que la commune de Lardy a installé un pare-ballons d'une hauteur de cinq mètres afin de limiter les jets de balles depuis la cour d'école vers la propriété de Mlle D...et M.C... ; que dans ces conditions, ce risque, s'il n'est pas entièrement exclu, n'excède pas les inconvénients normaux de voisinage ; que, par suite, le préjudice qui en résulte ne revêt pas un caractère anormal et spécial de nature à ouvrir droit à réparation au profit des requérants ;

6. Considérant, en troisième lieu, que la commune de Lardy soutient que ne sont pas avérées les nuisances visuelles et d'aspect indemnisées par le tribunal administratif à raison d'un dommage anormal et spécial ; que, toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment des photographies produites par les requérants, que si leur habitation, située à 3 mètres 10 du terrain litigieux, est protégée par une haie installée par leurs soins, plusieurs véhicules de service stationnés dans la cour bitumée de l'école et un préfabriqué sont visibles depuis leur propriété ; que le préfabriqué a été installé au milieu du terrain et les véhicules des services techniques de la mairie circulent et stationnent le long de leur propriété, alors qu'avant la réalisation de l'opération d'aménagement, leur propriété donnait sur un terrain arboré ; que, dès lors, les nuisances visuelles supportées par les requérants excèdent celles que doivent normalement supporter les propriétaires d'un fonds privé ; que, dans ces conditions et dans les circonstances de l'espèce, ces nuisances d'aspect sont susceptibles d'ouvrir droit à réparation ainsi que l'a jugé le tribunal administratif ;

Sur la responsabilité pour faute du maire en raison du défaut d'exercice de son pouvoir de police :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, y compris les bruits de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique (...) " ; qu'il incombe au maire, en vertu de ces dispositions, de prendre les mesures appropriées pour empêcher, sur le territoire de sa commune, les bruits excessifs de nature à troubler le repos et la tranquillité des habitants ;

8. Considérant que, pour limiter les nuisances sonores résultant de l'extension de la cour de l'école communale contigüe à la parcelle de Mlle D...et M.C..., la commune de Lardy a pris des mesures en affectant le préfabriqué installé sur la parcelle litigieuse à une seule classe et en limitant la durée et la fréquence des récréations ; que si ces mesures n'ont pas mis fin aux nuisances, elles les ont réduites de manière significative ; que les troubles qui subsistent doivent être considérés comme inhérents au fonctionnement d'une école communale et ne sont pas constitutifs d'une faute dans l'exercice du pouvoir de police municipale de nature à engager la responsabilité de la commune ;

Sur les préjudices :

9. Considérant que si Mlle D...et M. C...demandent à être indemnisés de la perte de valeur vénale subie par leur propriété en raison des nuisances résultant de l'ouvrage public et soutiennent qu'il y a lieu d'appliquer une décote de 20 % à leur propriété, ils n'assortissent leur moyen d'aucun élément permettant d'en établir le bien-fondé alors que l'expert a estimé que la perte de valeur alléguée ne présente pas de caractère définitif ; que, par suite, le préjudice qui en résulte n'est pas certain, et ne peut donner lieu à indemnisation ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 8 que les requérants ne sont fondés qu'à demander réparation des troubles dans leurs conditions d'existence résultant des nuisances visuelles ; que, compte tenu des nuisances visuelles subies, les premiers juges ont fait une juste appréciation en fixant le montant du préjudice subi à la somme de 2 000 euros ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui vient d'être dit que,

Mlle D...et M.C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a limité le montant de l'indemnité due à la somme de

2 000 euros ; que la commune de Lardy, n'est pas davantage fondée à demander l'annulation du jugement contesté, par la voie de l'appel incident ;

Sur les dépens :

12. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. L'Etat peut être condamné aux dépens. " ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'il y avait lieu de mettre les frais d'expertise taxés et liquidés par ordonnance du 9 novembre 2007 du Tribunal administratif de Versailles à la somme de 3 470,05 euros à la charge définitive de la commune de Lardy ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mlle D...et M. C...la somme que la commune de Lardy demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par Mlle D...et M. C...soient mises à la charge de la commune de Lardy, qui n'est pas la partie perdante, dans la présente instance ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mlle D...et M. C...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions incidentes de la commune de Lardy et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE02158
Date de la décision : 26/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Police - Police générale - Tranquillité publique.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages survenus sur les aérodromes - dans les ports - sur les canaux et dans les voies navigables.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: Mme Sylvie MEGRET
Rapporteur public ?: Mme BESSON-LEDEY
Avocat(s) : CAYLAR-DESTREM

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2014-06-26;12ve02158 ?
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