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07/03/2013 | FRANCE | N°11VE00228

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 07 mars 2013, 11VE00228


Vu 1°) la requête, enregistrée le 25 janvier 2011, sous le n°11VE00228, présentée pour la SOCIETE ASSOCIATED TRANSPORTS, dont le siège est au 10 rue du Pavé, Frêt 6, Bâtiment 3210 à Roissy Charles-de-Gaulle Cedex (95721), représentée par son président directeur général en exercice, par Me Bozzacchi ; La SOCIETE ASSOCIATED TRANSPORTS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0710942 du 25 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des inté

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Vu 1°) la requête, enregistrée le 25 janvier 2011, sous le n°11VE00228, présentée pour la SOCIETE ASSOCIATED TRANSPORTS, dont le siège est au 10 rue du Pavé, Frêt 6, Bâtiment 3210 à Roissy Charles-de-Gaulle Cedex (95721), représentée par son président directeur général en exercice, par Me Bozzacchi ; La SOCIETE ASSOCIATED TRANSPORTS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0710942 du 25 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des intérêts de retard et de l'amende pour manoeuvre frauduleuse y afférente, auxquels elle a été assujettie au titre des mois de juillet à décembre 2002 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 25 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat aux entiers dépens ;

Elle soutient :

- que l'administration fiscale a examiné à deux reprises sa situation en matière de taxe sur la valeur ajoutée déductible avant de revenir sur sa position en se fondant sur des faits relevés à l'encontre d'un fournisseur de la société D+ Catalogue Dentaire auquel elle est étrangère ; qu'ayant pris formellement position au sens des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, l'administration ne pouvait revenir sur son analyse sans méconnaître les principes de sécurité juridique et de confiance légitime ;

- que la position du service n'est pas motivée ; qu'elle n'est pas rseponsable des manquements relevés en amont de son fournisseur ;

- qu'elle justifie que les opérations réalisées avec la société D+ Catalogue Dentaire ne sont pas fictives ; qu'au vu des pièces produites l'administration ne peut soutenir que l'existence des marchandises n'est pas établie ;

- que l'application de la pénalité prévue à l'article 1787 du code général des impôts en cas de remise en cause d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée indûment remboursé n'est pas justifiée ;

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Vu 2°) la requête, enregistrée le 19 mai 2011, sous le n°11VE01829, présentée pour la SOCIETE ASSOCIATED TRANSPORTS, représentée par son président directeur général en exercice, par Me Bozzacchi ; la SOCIETE ASSOCIATED TRANSPORTS demande à la Cour de décider qu'il sera sursis à l'exécution du jugement n° 0710942 du 25 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des intérêts de retard et de l'amende pour manoeuvre frauduleuse y afférente, auxquels elle a été assujettie au titre des mois de juillet à décembre 2002 ;

Elle soutient que l'administration avait admis le principe de surseoir aux mesures de recouvrement dans l'attente de l'arrêt de la Cour ; qu'elle a déjà fait l'objet d'avis à tiers détenteurs qui l'ont mise dans une situation très précaire pour poursuivre son activité ; que l'inscription du privilège du Trésor effectuée en juillet 2008 a abouti à la dénonciation immédiate de tous les avantages dont elle bénéficiait en qualité de commissionnaire en douane et de transitaire auprès de l'administration des douanes, en matière d'importation, l'administration fiscale ayant également exercé à son encontre des saisies conservatoires et ayant immobilisé une créance ; qu'elle invoque des éléments sérieux et pertinents devant conduire la Cour à annuler les jugements rendus par le tribunal ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 février 2013 :

- le rapport de M. Delage, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Soyez, rapporteur public ;

Sur la jonction :

1. Considérant que les deux requêtes susvisées de la SOCIETE ASSOCIATED TRANSPORTS sont relatives aux mêmes impositions et sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la requête n° 11VE00228, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir :

2. Considérant que la société par actions simplifiée (SAS) ASSOCIATED TRANSPORTS, qui exerce une activité de commissionnaire en transports et d'achat-revente de matériel divers, a fait l'objet d'un contrôle sur pièces portant en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur la période du 1er juillet 2002 au 31 décembre 2002, à l'issue duquel une proposition de rectification lui a été adressée en date du 7 octobre 2004 ; qu'un rappel de taxe sur la valeur ajoutée a été effectué pour un montant de droits de 328 515 euros, résultant de la remise en cause de la déduction de la taxe facturée par la société à responsabilité limitée (SARL) D+ Catalogue Dentaire ; qu'en effet le service a constaté que cette dernière société ne disposait d'aucun moyen d'exploitation et avait pour finalité principale de transmettre un droit à déduction de taxe sur la valeur ajoutée et que la SOCIETE ASSOCIATED TRANSPORTS, qui ne pouvait l'ignorer, ne pouvait déduire la taxe afférente à des factures relatives à des achats fictifs ; que la requérante a saisi le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une demande tendant à la décharge du rappel qui lui a été ainsi assigné par avis de mise en recouvrement du 7 février 2006 pour un montant de 328 515 euros en droits, 19 558 euros d'intérêts de retard et 263 602 euros d'amende ; qu'elle relève appel du jugement du 25 novembre 2010 par lequel le tribunal a rejeté sa demande ;

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ; que la société critique la motivation de la proposition de rectification du 7 octobre 2004 ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que ce document, qui fait référence à l'analyse par le service de pièces fournies par la société requérante dans le cadre de se demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée effectuée le 22 octobre 2002, indique la période d'imposition, la nature, le montant et les motifs des rehaussements envisagés ; qu'il permettait à la société de présenter utilement ses observations, ce qu'elle a d'ailleurs fait par courrier du 28 octobre 2004 ; que le caractère suffisant de la motivation d'une proposition de rectification ne dépendant pas de la pertinence ou du bien-fondé des motifs qui y sont exposés, la requérante ne saurait utilement soutenir n'avoir jamais entretenu de relation commerciale avec la société D+, fournisseur de la société D+ Catalogue Dentaire ou être ignorante des relations entre ces deux sociétés ; qu'elle ne peut davantage utilement contester la pertinence des conclusions tirées par l'administration fiscale ; qu'elle n'est ainsi pas fondée à soutenir que la proposition de rectification qui lui a été adressée serait insuffisamment motivée ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration " et qu'aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1°) Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) " ;

5. Considérant que la requérante soutient que l'administration fiscale ayant fait droit à ses deux réclamations contentieuses tendant au remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée, puis procédé à une vérification de comptabilité n'ayant pas donné lieu à rappel, elle a ainsi pris formellement position au sens des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales ; qu'elle en conclut que l'administration ne pouvait revenir sur son analyse sans méconnaître les principes de sécurité juridique et de confiance légitime ; que, toutefois, que la société ne peut utilement se prévaloir de l'absence de redressement opéré sur la taxe afférente aux factures en litige par l'administration à l'issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet ; qu'en effet cette absence de redressement ne peut être regardée comme une prise de position formelle sur sa situation de fait au regard de la loi fiscale, au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ; que si la société invoque en outre des décisions de remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée prises au titre de la période en litige, elle ne produit aucune décision motivée qui pourrait être regardée comme constituant une prise de position formelle sur une situation de fait au sens de cet article ; qu'il suit de là que la SOCIETE ASSOCIATED TRANSPORTS n'est pas fondée à soutenir que les principes de sécurité juridique et de confiance légitime auraient été en conséquence méconnus ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

6. Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts et de l'article 230 de l'annexe II à ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services ; que dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ;

7. Considérant qu'à l'occasion du contrôle sur pièces, le service a constaté que la SOCIETE ASSOCIATED TRANSPORTS avait déduit de la taxe sur la valeur ajoutée facturée par la SARL D+ Catalogue Dentaire et obtenu à ce titre deux remboursements de crédit de taxe d'un montant global de 329 503 euros ; que les marchandises, qui ont été facturées à la société requérante par la société SARL D+ Catalogue Dentaire, ont été achetées auprès de la société " SARL D+ " ; que le ministre fait valoir sans être contredit que la SARL D+ ne disposait pas des moyens d'exploitation matériels et humains nécessaires à la réalisation desdites opérations facturées, en l'absence, notamment, de moyens de transports nécessaires aux livraisons, de locaux indispensables au stockage des marchandises et de salariés ; qu'il résulte également de l'instruction que cette dernière société était dans l'incapacité de produire la moindre facture d'achat ou de vente des marchandises livrées à la société SARL D+ Catalogue Dentaire et ne détenait pas davantage de bons de livraison et de factures de frais généraux ; que le service vérificateur a estimé que la SARL D+ catalogue dentaire était une société ne disposant d'aucun moyen d'exploitation et dont l'activité réelle consistait essentiellement à émettre des factures afin de transmettre un droit à déduction de taxe ; que par la proposition de rectification du 7 octobre 2007, le service a remis en cause la réalité de 43 flux de marchandises ; que si en cours de vérification, la société requérante a apporté des éléments concernant 4 flux, le service ne les a pas retenus en l'absence, notamment, des documents relatifs au transport des marchandises ; que pour rejeter la requête de la société, les premiers juges ont considéré que celle-ci se bornait à produire des documents visant plusieurs factures de ventes de biens, rendant infructueuse toute tentative de rattacher un flux de transport à un flux de livraison, les bons de réception et les documents de transport fournis étant imprécis ou incohérents quant à l'identité exacte des clients ainsi que sur la nature et la quantité des marchandises facturées et que, dans ces conditions, la SOCIETE ASSOCIATED TRANSPORTS n'était pas fondée à soutenir qu'elle participait à son insu à un circuit frauduleux de facturation ou encore qu'elle était ignorante quant à la situation de la société " SARL D+ Catalogue Dentaire ", le service devant par suite être regardé comme apportant la preuve qui lui incombe que les factures litigieuses étaient fictives ;

8. Considérant que pour établir la réalité des flux de marchandises qu'elle invoque, en réponse aux éléments ainsi apportés par l'administration, la société produit, outre les factures établies par son fournisseur et celles établies par elle-même à destination de ses clients, les lettres de voitures émanant des transporteurs ainsi que des bons de réception desdites marchandises ; qu'en particulier elle produit des lettres de voiture des transports Richaud, mentionnant comme expéditeur D+ Catalogue Dentaire à Aubagne, ainsi que des bons de réception du groupe Handling Sogaris qu'elle indique avoir mandaté pour réceptionner et notamment contrôler et peser les marchandises ; que, toutefois, les documents de transport dont s'agit ne précisent pas la nature et la quantité de marchandises mais uniquement leurs poids ; que ces documents ne sont dès lors pas suffisamment probants pour établir la réalité des flux de marchandises allégués ; que, dans les circonstances susdécrites, et alors même qu'elle n'était pas en relation commerciale avec la société D+, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a regardé les factures litigieuses comme fictives ;

En ce qui concerne les pénalités :

9. Considérant que la société requérante conteste l'application de la pénalité prévue à l'article 1787 du code général des impôts aux termes duquel " La remise en cause d'un remboursement de crédit de taxes sur le chiffre d'affaires obtenu indûment donne lieu à l'application d'une amende fiscale égale à 40 % des sommes restituées lorsque la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou à 80 % de ces sommes lorsqu'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses (...) " ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'en se référant, notamment, à l'absence de réalité des opérations facturées, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, que la société s'est rendue coupable de manoeuvres destinées à égarer le pouvoir de contrôle de l'administration ; que, dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses qui lui a été appliquée n'est pas justifiée ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE ASSOCIATED TRANSPORTS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions de la requête n° 11VE01829 :

12. Considérant que, dès lors que le présent arrêt statue au fond sur les prétentions de la requérante tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux, les conclusions de la SOCIETE ASSOCIATED TRANSPORTS tendant à ce que la Cour ordonne le sursis à exécution du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 25 novembre 2010 sont devenues sans objet ; qu'il n'y a, par suite, pas lieu d'y statuer ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SOCIETE ASSOCIATED TRANSPORTS la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête n°11VE00228 de la SOCIETE ASSOCIATED TRANSPORTS est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 11VE01829.

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N° 11VE00228


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 11VE00228
Date de la décision : 07/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-04 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Fraude.


Composition du Tribunal
Président : M. GAYET
Rapporteur ?: M. Philippe DELAGE
Rapporteur public ?: M. SOYEZ
Avocat(s) : BOZZACCHI ; BOZZACCHI ; BOZZACCHI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-03-07;11ve00228 ?
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