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05/06/2014 | FRANCE | N°12VE02877

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 05 juin 2014, 12VE02877


Vu la requête, enregistrée le 31 juillet 2012, présentée pour la SARL BON, dont le siège est 5 rue Emile Zola à Bezons (95870), représentée par son gérant, par Me Chabrun, avocat ;

La SARL BON demande à la Cour :

1° de réformer le jugement n° 1102478 en date du 29 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a limité à la somme de 6 932 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le département du Val-d'Oise en réparation des préjudices qu'elle a subis en raison de la construction de la ligne de tramway T2 aux abords de son rest

aurant ;

2° de porter à la somme de 453 136 euros le montant total de l'indem...

Vu la requête, enregistrée le 31 juillet 2012, présentée pour la SARL BON, dont le siège est 5 rue Emile Zola à Bezons (95870), représentée par son gérant, par Me Chabrun, avocat ;

La SARL BON demande à la Cour :

1° de réformer le jugement n° 1102478 en date du 29 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a limité à la somme de 6 932 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le département du Val-d'Oise en réparation des préjudices qu'elle a subis en raison de la construction de la ligne de tramway T2 aux abords de son restaurant ;

2° de porter à la somme de 453 136 euros le montant total de l'indemnité due au titre de ses préjudices avec intérêts au taux légal sur cette somme et capitalisation desdits intérêts ;

3° de mettre à la charge du département du Val-d'Oise la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la suppression de l'accès à son restaurant pour y créer un poste de redressement a eu pour conséquence des difficultés d'approvisionnement et une baisse de fréquentation par la clientèle ;

- la clientèle a été asséchée par les difficultés d'accès au restaurant liées aux travaux alentours, par l'accomplissement de travaux à proximité immédiate de la salle de restaurant, par l'absence de signalisation adéquate du restaurant et par la diminution de la capacité du parking ;

- à aucun moment le département n'a mis en oeuvre les mesures propres à limiter le préjudice commercial qu'elle a subi pour le ramener à des sujétions normales pour un riverain d'une voie publique et cela en dépit des nombreuses démarches faites en ce sens ;

- elle a, compte tenu de la baisse de rentabilité de l'établissement, en décembre 2011, perdu le contrat de franchise qui l'unissait à la société Crocodile Restauration ; il s'agit d'un préjudice réel et certain eu égard à la difficulté et à la charge commerciale que constitue pour un petit restaurant la promotion commerciale d'un nouveau nom et sans le soutien logistique du franchiseur ;

- le nouvel accès situé à proximité de la rue Marcel Langlois, plus éloigné que l'accès à l'origine proposé constitue un allongement de parcours et est, de surcroît un

non-sens commercial, puisqu'est imposé un accès par le parking à l'arrière du restaurant à proximité de la sortie, empêchant de séduire une clientèle de passage ; il est également dangereux ;

- ainsi, la modification de l'accès à son restaurant, le retard considérable pris dans la création d'une seconde voie en dépit du blocage de l'accès initial et l'ouverture d'une entrée incommode et non signalée dans une zone en travaux continuels et intensifs ont été à l'origine d'un préjudice anormal et spécial ;

- s'agissant du préjudice subi : au cours de l'année 2007, elle avait réalisé un résultat avant impôt de 51 003 euros ; il y a donc lieu de prendre une somme de 50 000 euros comme référence afin d'évaluer ses préjudices ; il en résulte qu'au cours des années 2008, 2009, 2010 et 2011, ses préjudices s'élèvent à 203 316 euros ; un restaurant situé à Massy à enseigne Crocodile ayant vu son chiffre d'affaires augmenter sur cette période, cela démontre que la crise économique n'est pas à l'origine de la baisse de son chiffre d'affaires ;

- elle a également subi une dépréciation de l'ordre de 10 % de la valeur de son fonds de commerce qui doit être évaluée à 150 000 euros ; cette perte est définitive, le nouvel accès créé donnant sur l'arrière du parking étant de nature à détourner la clientèle de passage ;

- le préjudice qui résulte de la rupture de son contrat de franchise avec la société Crocodile Restauration doit quant à lui être évalué à la somme de 100 000 euros ; n'ayant pas trouvé un nouveau franchiseur compatible avec son ambiance de chemin de fer elle a été contrainte de créer de toutes pièces sa propre enseigne, " les wagons restaurants " qu'elle a mis en place en toute hâte à compter du 1er février 2012 et dont elle doit encore assurer la promotion commerciale ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 2014 :

- le rapport de Mme Ribeiro-Mengoli, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Agier-Cabanes, rapporteur public,

- et les observations de Me Chabrun, pour la SARL BON ;

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que dans le cadre des travaux de prolongation de la ligne de tramway T2 devant relier La Défense au pont de Bezons, des travaux d'aménagement de la rue Emile Zola (route départementale 308) ont été entrepris sous maîtrise d'ouvrage du département du Val-d'Oise entre janvier 2010 et mars 2011 ; que la SARL BON, dont le restaurant, qu'elle exploitait à cette époque sous l'enseigne " Crocodile ", était situé au n° 5 de cette voie, recherche la responsabilité sans faute du département du Val-d'Oise à raison du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait, d'une part, de la modification des conditions d'accès à son restaurant, d'autre part, de la gêne occasionnée par les travaux publics réalisés à proximité de son restaurant et, enfin, de la perte de son contrat de franchise ; que saisi d'une demande de la SARL BON tendant à voir condamner le département du Val-d'Oise à lui verser les sommes de 150 000 euros au titre des préjudices subis du fait de la suppression de l'accès principal à son restaurant, de 203 136 euros au titre du préjudice subi du fait des troubles liés aux travaux publics entrepris et aux modifications d'accès aux ouvrages publics de la voirie et de 100 000 euros au titre du préjudice lié au non-renouvellement du contrat de franchise la liant à la société Crocodile Restauration, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, par un jugement en date du 29 mai 2012 dont la SARL BON relève appel, condamné le département du

Val-d'Oise, à lui verser la somme de 6 932 euros au titre du préjudice commercial subi en raison des difficultés d'accès à son restaurant ; que par la voie de l'appel incident, le département du Val-d'Oise demande l'annulation de ce jugement en ce qu'il l'a condamné à verser ladite somme à la SARL BON ;

Sur bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, que l'accès principal au restaurant " le Crocodile " par la rue Emile Zola a été définitivement supprimé à la fin du mois de juillet 2010 à la suite de l'implantation au droit de cette entrée d'un poste de redressement nécessaire au fonctionnement du futur tramway ; que, toutefois, le restaurant de la SARL BON a conservé un autre accès par la rue Marcel Langlois, débouchant sur la rue Emile Zola, à quelques mètres de l'ancien accès, que le département du Val-d'Oise a aménagé lors de travaux qu'il a réalisés à compter du

26 juillet 2010 dans des conditions permettant aux clients et aux fournisseurs du restaurant d'y accéder aisément et dans des conditions équivalentes en venant de la rue Emile Zola ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que la circonstance que cet accès ne débouche pas sur l'entrée du restaurant mais sur le parc de stationnement situé à l'arrière serait de nature à rendre celui-ci moins attractif pour sa clientèle ; que la dangerosité de cet accès n'est pas plus établie ; qu'il ne résulte ainsi pas de l'instruction que la suppression de l'accès au fonds de commerce de la SARL BON par la rue Emile Zola en aurait diminué la valeur ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il appartient au riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers d'établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués et, d'autre part, le caractère anormal et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter sans contrepartie les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général ;

4. Considérant, d'une part, que si les travaux de construction du tramway qui ont débuté à l'été 2008 au droit du pont de Bezons, dans un secteur proche du restaurant de la société requérante, et se sont poursuivis, à compter de janvier 2010 sur la rue Emile Zola, ont pu engendrer des difficultés de circulation, il résulte également de l'instruction qu'une opération de rénovation urbaine a concomitamment été entreprise par la commune de Bezons dans ce secteur ; qu'il n'est pas établi que la SARL BON, dont le chiffre d'affaires avait déjà baissé de 5 % entre le 31 décembre 2006 et le 31 décembre 2007, avant le début des travaux litigieux, et dont l'accès à son restaurant n'a pas été modifié entre l'été 2008 et le début de l'année 2010, aurait subi, sur cette période, un préjudice dépassant les sujétions normales imposées aux riverains des voies publiques dans un but d'intérêt général ;

5. Considérant d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que les travaux entrepris de mars 2010 à août 2010 au droit de l'entrée du restaurant de la SARL BON ayant gêné et restreint l'accès à son établissement par cette entrée du fait de la présence d'engins de chantier et ayant occasionné diverses gênes, notamment l'occupation de son parking, ont consisté en des travaux de réalisation d'un poste de redressement pour la RATP dont le département n'était pas le maître d'ouvrage et en des travaux menés par la Sequano Aménagement dans le cadre de la rénovation urbaine du secteur menée par la commune de Bezons ; que, dans ces conditions, la SARL BON n'est pas fondée à rechercher la responsabilité du département du Val-d'Oise en raison des préjudices que lui auraient occasionné ces travaux ;

6. Considérant, enfin, que si des travaux d'aménagement de la rue Emile Zola ont été entrepris sous maîtrise d'ouvrage du département du Val-d'Oise entre janvier 2010 et mars 2011, les travaux réalisés à proximité immédiate du restaurant pour l'aménagement de la partie ouest de la voie n'ont débuté que le 26 juillet 2010 pour une période de trois mois ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les travaux entrepris avant le mois de juillet 2010 sur cette voie et alors que, ainsi qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5, des travaux ont été parallèlement entrepris au droit de l'entrée du restaurant pour le compte d'autres personnes publiques, auraient excédé les inconvénients normaux que doivent supporter les riverains des voies publiques dans un but d'intérêt général ; qu'il résulte en revanche de l'instruction qu'à l'occasion des travaux entrepris à compter du 26 juillet 2010 l'accès principal au restaurant de la SARL BON a été supprimé sous la responsabilité du département du Val-d'Oise qui a entrepris parallèlement d'aménager l'accès à l'établissement de la SARL BON se trouvant rue Langlois ; qu'il résulte de l'instruction que, comme l'ont retenu les premiers juges, la clientèle et les fournisseurs du restaurant ont été confrontés à d'importantes difficultés d'accès dans l'attente d'une signalisation satisfaisante des nouveaux accès au restaurant, laquelle n'a été mise en place qu'à compter du

6 septembre 2010 et dont la responsabilité incombait au département, maître d'ouvrage des travaux réalisés sur la route départementale 308 et sous la responsabilité duquel l'accès principal au restaurant a été supprimé ; que la gêne ainsi subie par la SARL BON dans l'exploitation de son restaurant pendant une période d'un mois et demi, a présenté, comme l'ont retenu à... ; que, comme l'ont également retenu à... ; que, par suite, l'appel incident du département du Val-d'Oise ne peut qu'être rejeté ;

7. Considérant, en dernier lieu, que si la lettre en date du 17 octobre 2011 par laquelle le propriétaire de l'enseigne " Crocodile " a informé la SARL BON que son contrat de franchise ne serait pas renouvelé à compter du 31 décembre 2011, relève que la réalisation de travaux dans son secteur ne lui permettra pas de redresser son chiffre d'affaires, elle justifie principalement la décision de ne pas renouveler le contrat à son terme par la circonstance que la SARL BON " est concernée par une opération d'expropriation à plus ou moins long terme et ne bénéficie d'aucune perspective d'avenir " ; que, dans ces conditions, le lien de cause à effet entre la décision litigieuse et les travaux entrepris par le département du Val-d'Oise n'est pas établi ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL BON n'est pas fondée à demander la réformation du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ayant condamné le département du Val-d'Oise à lui verser la somme de 6 932 euros au titre du préjudice qu'elle a subi à l'occasion de la réalisation du tramway devant relier La Défense au pont de Bezons ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du département du Val-d'Oise, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL BON demande au titre des frais qu'elle a exposés non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas davantage lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces mêmes dispositions par le département du Val-d'Oise ;

DECIDE

Article 1er : La requête de la SARL BON est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le département du Val-d'Oise sont rejetées.

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N° 12VE02877 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE02877
Date de la décision : 05/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-04 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages créés par l'exécution des travaux publics.


Composition du Tribunal
Président : M. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Nathalie RIBEIRO-MENGOLI
Rapporteur public ?: Mme AGIER-CABANES
Avocat(s) : SCP LACOURTE RAQUIN TATAR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2014-06-05;12ve02877 ?
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