Vu le recours, enregistré le 17 février 2011, présentée par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ÉTAT ;
Le ministre demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 0711865 en date du 2 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a accordé à M. A...la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittés au titre des années 2002 et 2003 ;
2° de remettre à la charge de M. A...ces impositions ;
Le ministre soutient que :
- en application des dispositions de l'article R.196-1 du livre des procédures fiscales, la demande en restitution de la taxe sur la valeur ajoutée spontanément acquittée en 2002 et 2003, présenté par M.A..., le 9 septembre 2007, était entachée de forclusion ; sa demande devant le tribunal était donc irrecevable ;
- M. A...ne peut se prévaloir de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes " Solleveld " pour faire échec à cette irrecevabilité dans la mesure où cette décision qui a été rendue à l'encontre d'un autre Etat membre ne constituait pas un événement au sens et pour l'application de l'article R.196-1 du livre des procédures fiscales, de nature à ouvrir un nouveau délai de réclamation permettant d'obtenir la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qui aurait été indûment acquittée en application des dispositions de l'article 261 du code général des impôts ; les voies et délais de recours prévus par l'article R.196-1 du livre des procédures fiscales ne figurent pas sur les formulaires des déclarations qu'il a souscrites au titre de s années en litige ; le délai de recours ne peut lui être opposé ;
- en jugeant que M. A...pouvait bénéficier de l'exonération de taxe prévue à l'article 261-4-1° du code général des impôts, les premiers juges ont, implicitement, fondé leur décision sur l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 dont le dispositif n'avait pourtant aucune portée utile en matière fiscale ;
- le tribunal administratif, en se fondant essentiellement sur le fait que la délivrance du titre d'ostéopathe suffisait à apporter la preuve, qui incombait à M.A..., que les actes qu'il avait accomplis, alors que son activité n'était pas encore réglementée, étaient d'une qualité équivalente à ceux qui, s'ils avaient été effectués par un médecin, auraient été exonérés, a inexactement qualifié les faits de la cause, ce qui l'a conduit à appliquer rétroactivement les décrets du 27 mars 2007 sans rechercher si M. A...entrait effectivement dans leur périmètre ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 juin 2013 :
- le rapport de Mme Van Muylder, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Garrec, rapporteur public ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par M. A...:
1. Considérant qu'aux termes de l'article R.200-18 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de l'administration des impôts ou de l'administration des douanes et droits indirects qui a suivi l'affaire, celui-ci dispose d'un délai de deux mois pour transmettre, s'il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. / Le délai imparti pour saisir la cour administrative d'appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l'alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre. " ;
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le jugement attaqué a été notifié au directeur des services fiscaux des Yvelines le 5 novembre 2010 ; que le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ÉTAT a été enregistré au greffe de la Cour de céans le 17 février 2011, dans le délai d'appel de deux mois dont il dispose, à compter de l'expiration du délai de deux mois imparti au service local pour lui transmettre le jugement attaqué et le dossier de l'affaire, en vertu des dispositions de l'article R.200-18 du livre des procédures fiscales ; que si M. A...soutient que ces dispositions sont contraires au principe constitutionnel d'égalité devant la justice, elles tiennent compte des nécessités particulières du fonctionnement de l'administration fiscale qui la placent dans une situation différente de celle des autres justiciables, et justifient le délai complémentaire de deux mois accordé au ministre, délai dont les contribuables peuvent d'ailleurs, en provoquant eux-mêmes la signification du jugement au ministre, réduire la durée ; que la fin de non-recevoir opposée par M. A...doit, par suite, être écartée ;
Sur les conclusions du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ÉTAT :
3. Considérant qu'aux termes de l'article R.196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au A...tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : (...) b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement (...) " ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M.A..., qui exerçait l'activité d'ostéopathe, a demandé, le 9 septembre 2007, la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'il a spontanément acquittée au titre de la période allant du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003, en estimant pouvoir bénéficier des dispositions de l'article 261 du code général des impôts relatives à l'exonération de cette taxe ; que la réclamation de M. A...a ainsi été présentée après l'expiration du délai prévu par les dispositions susrappellées ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ; qu'un formulaire de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée n'est pas une décision au sens de cet article ; que, par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en l'absence de la mention des voies et délais de recours sur un tel formulaire, aucun délai de forclusion ne serait opposable à une demande tendant à la restitution de droits de taxe sur la valeur ajoutée spontanément acquittés par le contribuable ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions et des amendes " ;
7. Considérant qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent doit être regardée comme un bien, au sens des stipulations précitées du premier alinéa de cet article ; que, toutefois, l'instauration d'un délai de réclamation d'au moins deux ans à compter de la date de la mise en recouvrement ou, à défaut, du versement de l'imposition est suffisante pour permettre aux contribuables de faire valoir utilement leurs droits ; qu'il suit de là que, contrairement à ce que soutient M. A..., les dispositions précitées de l'article R.196-1 du livre des procédures fiscales ne méconnaissent pas les exigences qui s'attachent à la protection d'un droit patrimonial telles qu'elles découlent des stipulations précitées du premier protocole additionnel ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de M. A...présentée devant le Tribunal administratif de Versailles était, dès lors, irrecevable ; que le ministre est, par suite, fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;
9. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Versailles ;
Sur la demande de restitution de taxe sur la valeur ajoutée :
10. Considérant que, pour les motifs exposés aux points 3 à 7 et ainsi qu'il a été dit au point 8, M. A...n'est pas recevable à demander la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittés au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. A... les sommes qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0711865 du Tribunal administratif de Versailles en date du 2 novembre 2010 est annulé.
Article 2 : La taxe sur la valeur ajoutée acquittée par M. A...dont la restitution a été ordonnée au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 est remise à sa charge.
Article 3 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Versailles et le surplus de ses conclusions présentées à la Cour sont rejetés.
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N° 11VE00626