La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/06/2013 | FRANCE | N°12VE02363

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 18 juin 2013, 12VE02363


Vu la requête, enregistrée le 2 juillet 2012, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par Me Dirakis, avocat ;

M. B... demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n°1201129 du 5 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 février 2012 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois, a fixé le pays de destination et

lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ;...

Vu la requête, enregistrée le 2 juillet 2012, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par Me Dirakis, avocat ;

M. B... demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n°1201129 du 5 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 février 2012 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en vue de la délivrance d'une carte de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de cinq jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. B... soutient :

- en premier lieu, s'agissant de la légalité externe, que l'arrêté du 7 février 2012 est insuffisamment motivé en fait car il ne mentionne pas sa présence en France pendant une durée de treize années ;

- que s'agissant, en deuxième lieu, de la décision d'obligation de quitter le territoire français, le préfet n'a pas cité la loi sur laquelle il entendait fonder sa décision ;

- qu'en troisième lieu, la décision n'est pas personnalisée et a été prise sans que sa situation personnelle ait été examinée car elle ne mentionne pas que le requérant est marié et indique, à tort, qu'il n'a pas fait l'objet d'une mesure d'éloignement ;

- qu'en quatrième lieu, le président du tribunal administratif aurait dû demander la justification d'une délégation exprès de signature de la personne qui a signé le refus de séjour ; que, dès lors, qu'elle n'a pas été produite, l'obligation de quitter le territoire est illégale et le jugement irrégulier ;

- que, s'agissant de l'illégalité interne, en cinquième lieu, les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnus, qu'il est exposé à la torture et à des peines et traitements inhumains et dégradants ;

- qu'en sixième lieu, l'article 8 de la même convention a également été méconnu puisque sa femme, qui vit en France, est une réfugiée sri-lankaise et que lui-même réside en France depuis douze ans ; que ce n'est pas la durée de l'union qui permet d'établir la réalité des liens et que le requérant connaissait sa femme depuis le 24 août 2009, date à laquelle il s'est marié religieusement ; que l'obligation de quitter le territoire français comporte des risques pour sa vie ; qu'elle comporte également des risques pour sa vie familiale dès lors qu'il est marié depuis quelques mois et que sa vie est auprès de son épouse ;

- que s'agissant enfin de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire elle est également illégale ;

- que, s'agissant de sa légalité externe, elle n'est, en premier lieu pas motivée en droit et en fait ;

- qu'elle est, en deuxième lieu, entachée d'incompétence ; que les délégations de signature accordées dans le cadre de l'ancien arrêté n'étaient pas suffisantes ;

- qu'en troisième lieu, les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ; que, marié à une réfugiée, il ne peut quitter la France puisque sa femme y réside ;

- que s'agissant de l'illégalité interne, en quatrième lieu, les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnus et donc son droit à la vie et à éviter la torture et les peines et traitements inhumains et dégradants ;

- qu'en cinquième lieu, l'article 8 de la même convention a également été méconnu puisque sa femme vit en France, est une réfugiée sri-lankaise et que lui-même réside en France depuis douze ans ;

- que s'agissant de la légalité de la décision portant interdiction du territoire français pendant une durée d'un an cette décision n'est, en premier lieu, pas motivée ni en fait ni en droit ;

- que le préfet n'a pas, en deuxième lieu, pris de nouvelle mesure de délégation habilitant l'auteur de la décision contestée à la prendre ; qu'elle est entachée d'incompétence ;

- que, s'agissant de sa légalité interne, elle est, en troisième lieu, illégale puisqu'il est en France depuis plus de douze ans, marié religieusement depuis août 2009 et civilement depuis octobre 2011 et ne présente pas de menace pour l'ordre public ; que la durée de cette interdiction du territoire français est excessive ; qu'il est marié avec une personne réfugiée statutaire en France et que le préfet ne peut lui interdire le territoire français ; que même si son union est récente elle est néanmoins valide ;

...........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juin 2013 :

- le rapport de Mme Belle, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,

- et les observations de Me Dirakis pour M. B... ;

1. Considérant que M. B..., ressortissant sri-lankais né le 6 octobre 1977, relève appel du jugement du 5 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 février 2012 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi, en lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B..., entré en France pour y solliciter l'asile politique en 1999, a présenté sa demande à plusieurs reprises pour obtenir le statut de réfugié politique, soit par la voie de droit commun, soit par la procédure prioritaire devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et également devant la Cour nationale du droit d'asile, dont il a reçu régulièrement des courriers ; qu'il a obtenu également des récépissés de la préfecture du Val-d'Oise à ce titre dès 1999 et jusqu'en 2010, à raison de plusieurs pour chaque année considérée ; que l'ensemble de ces pièces atteste suffisamment de sa présence sur le territoire pendant toutes ces années ; qu'en outre, il a épousé en France, le 29 octobre 2011, une ressortissante également sri-lankaise qui a obtenu le titre de réfugié statutaire en 2010 et dispose d'une carte de résident valable dix ans à compter du 6 janvier 2011 ; que, par suite, compte tenu de la durée de son séjour en France et de l'intensité, même récente, de sa vie familiale en France, l'arrêté contesté a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris ; qu'il a, par suite, méconnu les stipulations précitées ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

6. Considérant qu'eu égard aux motifs d'annulation de l'arrêté attaqué, et en l'absence de changement des circonstances de fait, le présent arrêt implique nécessairement que le titre de séjour sollicité soit délivré à M. B...; que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de délivrer à M.B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions de M. B...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1201129 du 5 juin 2012 et l'arrêté du 7 février 2012 du préfet des Hauts-de-Seine sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de délivrer à M.B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

Article 3 : L'Etat versera à M. B...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.

''

''

''

''

N° 12VE02363 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12VE02363
Date de la décision : 18/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. GAYET
Rapporteur ?: Mme Laurence BELLE VANDERCRUYSSEN
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : DIRAKIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-06-18;12ve02363 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award