Vu le recours, enregistré le 8 juillet 2012 par télécopie, par courrier le 23 juillet 2012 et le mémoire complémentaire, enregistré le 31 juillet 2012 présentés par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 1101716 du 24 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la Banque CIC Ouest la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle elle a été assujettie à tort au titre de la période du 1er janvier 2006 au 30 avril 2008, pour un montant de 298 664 euros, en droits et pénalités ;
2° de rétablir les impositions déchargées ;
Il soutient que :
- il y a lieu de surseoir à statuer sur son recours jusqu'à la réponse de la Cour de justice de l'Union européenne aux questions préjudicielles posées dans les litiges " Finanzamt Frankfurt am Main V. Höcht c/ Deutsche Bank A.G " et " Bundesfinanzhof-GfBk Gesellschaft für Börsenkommunikation mbH c/Finanzamt Bayreuth " ;
- sur le régime fiscal applicable aux opérations de gestion de portefeuille sous mandat, le tribunal a inexactement qualifié les faits et commis une erreur de droit en jugeant que les opérations de gestion de portefeuille sous mandat réalisées par la Banque CIC Ouest constituaient des opérations sur titres exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 261 c-1° e du code général des impôts alors que cette activité ne saurait être limitée à une simple activité d'achats et de ventes d'instruments et d'actifs financiers sur des marchés d'actions ou d'instruments financiers à terme et ne saurait, par suite, être considérée comme consistant en des opérations susceptibles de créer, de modifier ou d'éteindre les droits et obligations du mandant sur des titres ; elle consiste davantage en des services de gestion accompagnant le commerce des titres ; en effet, sont exclues du bénéfice de l'exonération prévue à l'article 13 B d) § 5 de la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 modifiée les opérations de garde et de gestion des titres ; les termes employés pour désigner les exonérations visées par cet article sont d'interprétation stricte ; en outre, la production par la société d'un mandat vierge de gestion de portefeuille ne suffit pas à justifier de la nature de l'ensemble des prestations en litige ; la rémunération de ces prestations, assise sur le montant du portefeuille confié, est sans lien avec la création ou l'extinction d'obligations ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
Vu l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 19 juillet 2012 C-44/11 " Finanzamt Frankfurt am Main V-Höchst contre Deutsche Bank AG " ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 février 2014 :
- le rapport de M. Soyez, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Delage, rapporteur public ;
1. Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2006 au 30 avril 2008, l'administration a assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, pour un montant de 298 664 euros, en droits et pénalités, les prestations fournies par la SA Crédit Industriel de l'Ouest, devenue la société Banque CIC Ouest, qui exerce une activité bancaire, dans le cadre de la gestion sous mandat de portefeuille de titres ; que, par réclamation du 19 février 2010, la Banque CIC Ouest a contesté l'assujettissement à cette taxe des commissions perçues en rémunération de cette activité ; que l'administration ayant rejeté sa réclamation, elle a saisi le Tribunal administratif de Montreuil qui, par jugement du 24 mai 2012, a accordé à la société la décharge de la taxe ainsi contestée ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT relève appel de ce jugement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 135 de la directive susvisée : " 1. Les États membres exonèrent les opérations suivantes: (...) f) les opérations, y compris la négociation mais à l'exception de la garde et de la gestion, portant sur les actions, les parts de sociétés ou d'associations, les obligations et les autres titres, à l'exclusion des titres représentatifs de marchandises et des droits ou titres visés à l'article 15, paragraphe 2 ; g) la gestion de fonds communs de placement tels qu'ils sont définis par les États membres ... " ; que l'article 261 C du code général des impôts dispose : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° Les opérations bancaires et financières suivantes : (...) e. Les opérations, autres que celles de garde et de gestion, portant sur les actions, les parts de sociétés ou d'associations, les obligations et les autres titres (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par mandats dont la société a produit un modèle type, les clients chargeaient la Banque CIC Ouest de gérer leurs portefeuilles de titres conformément à l'orientation de gestion qu'ils choisissaient ; que, dans le cadre de cette stratégie de placement, la Banque CIC Ouest avait sur les comptes ainsi gérés les pouvoirs d'administration et de disposition les plus étendus ; qu'elle pouvait ainsi, sans avoir à consulter le client au préalable, effectuer des opérations sur instruments financiers sur les marchés organisés en fonctionnement régulier ;
4. Considérant que la prestation de gestion de portefeuille réalisée par la contribuable était ainsi composée d'une prestation d'analyse et de surveillance du patrimoine du client investisseur, d'une part, et d'une prestation d'achat et de vente de titres proprement dite, d'autre part ; que, dans les conditions sus-décrites, ces deux éléments de la prestation de gestion de portefeuille sont l'un et l'autre indispensables pour la réalisation de la prestation globale et sont si étroitement liés qu'ils forment, objectivement, une seule prestation économique dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel ; que si les seules prestations d'achat et de vente de titres sont susceptibles d'entrer dans le champ d'application de l'article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive susvisée, il n'en va, en revanche, pas de même des prestations d'analyse et de surveillance du patrimoine qui ne supposent pas nécessairement la réalisation d'opérations susceptibles de créer, de modifier ou d'éteindre les droits et les obligations des parties sur des titres ; qu'en l'espèce, la circonstance que tout mandat entraîne aussitôt l'achat de titres conformément à l'orientation de gestion choisie par le client, est sans incidence sur le caractère des prestations de conseil et d'analyse fournies ensuite par le gestionnaire de portefeuille, prestations qui n'entraînent pas toujours l'achat ou la ventes de titres ; que, d'ailleurs, la rémunération de ces prestations rendues par la Banque CIC Ouest est assise sur le montant du portefeuille, net des liquidités non investies, et est donc sans lien avec la création ou l'extinction d'obligations ; que, dès lors, la prestation ne pouvant être prise en compte que dans son ensemble, elle n'entre pas dans les prévisions du f) de l'article 135, paragraphe 1 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ni dans celles des dispositions précitées du e) de l'article 261 C 1) du code général des impôts, aux fins d'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la société la décharge de la taxe en litige ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé ; qu'il en résulte que le ministre est également fondé à demander que les impositions en litige soient remises à la charge de la contribuable ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de la Banque CIC Ouest tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1101716 du 24 mai 2012 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : Les droits de taxe sur la valeur ajoutée, dont le tribunal a accordé la décharge pour un montant de 298 664 euros, sont remis à la charge de la Banque CIC Ouest.
Article 3 : Les conclusions de la Banque CIC Ouest tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 12VE02651