Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2011, présentée pour la SAS RENAULT TRUCKS, dont le siège social est 99, route de Lyon à Saint-Priest (69806), par Me Bera, avocat ; la SAS RENAULT TRUCKS demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 0911312 du 3 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à obtenir le rétablissement à hauteur de 443 001 euros de son résultat déficitaire constaté au titre de l'exercice clos en 2004 ;
2° d'ordonner le rétablissement à hauteur de 443 001 euros de son résultat déficitaire constaté au titre de l'exercice clos en 2004 ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- l'article 216 du code général des impôts n'est conforme ni aux termes ni à l'esprit de la directive du 23 juillet 1990 ; il transforme les 5 % initialement prévus comme un plafond en un montant réintégrable ; il conduit à utiliser les charges de la société comme plafond après avoir abusivement détourné l'objet de la directive ;
- l'article 216 du code général des impôts conduit à une double imposition des holdings mixtes et détourne ainsi l'objectif poursuivi par la directive ; les dividendes sont doublement imposés à hauteur de la différence entre les frais réellement engagés pour la gestion des participations et le montant forfaitaire de 5 % ;
- cet article est par ailleurs contraire à l'article 39 du code général des impôts ;
- les dispositions en litige créent une discrimination entre les holdings mixtes et les holdings pures ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive n° 90/435/CEE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 99-424 DC du 29 décembre 1999 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mai 2014 :
- le rapport de Mlle Rudeaux, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Delage, rapporteur public ;
1. Considérant que la société RENAULT TRUCKS, qui exerce une activité de construction et de commercialisation de véhicules industriels, était constituée sous forme de société anonyme jusqu'au 25 janvier 2005 ; qu'étant ensuite devenue la SAS RENAULT TRUCKS, elle a opté au titre de l'exercice clos en 2004 pour le régime fiscal des sociétés mères prévu aux articles 145 et 216 du code général des impôts ; qu'elle a retranché de son résultat fiscal les dividendes versés par ses filiales dont certaines sont établies en France, au Portugal et au Maroc, après défalcation d'une quote-part de frais et charges limitée au seul montant des charges d'exploitation liées à la gestion des participations éligibles à ce régime ; que, toutefois, à l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration a estimé que la quote-part pour frais et charges devait être fixée à 5 % des distributions augmentées des avoirs fiscaux et crédits d'impôt, la quote-part ainsi déterminée n'excédant pas le montant total des frais et charges de toute nature exposés par la requérante ; qu'en conséquence, elle a rapporté aux résultats de l'intéressée la différence entre ces montants et les sommes que cette dernière avait spontanément défalquées, et a rectifié son résultat déficitaire constaté au titre de cet exercice ; que la SAS RENAULT TRUCKS relève appel du jugement du 3 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à obtenir le rétablissement de son déficit ;
Sur le bien-fondé des impositions :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la directive n° 90/435/CEE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents : " 1. Lorsqu'une société mère ou son établissement stable perçoit, au titre de l'association entre la société mère et sa filiale, des bénéfices distribués autrement qu'à l'occasion de la liquidation de cette dernière, l'Etat de la société mère et l'Etat de son établissement stable : / -soit s'abstiennent d'imposer ces bénéfices, / -soit les imposent tout en autorisant la société mère et l'établissement stable à déduire du montant de leur impôt la fraction de l'impôt sur les sociétés afférente à ces bénéfices et acquittée par la filiale et toute sous-filiale (...) / 2. Toutefois, tout Etat membre garde la faculté de prévoir que des charges se rapportant à la participation et des moins-values résultant de la distribution des bénéfices de la société filiale ne sont pas déductibles du bénéfice imposable de la société mère. Si, dans ce cas, les frais de gestion se rapportant à la participation sont fixés forfaitairement, le montant forfaitaire ne peut excéder 5% des bénéfices distribués par la société filiale " et qu'aux termes de l'article 216 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges. / La quote-part de frais et charges visée au premier alinéa est fixée uniformément à 5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris. Cette quote-part ne peut toutefois excéder, pour chaque période d'imposition, le montant total des frais et charges de toute nature exposés par la société participante au cours de la même période. " ;
En ce qui concerne la conformité à la directive du 23 juillet 1990 :
3. Considérant que les dispositions précitées de l'article 4 de la directive susvisée du 23 juillet 1990 autorisent les Etats membres à fixer les charges non déductibles de manière forfaitaire, sous réserve que leur montant n'excède pas 5 % des bénéfices distribués par la filiale ; qu'elles n'interdisent pas que le montant de cette quote-part soit lui-même plafonné au montant des frais et charges de toute nature exposés par la société participante, afin que celle-ci ne dégage pas un résultat imposable du seul fait de la réintégration de la quote-part forfaitaire de frais et charges ; que, par suite, la SAS RENAULT TRUCKS n'est pas fondée à soutenir que ces dispositions imposent aux Etats membres de limiter les charges non déductibles du résultat imposable aux seules charges exposées pour la gestion des participations détenues par la société mère dans sa filiale ; qu'il suit de là que les moyens tirés de la violation par l'article 216 du code général des impôts des dispositions de la directive précitée, des objectifs qu'elle poursuit et du principe de neutralité qu'elle prévoit ne peuvent qu'être écartés ;
En ce qui concerne le moyen tiré d'une double imposition :
4. Considérant que la SAS RENAULT TRUCKS soutient que les dispositions de l'article 216 du code général des impôts conduisent à une double imposition des dividendes à hauteur de la différence entre les frais réellement engagés pour la gestion des participations et le montant forfaitaire de 5 % ; que, toutefois, par une décision n° 99-424 DC du 29 décembre 1999, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions de l'article 216 du code général des impôts ne méconnaissaient pas le principe d'égalité des sociétés mères au détriment des sociétés mères détentrices de participations dans des sociétés françaises et en faveur de celles qui détiennent des participations dans des sociétés de droit étranger ne disposant pas d'un système équivalent à l'avoir fiscal ; que dans une instance enregistrée sous le n° 347113, le Conseil d'Etat a, par décision du 26 juillet 2011, refusé de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité par laquelle la société RENAULT TRUCKS affirmait que les dispositions de l'article 216 du code général des impôts seraient plus avantageuses pour les sociétés holding de pure détention que pour les sociétés holdings mixtes, le Conseil d'Etat ayant fait valoir que ces dispositions tendent au contraire à prévenir le risque de double imposition des dividendes provenant des filiales d'une société mère ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions institueraient une double imposition ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne le moyen tiré d'une discrimination :
5. Considérant que le plafonnement de la quote-part de 5 % au montant des frais et charges de toute nature prévu par les dispositions précitées de l'article 216 du code général des impôts permet d'éviter qu'une société mère ne dégage un résultat imposable du seul fait de la réintégration de la quote-part forfaitaire de frais et charges de 5 % ; que ces dispositions n'introduisent ainsi aucune discrimination quant aux modalités d'imposition des produits reçus de ses filiales par une société mère, que son activité consiste uniquement en la gestion de participations, qu'elle exerce une activité propre ou qu'elle n'exerce aucune activité de gestion de participations ;
En ce qui concerne l'articulation avec l'article 39 du code général des impôts :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice est établi sous déduction de toutes charges " ; que les dispositions précitées de l'article 216 du code général des impôts énoncent les modalités d'imposition des produits de filiales établies dans d'autres Etats membres de l'Union européenne perçus par une société mère établie en France ; qu'elles revêtent un caractère spécial par rapport aux dispositions générales de l'article 39 du code précité ; que ces dernières dispositions reçoivent dès lors application sous réserve de celles de l'article 216 du code général des impôts ; que, par suite, le moyen ne peut qu'être écarté ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS RENAULT TRUCKS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la SAS RENAULT TRUCKS et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS RENAULT TRUCKS est rejetée.
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N° 11VE01497