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24/01/2013 | FRANCE | N°11VE00413

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 24 janvier 2013, 11VE00413


Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société AIR LIBERTE et Me Gilles BARRONNIE, commissaire à l'exécution du plan de redressement, par Me Casali-Ollier, avocat ; les requérants demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0504142 du 2 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat au paiement des sommes de 1 617 220,38 dollars ($) et de 151 684,12 euros en réparation du préjudice résultant de l'acci

dent survenu à un appareil de la société à l'aéroport de Roissy-Charles...

Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société AIR LIBERTE et Me Gilles BARRONNIE, commissaire à l'exécution du plan de redressement, par Me Casali-Ollier, avocat ; les requérants demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0504142 du 2 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat au paiement des sommes de 1 617 220,38 dollars ($) et de 151 684,12 euros en réparation du préjudice résultant de l'accident survenu à un appareil de la société à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle le 25 mai 2000 ;

2°) d'annuler la décision implicite en date du 4 décembre 2004 par laquelle le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer a rejeté leur demande indemnitaire ;

3°) de condamner l'Etat au paiement des sommes de 1 617 220,38 dollars ($) et de 151 684,12 euros, majorées des intérêts de droit à compter de la demande préalable du 4 octobre 2004 ;

4°) de condamner l'Etat aux dépens ;

5°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin de déterminer l'étendue des préjudices subis au titre de la police corps et au titre de la police rachat de franchise ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- l'Etat est responsable de l'accident compte tenu des défaillances du contrôle aérien ;

- les divers chefs de préjudice doivent être évalués à 100 000 $ au titre de la franchise résiduelle, 586 768 $ au titre de la réparation des moteurs, 930 452,38 $ au titre de la location d'un aéronef de remplacement, et de 151 684,12 euros au titre des pertes d'exploitation ;

- c'est à tort que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a considéré que les requérants n'ont pas produit les pièces démontrant le montant des préjudices invoqués ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 janvier 2013 :

- le rapport de M. Lenoir, président assesseur,

- les conclusions de Mme Agier-Cabanes, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour la société AIR LIBERTE et Me Gilles BARRONNIE et les sociétés Lloyd's France SA, Aig Europe, Westminster Aviation Insurance Group, Wurttembergische Versicherung AG, Assicurazioni Generali London, Polygon Insurance Co Ltd, Allianz Versicherungs AG, Arab Insurance Group (BSC), Allianz Marine et Aviation France et New Hampshire Insurance Company et de Me A...de la SCP Cornet-Vincent-Segurel pour le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, le 25 mai 2000, un aéronef de type MD 83 appartenant à la société AIR LIBERTE est, alors qu'il s'était engagé sur la piste n° 27 de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle après avoir quitté l'aire de stationnement n° 19, entré en collision avec un aéronef de type Short exploité par la compagnie Streamline qui venait de quitter l'aire de stationnement n° 16 ; que cet accident a entraîné le décès du pilote de l'appareil de la compagnie Sreamline, de graves blessures pour le copilote de cet appareil et des dommages matériels pour les deux aéronefs ; que, par une lettre en date du 5 octobre 2004, la compagnie AIR LIBERTE et ses assureurs ont saisi le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer d'une demande préalable d'indemnisation des préjudices matériels subis par la société à l'occasion de ce sinistre ; que cette demande a été implicitement rejetée le 5 décembre 2004 ; que les requérants relèvent régulièrement appel du jugement en date du 2 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qu'elle avait saisi d'une demande de condamnation de l'Etat à lui verser les sommes de 1 617 220,38 $ et de 151 684,12 euros en réparation du préjudice résultant de cet accident, a rejeté celle-ci ;

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

Considérant qu'il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal, après avoir reconnu l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, s'est borné, sans mettre en doute l'existence d'un préjudice causé aux requérants par les fautes commises par les agents chargés du contrôle aérien, à relever que les éléments fournis par ces derniers ne permettaient pas de déterminer l'exactitude des sommes dont ils demandaient le paiement ; qu'en rejetant ainsi l'intégralité des conclusions indemnitaires dont ils étaient saisis en raison de ce qu'ils n'étaient pas en mesure d'établir l'importance du préjudice indemnisable alors qu'ils leur revenait, le cas échéant, de faire usage, contrairement à ce que soutient le ministre, de leurs pouvoirs d'instruction pour que soit précisée l'étendue de ce préjudice, les premiers juges n'ont pas rempli entièrement leur mission juridictionnelle et ont commis une erreur de droit ; que, par suite, les requérants sont fondé à demander l'annulation, pour ce motif, du jugement du 2 décembre 2010 ;

Considérant qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les conclusions présentées par la société AIR LIBERTE et Me C... devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, lesquelles ont été reprises dans leur intégralité dans le mémoire récapitulatif produit par les requérants le 28 juin 2012 ;

En ce qui concerne la demande d'indemnisation présentée par la société AIR LIBERTE et MeC... :

S'agissant de la responsabilité de l'Etat :

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des conclusions de l'enquête menée par le Bureau Enquête Accident, que l'accident survenu le 25 mai 2000 a pour origine une confusion commise par les agents chargés du contrôle aérien en ce qui concerne l'identification des appareils ayant demandé l'autorisation d'utiliser la piste n° 27 et l'envoi concomitant aux équipages des deux appareils de consignes d'accord pour l'utilisation de cette piste en vue du décollage ; que, par suite, il y a lieu de déclarer que l'Etat engage sa responsabilité à raison de la faute ainsi commise par ses agents ;

Considérant, d'autre part, que si le ministre, qui ne conteste pas que la responsabilité de l'Etat soit engagée, demande cependant à ce que cette responsabilité soit réduite à due proportion de la faute qu'aurait commise les équipages des appareils accidentés en ne réagissant pas aux instructions contradictoires qui leur étaient transmises, il ressort des pièces du dossier que l'équipage de l'appareil d'AIR LIBERTE s'est conformé aux instructions qu'il avait reçu et qu'aucune négligence ou erreur d'attention ne saurait lui être imputée ; que, par suite, l'Etat doit être déclaré seul responsable des dommages subis par l'aéronef de type MD 83 appartenant à la société AIR LIBERTE lors de l'accident du 25 mai 2000 ;

S'agissant de la demande de compensation intégrale présentée par l'Etat :

Considérant que le ministre fait valoir qu'il y aurait lieu de compenser intégralement les sommes demandées par les requérants avec la créance, d'un montant de 2 560 732 euros, supérieure aux sommes demandées à titre de réparation par ces derniers ; que, toutefois, le document communiqué à l'appui de cette demande, à savoir une lettre émise le 23 février 2010 par l'agent comptable du budget annexe " contrôle et exploitation aériens ", ne permet, compte tenu de son imprécision quant à la date d'exigibilité des redevances qui y sont mentionnés, de l'absence de mention des titres de recette correspondants et de l'absence de ventilation entre les dettes supposées des sociétés AOM et AIR LIBERTE, de considérer que la créance dont l'Etat se prévaut serait certaine et exigible ; que, par suite, cette demande de compensation intégrale ne peut qu'être rejetée ;

S'agissant de la détermination du préjudice :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. La mission confiée à l'expert peut viser à concilier les parties " ;

Considérant qu'ainsi qu'il l'a été précisé ci-dessus, il ressort des pièces du dossier que la faute commise par les services de l'aviation civile a été à l'origine d'un préjudice certain causé à la société Air Liberté et pour la réparation duquel l'Etat avait d'ailleurs mené des discussions avec cette société dans le cadre d'une procédure amiable ; que, toutefois, la Cour ne dispose pas, en l'état de l'instruction, des éléments lui permettant de se prononcer sur le montant de ce préjudice ; qu'il y a dès lors lieu, avant de statuer sur la présente requête, d'ordonner une expertise aux fins de fournir à la Cour tous les éléments de nature à lui permettre d'apprécier quel est le montant exact du préjudice subi par la société AIR LIBERTE à la suite de l'accident du 25 mai 2000 ; qu'en outre, et conformément aux dispositions précitées de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, l'expert pourra concilier les parties ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0504142 du 2 décembre 2010 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : Il sera, avant de statuer sur la requête de la société AIR LIBERTE et de Me C..., procédé par un expert, désigné par le président de la Cour, à une expertise avec mission de :

- déterminer le coût de réparation de l'appareil MD 83 endommagé à la suite de l'accident du 25 mai 2000 ainsi que le coût de son immobilisation ;

- préciser si l'accident en question a rendu nécessaire la réparation des moteurs de l'appareil MD 83 et, dans l'affirmative, le coût de cette réparation ;

- déterminer le montant des pertes d'exploitation subies par la société AIR LIBERTE à la suite de cet accident ;

- préciser si la location d'un appareil de substitution s'est avérée nécessaire et, dans l'affirmative, le coût de cette location ;

- faire, le cas échéant, toute constatation utile.

Article 3 : L'expert aura également pour mission de concilier les parties.

Article 4 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la Cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la Cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par le président de la Cour dans sa décision le désignant.

Article 5 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 6 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

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