Vu la décision n°345174 du 3 juin 2013, enregistrée le 10 juin 2013 sous le n°13VE01699, par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, d'une part, annulé l'arrêt n°08VE02574-08VE02633 du 10 octobre 2010 de la Cour administrative d'appel de Versailles ayant rejeté les requêtes de la COMMUNE DE NOISY-LE-GRAND et du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OURE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES dirigées contre un jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 29 mai 2008 et, d'autre part, renvoyé les affaires devant la Cour ;
Vu I° la requête, enregistrée le 5 août 2008 sous le n° 08VE02574, présentée pour la COMMUNE DE NOISY-LE-GRAND, représentée par son maire, par Me Sagalovitch, avocat ; la COMMUNE DE NOISY-LE-GRAND demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 0511404 en date du 29 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, à la demande de la société Office français Inter-Entreprises (Ofie), a annulé l'arrêté préfectoral du 21 octobre 2005 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré d'utilité publique, au profit de la COMMUNE DE NOISY-LE-GRAND, l'acquisition des parcelles nécessaires à la création d'une liaison piétonne et automobile entre la zone d'aménagement concerté du Clos-Saint-Vincent et la rue Pierre Brossolette ;
2° de rejeter la demande d'annulation de cet arrêté présentée par l'Ofie ;
3° de mettre à la charge de cette société le versement d'une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu II° le recours, enregistré le 8 août 2008 sous le n° 08VE02633, présentée pour le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 0511404 en date du 29 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé, à la demande de la société Ofie, l'arrêté préfectoral du 21 octobre 2005 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré d'utilité publique, au profit de la COMMUNE DE NOISY-LE-GRAND, l'acquisition des parcelles nécessaires à la création d'une liaison piétonne et automobile entre la zone d'aménagement concerté du Clos-Saint-Vincent et la rue Pierre Brossolette ;
2° de rejeter la demande d'annulation de cet arrêté présentée par la société Ofie ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 février 2014 :
- le rapport de M. Luben, président-assesseur,
- les conclusions de M. Delage, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour la COMMUNE DE NOISY-LE- GRAND ;
Et connaissance prise des notes en délibéré présentées les 3 et 5 mars 2014 pour la COMMUNE DE NOISY-LE- GRAND ;
1. Considérant que les requêtes susvisées de la COMMUNE DE NOISY-LE-GRAND et du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES présentent à juger la même question ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que, par un arrêté en date du 26 avril 2005, le préfet de la
Seine-Saint-Denis a prescrit l'ouverture d'une enquête publique et parcellaire en vue de l'acquisition des parcelles nécessaires à la création, sur le territoire de la COMMUNE DE NOISY-LE- GRAND, d'une liaison piétonne et automobile entre la zone d'aménagement concerté dénommée " du Clos Saint Vincent " et la rue Pierre Brossolette ; que l'enquête publique s'est déroulée du 7 juin 2005 au 26 juin 2005 ; que le commissaire enquêteur a rendu son rapport avec avis favorable le 5 juillet 2005 ; que, par un arrêté en date du 21 octobre 2005, le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré d'utilité publique l'acquisition desdites parcelles au nombre desquelles figurait la parcelle cadastrée AD 208 située au 164 de la rue Pierre Brossolette, appartenant à la société Ofie, et sur laquelle est édifiée un immeuble de un étage à usage de commerce ; que, par les requêtes susvisées, le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES et la COMMUNE DE NOISY-LE-GRAND relèvent appel du jugement en date du 29 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, saisi par la société Ofie d'une demande d'annulation de l'arrêté précité du 21 octobre 2005, a fait droit à cette demande ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Un avis au public faisant connaitre l'ouverture de l'enquête est, par les soins du préfet, publié en caractères apparents huit jours au moins avant le début de l'enquête et rappelé dans les huit premiers jours de celle-ci dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans tout le département ou tous les départements intéressés (...) " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'avis d'enquête a été publié in extenso dans le journal les Affiches parisiennes et départementales des 21, 22 et 23 mai 2005, cette publication ayant été renouvelée dans l'édition des 9 et 10 juin 2005 du même journal ; que, le 4 juin 2005, un avis d'information précisant l'objet de l'opération, les dates pendant lesquelles se dérouleront les enquêtes d'utilité publique et parcellaire, celles auxquelles le commissaire enquêteur recevra le public, les jours et heures d'ouverture de la direction de l'urbanisme et de l'aménagement et les conditions dans lesquelles un registre sera mis à la disposition du public a été en outre publié dans le magazine municipal gratuit " Noisy-Magazine " ;
5. Considérant que, par le mode de publication ainsi décrit, les dispositions précitées de l'article R. 11-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ont été méconnues en ce que le magazine " Noisy-Magazine " n'est pas un journal régional ou local diffusé dans tout le département et que la publication, qui n'a pas été faite par les soins du préfet, est intervenue moins de huit jours avant le début de l'enquête ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que le magazine " Noisy-Magazine ", publié sous forme électronique et donc accessible en tout point du département, est également distribué, dans sa version papier, dans les boîtes à lettres de chacun des résidents de la commune ; que l'objet consistant à faire parvenir aux habitants de la commune les informations pratiques et administratives nécessaires à la participation à l'enquête publique pouvait donc être pleinement atteint par l'utilisation d'un tel organe, sans qu'importe le fait qu'il soit gratuit et ne soit pas une publication indépendante de la municipalité ; que le commissaire enquêteur, dans son rapport du 5 juillet 2005, indique que s'il n'a pas eu de visite lors de ses permanences des 7 juin, 16 juin et 24 juin, hormis celles du gérant de la société Ofie et du président de l'association " Mieux vivre aux Richardets ", douze observations ont néanmoins été portées sur le registre d'enquête publique ainsi qu'une lettre remise par le gérant de la société Ofie ; qu'eu égard aux dimensions modestes du projet, qui consiste en l'expropriation d'une seule maison de 60 m² sur une parcelle de 35 m², cette participation répond à celle qu'un tel projet aurait normalement suscité dans l'hypothèse d'une exacte application des dispositions susrappelées de l'article R. 11-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; que, par suite, la méconnaissance de ces dispositions n'a pas eu pour effet, dans les circonstances de l'espèce, de nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération et n'a pas été ainsi de nature à entacher d'irrégularité l'ensemble de la procédure d'enquête publique pour défaut d'information et de consultation du public ;
6. Considérant, toutefois, qu'il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le parking Brossolette, d'une capacité de 180 places, accueille les véhicules des clients des commerces de la rue Pierre Brossolette et ceux d'un supermarché ouvert en 2002, situé entre cette rue et la zone d'aménagement concerté du Clos Saint Vincent ; que le projet litigieux consiste en l'acquisition, pour la démolir, d'une maison d'un étage avec un commerce au rez-de-chaussée, cadastrée AD 208, d'une superficie de 60 m², sise 164, rue Pierre Brossolette, datant de la première moitié du XIXème siècle, afin de réaliser une voie piétonne et automobile à sens unique reliant la rue Pierre Brossolette au parking Brossolette, le passage projeté devant avoir une largeur de 7,50 mètres, dont 4 mètres pour les piétons et 3,5 mètres pour les voitures ; que, d'une part, la rue Pierre Brossolette, comme le souligne la notice explicative elle-même, est caractérisée par un ensemble bâti dont l'intérêt réside principalement dans son homogénéité ; qu'il est ainsi composé d'un front de rue continu interrompu par les accès aux cours communes et par des bâtiments construits au XIXème siècle, présentant un épannelage à dominante rez-de-chaussée + un étage + comble ou bien rez-de-chaussée + deux étages ; que cette rue a fait l'objet d'important travaux de réhabilitation : plantation de plusieurs arbres, installation des luminaires sur les façades, enfouissement des réseaux ; que la notice explicative souligne également qu'une politique forte de la ville a été menée pour dynamiser le commerce du centre-ville et, notamment, celui de la rue Pierre Brossolette et que l'implantation de commerces de bouche est souhaitée afin de contribuer à rééquilibrer l'offre ; qu'ainsi, la destruction de la maison sise 164, rue Pierre Brossolette et la création d'un passage destiné aux piétons et aux véhicules d'une largeur de 7,50 mètres aura non seulement pour effet de rompre la continuité du bâti ancien existant de la rue mais encore de supprimer le commerce de torréfaction de café, de vente à emporter et de dégustation qui était installé au rez-de-chaussée de ladite maison, en contradiction avec les objectifs d'urbanisme affichés par la commune ; que la commune ne saurait soutenir, de manière cohérente avec ces mêmes objectifs, que le projet envisagé serait un moyen de résorber la discontinuité du tissu urbain du fait qu'" en façade nord de la zone d'aménagement concerté [du Clos Saint-Vincent], les maisons anciennes constituant le front bâti de la rue Pierre Brossolette semblent tourner le dos aux nouveaux bâtiments ", un tel objectif supposant la destruction complète des maisons anciennes constituant le front bâti de la rue Pierre Brossolette ; que, d'autre part, trois liaisons piétonnes existent entre le 164 et le 166, entre le 176 et le 178 et entre le 192 et le 196 de la rue Pierre Brossolette qui permettent d'assurer une bonne liaison piétonne entre la rue et le parc de stationnement situé à proximité immédiate ; que, s'agissant des automobilistes venant de la place de la Résistance, il leur est loisible de rejoindre ledit parc de stationnement soit de manière directe, par la rue du Docteur Sureau et la rue des Quatre saisons, soit de manière un peu plus longue en s'engageant dans la rue Pierre Brossolette, qui est à sens unique, puis, en tournant à droite, par l'avenue Aristide Briand, la rue Jean Vaquier et la rue des Norottes ; qu'il appartient, le cas échéant, à la commune d'améliorer la signalisation afin de rendre plus aisé l'accès au parc de stationnement ; que l'actuelle liaison tant piétonne qu'automobile entre la rue Pierre Brossolette et le parc de stationnement apparaît ainsi satisfaisante ; que la commune ne peut utilement faire valoir qu'un permis de construire des logements et des commerces, accessibles par le passage projeté, a été délivré le 21 décembre 2012, soit plus de sept ans après l'arrêté attaqué ; que, dès lors, la création projetée d'un passage destiné aux piétons et aux véhicules au niveau du 164, rue Pierre Brossolette, eu égard à l'atteinte qu'elle porte à la propriété privée, à ses inconvénients au regard des objectifs d'urbanisme et de vie locale antérieurement fixés par la commune et à son coût financier, n'apparaît pas comme étant d'utilité publique ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la COMMUNE DE NOISY-LE-GRAND et le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par son jugement du 29 mai 2008, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 21 octobre 2005 du préfet de la Seine-Saint-Denis déclarant d'utilité publique l'acquisition de la parcelle cadastrée AD 208 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de la COMMUNE DE NOISY-LE-GRAND tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge solidaire de la COMMUNE DE NOISY-LE-GRAND et de l'Etat le paiement à la société Ofie de la somme de 2 000 euros au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes de la COMMUNE DE NOISY-LE-GRAND et du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES sont rejetées.
Article 2 : La COMMUNE DE NOISY-LE-GRAND et l'Etat, pris solidairement, verseront à la société Office français Inter-Entreprises une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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