Vu la requête, enregistrée le 28 mars 2013, présentée pour la société ALTEAGROUP REAL ESTATE SARL dont le siège social se situe 20 avenue Mac Mahon à Paris (75017) par Me Assous, avocat ; la société ALTEAGROUP REAL ESTATE SARL demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n°1108217 du 24 janvier 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice né pour elle des circonstances dans lesquelles le maire de la commune d'Aubervilliers a finalement renoncé à exercer son droit de préemption concernant un ensemble immobilier situé 65-67, rue des Cités à Aubervilliers ;
2° d'annuler la décision implicite par laquelle la commune d'Aubervilliers a refusé de faire droit à sa demande indemnitaire en date du 18 mai 2011 ;
3° de condamner la commune d'Aubervilliers à lui verser la somme de 121 992 euros assortie des intérêts au taux légal en réparation de ce préjudice ;
4° de mettre à la charge de la commune la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
-une décision de préemption illégale est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de son auteur ; qu'en considérant que la responsabilité de la commune d'Aubervilliers n'était pas engagée du fait de l'illégalité de la décision de préemption en date du 8 septembre 2010, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ;
-le tribunal administratif a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que le détournement de pouvoir n'était pas établi ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'expropriation ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mars 2014 :
- le rapport de Mme Lepetit-Collin, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Delage, rapporteur public ;
- et les observations de Me Assous pour la société ALTEAGROUP REAL ESTATE SARL ;
1. Considérant que, le 7 juillet 2010, la société Rynda En Primeur, propriétaire d'un bien immobilier situé 65-67 rue des cités à Aubervilliers, a signé une promesse unilatérale de vente concernant ce bien pour un montant de 3 400 000 euros, une commission d'agence de 121 992 euros devant être versée en sus par les acquéreurs à la société ALTEA GROUP REAL ESTATE SARL, en sa qualité de mandataire du vendeur ; qu'elle a ainsi, le 12 juillet 2010, adressé une déclaration d'intention d'aliéner à la commune d'Aubervilliers ; que le 8 septembre 2010, le maire de la commune a décidé d'exercer le droit de préemption urbain pour un prix de 3 000 000 d'euros augmenté de la commission d'agence sus évoquée ; que le vendeur n'a pas donné suite à cette offre ; que le 17 décembre 2010, la société Rynda En Primeur a adressé à la commune une nouvelle déclaration d'intention d'aliéner le bien dont il s'agit à un nouvel acquéreur, la société Salamandre, au prix de 3 400 000 euros ; que la commune n'a pas exercé son droit de préemption; que la société ALTEA GROUP REAL ESTATE SARL a alors saisi la commune d'une réclamation tendant à l'indemnisation du préjudice, né pour elle de la perte de la commission d'intermédiaire qu'elle aurait perçue si la première vente avait abouti ; qu'elle a ensuite saisi le Tribunal administratif de Montreuil de cette même demande qui, par jugement en date du 24 janvier 2013 dont la requérante relève appel, a rejeté sa demande indemnitaire ;
Sur la faute de la commune :
2. Considérant que la société ALTEAGROUP REAL ESTATE SARL se prévaut de l'illégalité fautive de l'arrêté en date du 8 septembre 2010 annulé pour défaut de motivation par jugement du Tribunal administratif de Montreuil en date du 26 octobre 2011 ainsi que par l'arrêt de la cour administrative d'appel de céans en date du 17 octobre 2013 qui a confirmé ce jugement tout en relevant également l'existence d'un vice de légalité interne affectant l'acte tenant à l'absence de projet en méconnaissance des exigences des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme ;
3. Considérant que la société requérante soutient que le comportement de la commune d'Aubervilliers décidant puis renonçant à la préemption du bien aurait eu, en réalité, pour objet de permettre l'acquisition du bien litigieux par la Société Salamandre, étroitement liée à la société Sirius, elle-même liée juridiquement et économiquement à la commune d'Aubervilliers pour avoir déjà réalisé, pour son compte, la cité artisanale Cristino Garcia et avec laquelle la société d'économie mixte Plaine Commune Développement, dont le capital est partiellement détenu par la commune d'Aubervilliers, a également déjà contracté ; qu'à l'appui de ses allégations, la société produit les extraits du Kbis des sociétés Sirius et Salamandre desquels il résulte que les deux sociétés disposent d'un seul et même président ; qu'elle produit également un courrier en date du 18 novembre 2010, rédigé avant que la seconde déclaration d'intention d'aliéner n'intervienne le 17 décembre 2010, rédigé par ses soins et adressé au maire de la commune dans lequel elle explique avoir été informée par la société Rynda En Primeur de ce que la commune serait venue vers elle pour lui suggérer de vendre le bien dont il s'agit à un tiers désigné par elle avec la garantie, pour le vendeur, de l'absence d'exercice de son droit de préemption par la commune ; que le motif invoqué en défense par la commune d'Aubervilliers pour justifier la renonciation à l'exercice de son droit de préemption à l'occasion de la seconde déclaration d'intention d'aliéner et tiré notamment de ce que, dans le très bref intervalle de temps séparant les deux déclarations d'intention d'aliéner, la commune aurait entrepris la construction d'un groupe scolaire rendant impossible la réalisation du premier projet immobilier, ne contredit pas sérieusement les allégations de la requérante ; que, dès lors, dans ces circonstances, la requérante est fondée à soutenir que la décision du 8 septembre 2010 était illégale car entachée de détournement de procédure ; que cette illégalité fautive est de nature à engager la responsabilité de la commune d'Aubervilliers à l'égard de la société requérante ;
Sur le lien de causalité et le préjudice :
4. Considérant qu'à l'issue d'une procédure de préemption qui n'a pas abouti, le propriétaire du bien en cause peut, si la décision de préemption n'était pas légalement justifiée, obtenir réparation du préjudice que lui a causé de façon directe et certaine cette illégalité ; qu'il en va de même du négociateur chargé de la vente qui devait recevoir une commission incluse dans le prix figurant dans la promesse de vente initiale ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que rien ne permet de présumer que les premiers acquéreurs du bien litigieux, qui ont par ailleurs demandé et obtenu l'annulation de l'arrêté du 8 septembre 2010, auraient renoncé au bénéfice de la promesse de vente signée le 7 juillet 2010 qui ne comportait au demeurant aucune condition suspensive susceptible de faire vraisemblablement échec à cette vente ; que c'est uniquement du fait de l'exercice par le maire d'Aubervilliers du droit de préemption de la commune que la société Rynda En Primeur a été empêchée de vendre son bien audits acquéreurs ; qu'ainsi, la requérante est fondée à soutenir que l'exercice illégal du droit de préemption est la cause directe de l'échec de cette vente et de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de percevoir la commission prévue par son contrat d'intermédiaire ; que, dès lors, la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a refusé de faire droit à sa demande tendant à la condamnation de la commune d' Aubervilliers de l'indemniser du préjudice subi du fait de l'illégalité de la décision du 8 septembre 2010 ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société ALTEAGROUP REAL ESTATE SARL est en droit de demander la condamnation de la commune d'Aubervilliers à lui verser la somme de 121 992 euros représentant le montant de la commission prévue par la promesse de vente signée le 7 juillet 2010 au titre du préjudice résultant pour elle de l'intervention de la décision de préemption illégale ;
7. Considérant que la société ALTEAGROUP REAL ESTATE SARL a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 121 992 euros à compter du 20 avril 2011, date de réception, par la commune d'Aubervilliers, de sa demande préalable d'indemnisation ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Aubervilliers le versement à la société ALTEAGROUP REAL ESTATE SARL d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société ALTEAGROUP REAL ESTATE SARL, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la commune d'Aubervilliers de la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1108214 en date du 24 janvier 2013 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : La commune d'Aubervilliers versera à la société ALTEAGROUP REAL ESTATE SARL une somme de 121 992 euros qui portera intérêt au taux légal à compter du 20 avril 2011.
Article 3 : La commune d'Aubervilliers versera à la société ALTEAGROUP REAL ESTATE SARL une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune d'Aubervilliers présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N°13VE00956