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17/10/2013 | FRANCE | N°13VE00167

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 17 octobre 2013, 13VE00167


Vu le recours, enregistré le 21 janvier 2013, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR demande à la Cour :

1° de réformer le jugement n° 1203113 en date du 22 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a condamné l'Etat à verser au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions la somme de 21 734,64 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 20 juin 2011, en remboursement des indemnités servies à Mme P. ;

2° de réduire le montant de la condamnation prononcée en première insta

nce à l'encontre de l'Etat ;

Il soutient que l'Etat ne saurait être condamné ...

Vu le recours, enregistré le 21 janvier 2013, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR demande à la Cour :

1° de réformer le jugement n° 1203113 en date du 22 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a condamné l'Etat à verser au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions la somme de 21 734,64 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 20 juin 2011, en remboursement des indemnités servies à Mme P. ;

2° de réduire le montant de la condamnation prononcée en première instance à l'encontre de l'Etat ;

Il soutient que l'Etat ne saurait être condamné à verser l'intégralité de la somme réclamée par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions dès lors qu'il a été tenu compte, dans la détermination du préjudice moral subi par Mme P., de la médiatisation dans son pays d'origine, l'Albanie, de l'activité que celle-ci exerçait en France ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 octobre 2013 :

- le rapport de M. Luben, président assesseur,

- les conclusions de M. Soyez, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions ;

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que MM. M., L., D., fonctionnaires de police, ont été reconnus coupables, par la Cour d'assises de Paris le 4 septembre 2007, de viol et complicité de viol aggravé par l'abus d'autorité conférée par leurs fonctions sur la personne de Mme P. ; que la chambre criminelle statuant sur les intérêts civils a condamné les coupables à verser à la victime la somme de 12 000 euros chacun au titre des dommages subis ; que la Cour d'appel de Paris statuant en appel de la décision de la commission d'indemnisation des victimes instituée par l'article 706-4 du code de procédure pénale a fixé la réparation due à Mme P. à la somme globale de 25 000 euros et a mis cette somme à la charge du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions ; que ce dernier, subrogé, en vertu de l'article 706-11 du même code, dans les droits de la victime, a demandé à l'Etat, en sa qualité d'employeur civilement responsable, de lui régler cette somme, diminuée de la part payée par les auteurs de l'infraction ; que l'administration n'ayant proposé au fonds de ne l'indemniser qu'à hauteur de 12 800 euros, ce dernier a saisi le Tribunal administratif de Montreuil ; que, par le jugement attaqué, celui-ci a condamné l'Etat à verser au fonds la somme de 21 734,64 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 20 juin 2011, en remboursement des indemnités servies à Mme P. ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

2. Considérant, d'une part, qu'en vertu des articles 706-3 et 706-4 du code de procédure pénale, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut, lorsque certaines conditions sont réunies, obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne auprès d'une commission d'indemnisation des victimes d'infractions, juridiction civile instituée dans le ressort de chaque tribunal de grande instance qui peut rendre sa décision avant qu'il soit statué sur l'action publique ou sur les intérêts civils ; que l'indemnité accordée par la commission est versée par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions ; que le premier alinéa de l'article 706-11 du code de procédure pénale dispose que : " Le fonds est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle le remboursement de l'indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite du montant des réparations à la charge desdites personnes " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. Lorsqu'un fonctionnaire a été poursuivi par un tiers pour faute de service et que le conflit d'attribution n'a pas été élevé, la collectivité publique doit, dans la mesure où une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions n'est pas imputable à ce fonctionnaire, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui (...) " ; que la victime non fautive d'un préjudice causé par l'agent d'une administration peut, dès lors que le comportement de cet agent n'est pas dépourvu de tout lien avec le service, demander au juge administratif de condamner cette administration à réparer intégralement ce préjudice, quand bien même aucune faute ne pourrait-elle être imputée au service et le préjudice serait-il entièrement imputable à la faute personnelle commise par l'agent, laquelle, par sa gravité, devrait être regardée comme détachable du service ; que cette dernière circonstance permet seulement à l'administration, ainsi condamnée à assumer les conséquences de cette faute personnelle, d'engager une action récursoire à l'encontre de son agent ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'arrêt criminel de la Cour d'appel de Paris du 14 septembre 2007 qui est revêtu de l'autorité de la chose jugée en ce qui concerne les constatations de fait contenues dans cet arrêt, que les trois agents de police en cause ont été reconnus coupables de viols " agissant en qualité d'auteur ou de complice et que ceux-ci, en leur qualité de gardiens de la paix, avai[en]t abusé de l'autorité que [leur] conférai[en]t [leurs] fonctions " ; qu'il résulte, en outre, de l'ordonnance du juge d'instruction de la Cour d'appel de Paris que si le jour de l'infraction ces trois fonctionnaires n'étaient pas en service, ils portaient un coupe-vent siglé " police nationale ", leurs pantalons et chaussures de service et qu'ils ont abordé Mme P. en faisant état de leur qualité de fonctionnaires de police ; que si le comportement de MM. M., L. et D., eu égard à la gravité des faits commis, constitue une faute personnelle, il n'est pas dépourvu de tout lien avec le service dès lors que les agresseurs ont utilisé les moyens du service pour commettre leur crime ;

Sur le préjudice :

5. Considérant, d'une part, que le préjudice indemnisé par l'arrêt du 16 février de la Cour d'appel de Paris concerne le préjudice directement subi par Mme P. du fait du viol commis par MM. M., L. et D., et non, comme le soutient le MINISTRE DE L'INTERIEUR, celui occasionné par la publicité qui a entouré l'affaire dans le pays d'origine de Mme P. et y a révélé l'activité qu'elle exerçait en France ; que, d'autre part, dans les circonstances de l'espèce, et eu égard au lien existant entre les agissements criminels de MM. M., L. et D. et le service, c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné l'Etat à rembourser au Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions l'intégralité de la somme de 21 734,64 euros que celui-ci a été condamné à verser à Mme P. sur le fondement des dispositions de l'article 706-11 du code de procédure pénale ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que le MINISTRE DE L'INTERIEUR n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 22 novembre 2012, le Tribunal administratif de Montreuil a condamné l'Etat à verser au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions la somme de 21 734,64 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 20 juin 2011, en remboursement des indemnités servies à Mme P. ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le paiement au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions de la somme de 1 500 euros au titre des frais que celui-ci a exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 13VE00167 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 13VE00167
Date de la décision : 17/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-05-01 Responsabilité de la puissance publique. Recours ouverts aux débiteurs de l'indemnité, aux assureurs de la victime et aux caisses de sécurité sociale. Action en garantie.


Composition du Tribunal
Président : M. DEMOUVEAUX
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: M. SOYEZ
Avocat(s) : S.E.L.A.F.A. CABINET CASSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-10-17;13ve00167 ?
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