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28/12/2012 | FRANCE | N°12VE02148

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 28 décembre 2012, 12VE02148


Vu la requête, enregistrée le 8 juin 2012, présentée pour M. A...E..., demeurant ...par Me D... ; M. E...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200141 du 30 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 décembre 2011 par lequel le préfet des Yvelines a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour en France ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 d

écembre 2011 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation proviso...

Vu la requête, enregistrée le 8 juin 2012, présentée pour M. A...E..., demeurant ...par Me D... ; M. E...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200141 du 30 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 décembre 2011 par lequel le préfet des Yvelines a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour en France ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2011 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 7 jours en attente du réexamen de sa situation et de lui délivrer un titre de séjour " salarié " dans le délai de 2 mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le requérant soutient que :

- la légalité de la délégation de signature du préfet des Yvelines n'est pas établie ;

- c'est à tort que la décision attaquée se fonde sur ce qu'il ne justifie d'aucun diplôme ce qui prouve que son dossier n'a pas fait l'objet d'une sérieuse instruction alors qu'il s'est présenté en préfecture avec son employeur ;

- la liste des métiers de l'arrêté du 11 août 2011 est indicative et le profil d'agent d'entretien faisant partie de ces métiers, il remplit les critères de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté a été pris méconnaissance des articles L. 313-14 et L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que ses centres d'intérêts privés et professionnels sont définitivement fixés en France depuis plus de 6 ans, qu'il justifie de son intégration ainsi que vivre en concubinage depuis 4 ans avec une compatriote et ainsi de circonstances exceptionnelles et que le préfet était tenu d'examiner sa demande sur les deux fondements prévus par l'article L. 313-14 ;

- l'arrêté a été pris en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés eu égard à ce qui a été développé précédemment et au sens large de la protection de la vie privée telle que reconnue par la Cour européenne des droits de l'homme ;

- sur la décision portant interdiction de retour : l'autorité préfectorale s'est restreinte sciemment pour prendre cette décision au seul critère de l'alinéa 7 de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de ce qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement alors qu'au regard des trois autres critères, qu'il remplit parfaitement, le fait de ne pas avoir déféré à une mesure d'éloignement est un détail ; qu'il ne peut pas être présenté comme un danger pour l'ordre public ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du 11 août 2011 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 décembre 2012 le rapport de Mme Geffroy, premier conseiller ;

Considérant que M.E..., ressortissant de la République Démocratique du Congo né le 13 février 1979, fait appel du jugement du 30 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Yvelines du 14 décembre 2011 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire à destination de son pays d'origine et portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'une année ;

Considérant, en premier lieu, que Mme C...B..., directrice de la citoyenneté, de l'immigration et de l'intégration, qui a signé l'arrêté attaqué, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet des Yvelines en date du 5 septembre 2011, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs du département n° 51 du 5 septembre 2011 et, au demeurant, visée par l'arrêté attaqué ; que, par suite, le moyen, invoqué pour la première fois en appel, tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions contenues dans l'arrêté attaqué doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que le requérant ne peut utilement se prévaloir d'un document daté du 30 décembre 2011, postérieur à la décision attaquée, qui établit sa réussite pour l'année 2003/2004 au " cycle de graduat en sciences comptables et financières, option comptabilité " pour soutenir que le préfet aurait à tort retenu qu'il ne justifiait d'aucun diplôme et aurait, ainsi, omis d'instruire sérieusement sa demande alors qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 14 décembre 2011 que le préfet des Yvelines s'est livré à un examen particulier de la demande de M. E...;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. / Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article. " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en présence d'une demande de régularisation en qualité de salarié présentée sur le fondement de l'article L. 313-14, l'autorité administrative doit d'abord vérifier si des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifient la délivrance d'une des cartes de séjour mentionnée par les dispositions précitées ;

Considérant, d'une part, que M. E...soutient que son admission exceptionnelle au séjour se justifie par sa durée de présence de plus de 6 années, de ce qu'il vit en concubinage depuis 4 ans avec une compatriote et par sa volonté d'intégration dans la société française ; que, toutefois, l'intéressé qui se prévaut pour la première fois en appel de cette relation de concubinage, n'établit ni l'avoir portée à la connaissance du préfet, ni, en tout état de cause, ne produit d'élément à l'appui de la réalité et de la durée de cette relation ; que si l'intéressé justifie que ses parents sont décédés en 1986 et 1988 et qu'il a une soeur de nationalité française, ces circonstances ne sont pas de nature à établir l'existence de motifs exceptionnels ou humanitaires ; que dès lors qu'il soutient être en France depuis 6 années, le requérant n'est pas davantage fondé à se prévaloir de ce que l'autorité administrative était tenue de soumettre sa demande pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, d'autre part, que si M. E...fait valoir, comme autre motif exceptionnel, qu'il peut travailler en qualité d'agent d'entretien à domicile et produit une promesse d'embauche du 22 octobre 2011 en qualité d'aide à domicile à temps plein, ces métiers ne font pas partie de la liste des métiers caractérisés par des difficultés de recrutement, au sens des dispositions de l'arrêté du 11 août 2011 ; qu'il suit de là que le préfet des Yvelines n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code précité en refusant de délivrer un titre de séjour à l'intéressé sur ce fondement ;

Considérant, enfin, que, l'arrêté attaqué indique notamment qu'il est célibataire, sans enfant, et ne justifie pas que le centre de ses intérêts personnels et familiaux serait en France ; que le moyen tiré de ce que le préfet n'aurait pas examiné la demande de M. E...sur le fondement de la vie privée et familiale de l'article L. 313-14 précité manque, ainsi, en fait et doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant que M.E..., après s'être présenté à Roissy le 29 décembre 2005 en provenance de Cotonou avec un passeport d'emprunt, a été admis en France le 2 janvier 2006 sous couvert d'un sauf-conduit d'une durée de 8 jours aux fins de déposer une demande d'asile qui lui a été refusée le 22 mai 2006 par l'Ofpra, décision confirmée le 11 janvier 2008 par la Commission des recours des réfugiés ; qu'à supposer qu'il soit présent en France depuis 6 années à la date du refus de séjour attaqué, il n'établit ni ne précise la relation de concubinage alléguée en France ni davantage la réalité et l'intensité des liens privés qu'il soutient entretenir en France ; qu'il ne justifie pas davantage par les pièces qu'il produit de l'absence de famille dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans alors que ses parents étaient décédés depuis plus de quinze ans ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que cet arrêté n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an :

Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. - L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / (...) Lorsqu' aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification. / (...) / Lorsque l'étranger faisant l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire ou alors qu'il était obligé de quitter sans délai le territoire français ou, ayant déféré à l'obligation de quitter le territoire français, y est revenu alors que l'interdiction de retour poursuit ses effets, l'autorité administrative peut prolonger cette mesure pour une durée maximale de deux ans. / L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / L'autorité administrative peut à tout moment abroger l'interdiction de retour. (...) " ;

Considérant qu'il ressort des termes mêmes des dispositions législatives précitées que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ; que la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs ; que si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère ; qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour et si la décision ne porte pas au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;

Considérant que, pour interdire à M. E...de revenir sur le territoire français et en fixant à un an la durée de cette interdiction, le préfet des Yvelines s'est fondé sur la durée et les conditions irrégulières d'entrée et de séjour en France, de ce qu'il ne justifiait pas de liens personnels et familiaux en France et de ce qu'une précédente mesure d'éloignement n'avait pas été respectée ; que, d'une part, le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que le préfet ne se serait fondé que sur la mesure d'éloignement de 2008 pour prendre sa décision ; que, d'autre part, dans ces conditions, alors même qu'il réside depuis six ans en France et que son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public, il ne ressort pas des pièces du dossier, l'intéressé, ainsi qu'il a été dit précédemment, n'établissant pas vivre en concubinage avec une compatriote, et ne contestant pas ne pas avoir exécuté la mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 29 octobre 2008, que le préfet des Yvelines aurait, en prononçant à l'encontre de M. E...une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, porté au droit de l'intéressé à la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.

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N° 12VE02148


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE02148
Date de la décision : 28/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: Mme AGIER-CABANES
Avocat(s) : ROSSINYOL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-12-28;12ve02148 ?
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