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30/05/2013 | FRANCE | N°11VE03789

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 30 mai 2013, 11VE03789


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 novembre 2011 et 9 février 2012, présentés pour la SOCIETE PEUGEOT (PSA), dont le siège social est situé 75, avenue de la Grande Armée à Paris (75116), par la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat au Conseil d'Etat ;

La SOCIETE PEUGEOT (PSA) demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0606311 du 30 août 2011 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'il a partiellement rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contr

ibutions additionnelles à cet impôt et des pénalités y afférentes auxquelles elle...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 novembre 2011 et 9 février 2012, présentés pour la SOCIETE PEUGEOT (PSA), dont le siège social est situé 75, avenue de la Grande Armée à Paris (75116), par la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat au Conseil d'Etat ;

La SOCIETE PEUGEOT (PSA) demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0606311 du 30 août 2011 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'il a partiellement rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2002, à concurrence d'un montant de 59 322 606 euros ;

2° de prononcer la décharge des impositions en cause ;

3° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales ;

- la procédure d'imposition est irrégulière car les dispositions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, éclairées par les travaux préparatoires ayant précédé l'adoption de l'article 68 B § 2 de la loi de finances pour 1988, interdisaient qu'il fût procédé à une double vérification de ses résultats d'ensemble passibles de l'impôt sur les sociétés au titre du même exercice ;

- il ne pouvait être recouru à la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, car les opérations écartées par le service répondaient avant tout à des intérêts juridiques, économiques, financiers et comptables ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, elle n'a procédé au cours de l'exercice clos en 2001 à aucune opération intermédiaire de cession des titres de la société Commerciale Citroën (SCC), la cession de ces titres ayant été effectuée par la société Automobiles Citroën ;

- le jugement est entaché d'une omission à statuer sur le moyen tiré du défaut de motivation de la proposition de rectification du 3 décembre 2004 ;

- la procédure d'imposition est irrégulière au regard des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts combinées à celles des articles L.13, L.47 et L. 57 du livre des procédures fiscales, car les opérations de contrôle ont été diligentées à son encontre et non à l'encontre de la société Automobiles Citroën, et également au regard de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, car la proposition de rectification du 3 décembre 2004 n'a pas été notifiée à la société Automobiles Citroën alors même que les redressements portent sur les comptes et résultats de cette société ;

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 87-1060 du 30 décembre 1987, de finances pour 1988 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mai 2013 :

- le rapport de Mme Vinot, président assesseur,

- les conclusions de Mme Garrec, rapporteur public,

- et les observations de M. A...pour le ministre de l'économie et des finances ;

1. Considérant qu'à la date du 1er janvier 2001 la SOCIETE PEUGEOT (PSA) était, pour l'application de l'article 223 A du code général des impôts, société mère intégrante d'un groupe comportant notamment sa filiale à 100 % la SA Automobiles Citroën, la Société Commerciale Citroën, filiale à 99,99 % de la SA Automobiles Citroën et la SA Citroën Félix-Faure, filiale à 99,95 % de la Société Commerciale Citroën ; que la SA Automobiles Citroën a, le 19 décembre 2001, souscrit à une augmentation du capital de la SA Citroën Félix-Faure d'un montant nominal de 10 000 000 euros assorti d'une prime d'émission de 34 300 000 euros, puis, le 28 décembre 2001, cédé à cette société la totalité des titres qu'elle détenait dans le capital de la Société Commerciale Citroën, pour le prix de 44 300 000 euros ; qu'en conséquence de cette cession la SA Automobiles Citroën a, d'une part, et compte tenu de la valeur d'inscription à son bilan des titres de la Société Commerciale Citroën, constaté une moins-value de 154 379 107 euros qui a été soumise au titre de l'exercice 2001 au régime des plus-values et moins-values à long terme, et, d'autre part, rapporté la provision pour dépréciation de ces titres qu'elle avait antérieurement constituée, d'un montant de 160 879 296 euros, qui a également été soumise au régime fiscal des plus-values et moins-values à long terme ; que, le 29 avril 2002, la Société Commerciale Citroën et la SA Citroën Félix-Faure ont, en application de l'article L. 236-3 du code du commerce, conclu un traité de fusion intégrale simple avec effet rétroactif au 1er janvier 2002, en vertu duquel la SA Citroën Félix-Faure, devenue détentrice de 100 % de la Société Commerciale Citroën dont elle avait acquis des titres, a absorbé cette société ; qu'à l'issue d'une vérification de la comptabilité de la SOCIETE PEUGEOT, l'administration fiscale a remis en cause l'imputation d'une moins-value à long terme d'un montant de 154 379 107 euros à laquelle cette société avait procédé pour le calcul du montant net des plus-values à long terme d'ensemble devant être soumis au titre de l'exercice clos en 2002 à l'imposition au taux de 19 % prévue par l'article 219, I, a du code général des impôts, au motif que les opérations effectuées en vue de la fusion de la Société Commerciale Citroën et de la SA Citroën Félix-Faure, constituées, en 2001, par la souscription de la SA Automobiles Citroën à une augmentation du capital de la SA Citroën Félix-Faure et par la cession à la SA Citroën Félix-Faure, par la SA Automobiles Citroën, des titres qu'elle détenait dans le capital de la Société Commerciale Citroën, et, en 2002, de la fusion-absorption de la Société Commerciale Citroën par la SA Citroën Félix-Faure, étaient, compte tenu notamment du traitement fiscal de la moins-value de cession des titres de la Société Commerciale Citroën constatée par la SA Automobiles Citroën, d'un montant de 154 379 107 euros, et de la provision pour dépréciation rapportée par cette société lors de ladite cession, d'un montant de 160 879 296 euros, constitutives d'un abus de droit pour l'application des articles 223 D et 223 F du code général des impôts et devaient dès lors être écartées sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, le service estimant que l'ensemble de ces opérations devait être écarté et qu'il aurait dû être procédé à une fusion-absorption directe, en 2002, de la SA Citroën Félix-Faure par la Société Commerciale Citroën ; que la SOCIETE PEUGEOT relève régulièrement appel du jugement n° 0606311 du 30 août 2011 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt et des pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2002 à raison de ce redressement, pour un montant total de 59 322 606 euros mis en recouvrement le 19 août 2005 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que la SOCIETE PEUGEOT soutient que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen soulevé devant eux et tiré de l'insuffisance de la motivation de la proposition de rectification du 3 décembre 2004 ; qu'il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal a omis de statuer sur ce moyen, soulevé par la requérante dans son mémoire enregistré le 29 décembre 2010 ; que ce défaut de réponse à un moyen entache d'irrégularité le jugement du 30 août 2011 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui doit, par suite, être annulé en tant que les premiers juges ont rejeté la demande de la requérante tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie en conséquence du redressement afférent aux opérations de restructuration de la Société Commerciale Citroën et de la SA Citroën Félix-Faure ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement et dans cette mesure sur les conclusions de la demande présentée par la SOCIETE PEUGEOT devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Sur le bien-fondé des impositions litigieuses, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés au soutien des conclusions tendant à leur décharge :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) / Les provisions qui, en tout ou en partie, (...) deviennent sans objet au cours d'un exercice ultérieur sont rapportées aux résultats dudit exercice (...) / Par dérogation aux dispositions des premier et treizième alinéas, la provision pour dépréciation qui résulte éventuellement de l'estimation du portefeuille est soumise au régime fiscal des moins-values à long terme défini au 2 du I de l'article 39 quindecies ; si elle devient ultérieurement sans objet, elle est comprise dans les plus-values à long terme de l'exercice, visées au 1 du I de l'article 39 quindecies " ; qu'aux termes de l'article 219 du même code : " I. (...) a. Le montant net des plus-values à long terme fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 19 %, dans les conditions prévues au 1 du I de l'article 39 quindecies (...)" ; qu'aux termes de l'article 223 D de ce code : " La plus-value nette ou la moins-value nette à long terme d'ensemble est déterminée par la société mère en faisant la somme algébrique des plus-values ou des moins-values nettes à long terme de chacune des sociétés du groupe, déterminées et imposables selon les modalités prévues aux articles 39 duodecies à 39 quindecies et 217 bis. / Les dispositions de l'article 39 quindecies sont applicables à la plus-value et à la moins-value nette à long terme d'ensemble. / (...) / (...) / Le montant des dotations complémentaires aux provisions constituées par une société après son entrée dans le groupe à raison des participations détenues dans d'autres sociétés du groupe est ajouté à la plus-value nette à long terme d'ensemble ou déduit de la moins-value nette à long terme d'ensemble (...)Le montant des provisions rapportées en application de la première phrase du quatorzième alinéa du 5° du 1 de l'article 39 qui correspondent aux dotations complémentaires non retenues en application de présent alinéa est déduit de la plus-value nette à long terme d'ensemble ou ajouté à la moins-value nette à long terme d'ensemble si les sociétés citées aux deux premières phrases de cet alinéa sont membres du groupe ou, s'agissant d'un groupe créé ou élargi (...) au titre de l'exercice au cours duquel les provisions sont rapportées" ; qu'aux termes de l'article 223 F du même code : " La fraction de la plus-value ou de la moins-value afférente à la cession entre sociétés du groupe d'un élément d'actif immobilisé, acquise depuis sa date d'inscription au bilan de la société du groupe qui a effectué la première cession, n'est pas retenue pour le calcul du résultat ou de la plus-value ou de la moins-value nette à long terme d'ensemble au titre de l'exercice de cette cession.(...) / Lors de la cession hors du groupe du bien ou de la sortie du groupe d'une société qui l'a cédé ou de celle qui en est propriétaire, la société mère doit comprendre, dans le résultat ou [la] plus-value ou moins-value nette à long terme d'ensemble, le résultat ou la plus-value ou la moins-value qui n'a pas été retenu lors de sa réalisation.(...) " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour le calcul du résultat d'ensemble à long terme de la SOCIETE PEUGEOT au titre de l'exercice 2001, d'une part, la moins-value de cession de 154 379 107 euros constatée par la SA Automobiles Citroën lors de la cession des titres de la Société Commerciale Citroën n'a pas été retenue en application du premier alinéa de l'article 223 F du code général des impôts qui faisait obstacle, dans cette mesure, à l'application des dispositions du premier alinéa de l'article 223 D de ce code, d'autre part, en application de la dernière phrase du cinquième alinéa de l'article 223 D du même code, le montant de 160 879 296 euros de la provision qui, étant devenue sans objet, avait été rapportée par la SA Automobiles Citroën en application du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, a été déduit de la plus-value nette à long terme d'ensemble ou ajouté à la moins-value nette à long terme d'ensemble, c'est-à-dire neutralisé ; que par ailleurs, et dès lors que la Société Commerciale Citroën est sortie du groupe en 2002 du fait de son absorption par la SA Citroën Félix-Faure, la moins-value de 154 379 107 euros qui, ainsi qu'il a été dit, n'avait pas été retenue pour le calcul du résultat d'ensemble de l'exercice 2001, a été imputée sur le résultat d'ensemble à long terme de la SOCIETE PEUGEOT au titre de l'exercice 2002 en application du deuxième alinéa de l'article 223 F du code général des impôts, c'est-à-dire " dé-neutralisée " ;

6. Considérant que pour établir les impositions litigieuses sur le fondement des dispositions des articles 219, 223 D, 223 F précités du code général des impôts, et, plus particulièrement, pour écarter l'application des dispositions de l'article 223 F sur le fondement duquel la moins-value de cession a été " dé-neutralisée " par la requérante en 2002, l'administration s'est prévalue, ainsi qu'il a été dit au point 1, des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable, aux termes desquelles : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses (...) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus (...) / L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement. " ;

7. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales que, lorsque l'administration use des pouvoirs que lui confère ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif, ou bien, à défaut, recherchent le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs et n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ; que l'administration fiscale apporte cette preuve par la production de tous éléments suffisamment précis attestant du caractère fictif des actes en cause ou de l'intention du contribuable d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales ; que, dans l'hypothèse où l'administration s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au contribuable, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de la réalité des actes contestés ou de ce que l'opération litigieuse est justifiée par un motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales ;

8. Considérant que l'administration fiscale critique les conditions dans lesquelles a été réalisée la fusion susmentionnée, et fait valoir que la succession des opérations décrites ci-dessus qui ont été effectuées en vue de l'absorption de la Société Commerciale Citroën par la SA Citroën Félix-Faure a généré pour la SOCIETE PEUGEOT une réduction indue de sa plus-value nette d'ensemble d'un montant de 154 379 107 euros et lui a ainsi procuré un avantage fiscal substantiel par rapport aux conséquences qui auraient résulté soit d'une fusion directe par absorption de la SA Citroën Félix-Faure par la Société Commerciale Citroën soit d'une fusion " à l'envers " par absorption de la Société Commerciale Citroën par sa filiale la SA Citroën Félix-Faure ;

9. Considérant cependant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la fusion de la Société Commerciale Citroën et de la SA Citroën Félix-Faure répondait à des intérêts économiques et organisationnels, ainsi que le reconnaît d'ailleurs le service, de sorte que les opérations litigieuses, qui sont restées sans incidence sur les réserves financières de la SA Automobiles Citroën dès lors que le montant précité de 44 300 000 euros de sa participation à l'augmentation du capital de la SA Citroën Félix-Faure a été compensé par le produit de la cession des parts de la Société Commerciale Citroën, ont été bénéfiques pour la SA Automobiles Citroën et, de façon générale, pour le groupe ; que, s'il résulte de l'instruction que l'activité principale exercée par la SA Citroën Félix-Faure avant les actes en cause était celle d'achat et revente de véhicules d'occasion, il n'est ni établi ni même allégué que l'activité de vente de véhicules neufs, exercée par la Société Commerciale Citroën avant son absorption par la SA Citroën Félix-Faure, n'entrait pas dans l'objet statutaire comme dans les activité réelles de cette dernière ; que si le service fait valoir qu'il aurait été plus simple et plus logique que la Société Commerciale Citroën, dont les capitaux propres et le chiffre d'affaires étaient début 2001 substantiellement plus importants que ceux de sa filiale la SA Citroën Félix-Faure, absorbât cette dernière, il résulte des montants non contestés des opérations en cause que la Société Commerciale Citroën, société absorbée, avait perdu une proportion conséquente de ses fonds propres (ses 579 997 actions ayant une valeur d'origine de 198 679 107 euros ayant été cédées pour seulement 44 300 000 euros) alors que la SA Citroën Félix-Faure, société absorbante, avait au contraire fortement valorisé les siens (la SA Automobiles Citroën ayant dû acquitter une prime d'émission de 34 300 000 euros pour souscrire une augmentation de capital de 10 000 000 euros en valeur faciale) ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante soutient que le sens choisi pour la fusion ayant justifié les actes remis en cause par le service était nécessaire pour conserver une créance de taxe sur la valeur ajoutée sur " marges nettes négatives " d'un montant d'environ 8 millions d'euros, détenue par la SA Citroën Félix-Faure dans le cadre du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur marge applicable aux assujettis revendeurs de biens d'occasion, qui aurait été perdue dans l'hypothèse où cette société aurait été absorbée par la Société Commerciale Citroën dès lors qu'elle n'était ni remboursable ni transférable à cette dernière ; que, d'une part, l'administration n'est pas fondée à soutenir que l'objectif de préservation de la créance fiscale dont se prévaut la société requérante ne lui serait pas opposable pour l'application de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dès lors que cette créance avait été constituée antérieurement aux actes écartés par le service au motif de l'abus de droit et, en outre, concerne le régime de la taxe sur la valeur ajoutée prévu pour l'activité de revente de biens d'occasion et non le calcul du résultat d'ensemble d'un groupe soumis à l'impôt sur les sociétés fixé notamment à l'article 223 F du code général des impôts dont le service entend écarter l'application sur le fondement dudit article L. 64 ; que, d'autre part, alors notamment que la modalité de calcul de la base d'imposition prévue au II de l'article 297 A du code général des impôts ne fait naître, au profit des assujettis revendeurs de biens d'occasion tels que la SA Citroën Félix-Faure, aucun droit à restitution de taxe sur la valeur ajoutée de sorte que l'excédent de taxe déductible qui apparaît, le cas échant, au titre d'une période, ne peut pas donner lieu à restitution mais simplement à imputation au titre de la période postérieure, l'administration ne conteste pas sérieusement la réalité de l'intérêt économique poursuivi par l'objectif de préservation de la créance de taxe sur la valeur ajoutée détenue par la SA Citroën Félix-Faure en se bornant à se référer à la doctrine contenue dans le n° 73 de l'instruction 3 D-1411 du 2 novembre 1996, qui concerne la taxe afférente aux apports d'immeubles dans le cadre de fusions ou d'apports en société et dans les prévisions desquelles la créance fiscale en cause, afférente à l'activité de revente de véhicules d'occasion, n'entre pas ;

11. Considérant, en troisième lieu, que si le ministre fait valoir qu'une fusion " à l'envers ", par absorption de la Société Commerciale Citroën par sa filiale la SA Citroën Félix-Faure, aurait satisfait à l'objectif de préservation de la créance de taxe sur la valeur ajoutée sur " marges nettes négatives " détenue par la SA Citroën Félix-Faure, sans générer pour le résultat d'ensemble du groupe la moins-value litigieuse de 154 379 107 euros, il n'apporte aucune précision sur les circonstances qui auraient été susceptibles, le cas échéant, de permettre une telle fusion " à l'envers " en l'absence des actes remis en cause par le service, alors qu'il résulte de l'instruction qu'antérieurement à ces actes, d'une part, les capitaux propres de la SA Citroën Félix-Faure s'élevaient seulement à 4 800 000 euros, soit à peine plus que le dixième du prix des titres de la Société Commerciale Citroën, fixé à 44 300 000 euros lors de la cession du 28 décembre 2001 et qui n'a pas été remis en cause par le service et, d'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 1, que la Société Commerciale Citroën était détenue à ...;

12. Considérant que, dans ces conditions, l'administration n'apporte pas la preuve, qui lui incombe dès lors qu'elle s'est abstenue de prendre l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit, que les opérations menées en vue de la restructuration de la Société Commerciale Citroën et de la SA Citroën Félix-Faure n'ont pu être inspirées par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que la société mère du groupe aurait normalement supportées eu égard à sa propre situation et à la situation et aux activités réelles des sociétés du groupe si celles-ci n'avaient pas réalisé lesdites opérations ;

13. Considérant, enfin, que l'administration fait valoir que, dans l'hypothèse où la cession des titres de la Société Commerciale Citroën et l'absorption de cette société par SA Citroën Félix-Faure seraient intervenues au cours du même exercice, la compensation entre la moins-value de cession, soit 154 379 107 euros et la reprise de la provision sur les titres de la Société Commerciale Citroën, soit 160 879 296 euros, aurait dégagé, par application des mêmes articles 223 D et 223 F du code général des impôts, non pas une moins-value mais une plus-value nette de 6 500 189 euros à ajouter au résultat d'ensemble de long terme de la société requérante ; que cependant, d'une part, les sociétés membres du groupe n'étaient pas tenues d'adopter cette solution, fiscalement plus onéreuse, dont il ne résulte pas de l'instruction et n'est d'ailleurs pas allégué qu'elle aurait présenté pour elles un intérêt particulier ; que, d'autre part, l'administration fiscale, si elle fait valoir que le législateur a souhaité instaurer un principe général de neutralisation des opérations intra-groupe et que la lettre des articles 223 D et 223 F du code général des impôts témoigne d'une " volonté limpide " à cet égard, n'expose pas une analyse globale du régime fiscal des groupes intégrés qui apparaisse pertinente à l'appui de son allégation selon laquelle la restructuration de la Société Commerciale Citroën et de la SA Citroën Félix-Faure n'aurait pas dû se traduire par l'imputation de la moins-value litigieuse ; qu'en particulier, si le ministre rappelle les termes du rapport de la commission des finances de l'Assemblée Nationale sur le projet de loi de finances pour 1988, mentionnant l'objectif de " mieux assurer la neutralité de la fiscalité " et précisant que des " rectifications seront opérées sur ce résultat d'ensemble afin de neutraliser les opérations internes au groupe, telles que les provisions (...) les plus-values et moins-values afférentes aux cessions d'actifs " et " permettront d'éviter les doubles emplois avec la prise en compte des bénéfices et des pertes ", il ne démontre pas qu'il résulterait de l'intention du législateur que, dans le cadre régime fiscal des groupes intégrés et contrairement à l'application littérale des textes faite par la requérante, la provision pour dépréciation des titres de la Société Commerciale Citroën aurait dû être " dé-neutralisée " pour être rapportée au titre de l'exercice au cours duquel est intervenue la cession de ces titres, de la même façon que dans l'hypothèse où les sociétés en cause n'auraient pas été intégrées au groupe Peugeot alors même que, contrairement au régime fiscal applicable dans cette hypothèse, l'imputation de cette provision avait dû être neutralisée pour le calcul du résultat imposable de l'exercice au cours duquel elle avait été constituée par la SA Automobiles Citroën, en application de la première phrase du cinquième alinéa de l'article 223 D ; que le ministre qui, d'ailleurs, rappelle également les termes du rapport précité de la commission des finances de l'Assemblée Nationale mentionnant, au premier rang des objectifs recherchés par la loi de finances pour 1988, celui consistant à " alléger les charges fiscales des entreprises par l'institution d'un régime de groupe de droit commun ", ne démontre pas davantage que l'allègement de l'impôt sur les sociétés obtenu en 2002 par la SOCIETE PEUGEOT, en conséquence de l'imputation de la moins-value litigieuse de 154 379 107 euros sur son résultat d'ensemble, irait à l'encontre des objectifs poursuivis par le législateur ;

14. Considérant que, dans ces conditions, l'administration n'apporte pas davantage la preuve que les opérations menées en vue de la restructuration de la Société Commerciale Citroën et de la SA Citroën Félix-Faure auraient recherché le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs ;

15. Considérant qu'il suit de là que le service n'est pas fondé à écarter les opérations menées en vue de la restructuration de la Société Commerciale Citroën et de la SA Citroën Félix-Faure, pour l'application de l'article 223 F du code général des impôts, sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE PEUGEOT (PSA) est fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2002, pour un montant total de 59 322 606 euros, à raison de la remise en cause par le service des opérations de restructuration de la Société Commerciale Citroën et de la SA Citroën Félix-Faure ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant qu'en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SOCIETE PEUGEOT de la somme de 4 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 0606311 du 30 août 2011 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La SOCIETE PEUGEOT (PSA) est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt, ainsi que des pénalités afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2002, pour un montant total de 59 322 606 euros, à raison de la remise en cause par le service des opérations de restructuration de la Société Commerciale Citroën et de la SA Citroën Félix-Faure.

Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE PEUGEOT (PSA) une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 11VE03789


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 11VE03789
Date de la décision : 30/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Abus de droit et fraude à la loi.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Établissement de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. COUZINET
Rapporteur ?: Mme Hélène VINOT
Rapporteur public ?: Mme GARREC
Avocat(s) : SCP GATINEAU FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-05-30;11ve03789 ?
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