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18/12/2012 | FRANCE | N°12VE00945

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 18 décembre 2012, 12VE00945


Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2012 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour Me D...C..., liquidateur judiciaire de la société AEER Régions, demeurant au..., par la SCP Gatineau-Fattaccini, avocats ; Me C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0907129 en date du 22 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 12 juin 2009 par laquelle l'inspecteur du travail de la 8ème section de l'Essonne l'a autorisée à licencier Mme A...pour motif économique ;

2°) de rejeter la req

uête de Mme A...tendant à l'annulation de cette décision présentée en premièr...

Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2012 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour Me D...C..., liquidateur judiciaire de la société AEER Régions, demeurant au..., par la SCP Gatineau-Fattaccini, avocats ; Me C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0907129 en date du 22 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 12 juin 2009 par laquelle l'inspecteur du travail de la 8ème section de l'Essonne l'a autorisée à licencier Mme A...pour motif économique ;

2°) de rejeter la requête de Mme A...tendant à l'annulation de cette décision présentée en première instance ;

3°) de condamner Mme A...à lui verser une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Elle soutient que le jugement du Tribunal administratif de Versailles est irrégulier pour défaut des signatures prévues à l'article R. 741-7 du code de justice administrative, qu'il a été rendu au terme d'une procédure irrégulière car elle n'a pas été convoquée à l'audience publique et que le jugement est insuffisamment motivé ; qu'il est, en outre, entaché de plusieurs erreurs de droit car, d'une part, il n'appartient pas à l'autorité administrative de se prononcer sur le respect, par le liquidateur judiciaire, des obligations de reclassement externe qui découlent d'un plan social, d'autre part, le tribunal administratif ne pouvait déduire de la seule brièveté des délais impartis aux entreprises contactées en vue du reclassement de Mme A...l'insuffisance des diligences qu'elle a accomplies à cette fin et, enfin, elle était tenue de respecter les délais qui découlent de l'application des dispositions de l'article L. 3253-8 du code du travail qui doivent être combinées avec celles de l'article L. 1233-4 du même code ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 4 avril 2012, présenté pour MeC... ; elle conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que la requête ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 18 mai 2012, présenté pour MeC... ; elle conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que la requête ; elle soutient, en outre, que le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier car, malgré la brièveté des délais, l'employeur a procédé à un examen précis et personnel des possibilités de reclassement de Mme A...auprès des sociétés membres du groupe auquel appartenait la société AEER Régions ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2012, présenté pour Mme A...par Me Mendel, avocat ; elle conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la décision de l'inspectrice du travail du 12 juin 2009 est illégale car la demande d'autoriser son licenciement n'a pas été préalablement soumise au comité d'entreprise et que le mandataire judiciaire n'a pas satisfait à l'obligation qu'il lui incombait de rechercher un emploi permettant son reclassement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2012 :

- le rapport de M. Meyer, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme A...a été recrutée le 27 novembre 2004 par la société AEER.COM ; qu'elle a été élue déléguée du personnel suppléante le 6 septembre 2006 ; que la société AEER.COM a été absorbée par la société AEER Régions le 2 avril 2008 ; que par un jugement en date du 25 mai 2009, le Tribunal de commerce d'Evry a prononcé la liquidation judiciaire de la société AEER Régions et a désigné Me C...en qualité de liquidateur ; que par un courrier daté du 5 juin 2009, Me C...a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de licencier Mme A...pour motif économique ;

2. Considérant que Me C...relève appel du jugement du 22 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 12 juin 2009 portant autorisation de licencier Mme A...;

Sur la régularité du jugement

3. Considérant que les minutes du jugement attaqué du Tribunal administratif de Versailles portent la signature du président de la formation du jugement, du rapporteur et du greffier de l'audience publique du 15 décembre 2011 ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative manque en fait ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'avocat de Me C...a reçu le 24 novembre 2011 la lettre avec accusé de réception par laquelle il a été convoqué à l'audience publique du 15 décembre 2011 du Tribunal administratif de Versailles ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 711-2 du code de justice administrative manque également en fait ;

5. Considérant que l'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés " ; qu'en jugeant que " (...) pour sa part, le mandataire judiciaire fait valoir qu'il avait l'obligation, en application des dispositions des articles L. 3253-8 et L. 3253-9 du code du travail, de présenter une demande d'autorisation de licenciement à l'inspection du travail dans un délai de quinze jours à compter du jugement de liquidation de la société dont s'agir ; que, toutefois, d'une part, s'il se fonde sur un courrier d " l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) en date du 20 février 2004, adressée à la président du conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises, ce document est dépourvu de toute valeur légale et réglementaire ; que, d'autre part, et en tout état de cause les dispositions des articles L. 3253-8 et L. 3253-9 du code du travail ne sauraient avoir pour objet ou pour effet de faire obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail, relatives à l'obligations de l'employeur en matière de reclassement ", le tribunal administratif a répondu de manière suffisante au moyen de Me C...tiré de l'obligation dans laquelle elle se trouvait d'appliquer les dispositions des articles L. 3253-8 et L. 3253-9 du code du travail ;

Sur le fond :

6. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que le licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte, notamment, de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière y compris lorsque l'entreprise fait l'objet d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ; que, au cas où la cessation totale de l'activité est prononcée à la suite d'une mise en liquidation des biens sans autorisation de poursuite d'activité, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant au ministre, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier si la possibilité d'assurer le cas échéant le reclassement du salarié dans les sociétés du groupe auquel appartient la société dont la cessation totale d'activité a été prononcée a été examinée ;

7. Considérant que, par une décision en date du 12 juin 2009, l'inspecteur du travail de la 8ème section de l'Essonne a accordé à MeC..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société AEER Régions, l'autorisation de licencier pour motif économique MmeA..., titulaire d'un mandat de représentation du personnel au sein de la société ; qu'il ressort des pièces du dossier et des motifs mêmes de cette décision que l'inspecteur du travail a entendu tirer les conséquences du jugement du Tribunal de commerce d'Evry en date du 25 mai 2009 prononçant la liquidation judiciaire de la société AEER Régions ; que cependant la liquidation judiciaire ainsi prononcée ne peut avoir légalement pour effet de faire échec à l'application des dispositions du code du travail relatives à la protection exceptionnelle dont bénéficient certains salariés ; que par suite, il incombe à l'autorité administrative d'apprécier la réalité de la suppression des postes de travail ainsi que des possibilités de reclassement et d'examiner le caractère éventuellement discriminatoire de la demande de licenciement ;

8. Considérant qu'en l'espèce, les obligations qui pesaient sur le mandataire liquidateur en matière de reclassement des salariés ne trouvaient pas leur source dans les stipulations d'un plan social dont il reviendrait à la seule juridiction judiciaire de connaître ;

9. Considérant que l'article L. 3253-6 du code du travail dispose que : " Tout employeur de droit privé assure ses salariés, y compris ceux détachés à l'étranger ou expatriés mentionnés à l'article L. 5422-13, contre le risque de non-paiement des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail, en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire " ; qu'aux termes de l'article L. 3253-8 du même code : " L'assurance mentionnée à l'article L. 3253-6 couvre : (...)2° Les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant : a) Pendant la période d'observation ; b) Dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession ; c) Dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation ; (...) " ; qu'enfin selon l'article L. 3253-9 du même code : " Sont également couvertes les créances résultant du licenciement des salariés bénéficiaires d'une protection particulière relative au licenciement dès lors que l'administrateur, l'employeur ou le liquidateur, selon le cas, a manifesté, au cours des périodes mentionnées au 2° de l'article L. 3253-8, son intention de rompre le contrat de travail. " ; qu'il résulte de ces dispositions que, s'agissant des salariés visés à l'article L. 3253-9 dudit code, le bénéfice de l'assurance instituée à l'article L. 3253-6 du même code est acquis lorsque l'employeur ou le liquidateur a informé l'intéressé de son intention de rompre son contrat de travail au plus tard dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation ; que Me C...n'était par conséquent pas tenue ni de demander, ni, a fortiori, d'obtenir, dans ce délai, l'autorisation de licencier Mme A...mais seulement de l'informer de son intention de rompre son contrat de travail ;

10. Considérant que l'article L. 1233-4 du code du travail dispose que : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. " ; que par des courriers datés du 27 mai 2009, et envoyés le lendemain, Me C...a demandé à plusieurs entreprises appartenant au même groupe que la société AEER Régions, et dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles avaient été placées en liquidation judiciaire ni qu'elles avaient cessé toute activité à cette date, si elles disposaient d'emplois disponibles susceptibles d'être proposés aux salariés de la société AEER Régions ; que ces courriers imposaient aux entreprises destinataires d'apporter une réponse " impérativement avant le 2 juin 2009 " ; qu'il ressort des pièces versées au dossier que ces courriers n'ont été reçus que le 2 juin 2009, soit à une date à laquelle il n'était plus possible d'y répondre ; qu'au surplus, Me C...a demandé l'autorisation de licencier Mme A...par un courrier du 5 juin 2009 ; qu'en jugeant que, dans les circonstances de l'espèce, le liquidateur ne peut être regardé comme ayant procédé à un examen précis et personnel des possibilités de reclassement de Mme A...auprès des sociétés appartenant au même groupe que la société AEER Régions, le Tribunal administratif de Versailles n'a pas entaché son jugement d'une erreur de droit ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Me C...n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 22 décembre 2011 ;

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que MmeA..., qui n'est pas la partie perdante de la présente instance, soit condamnée à verser à Me C...la somme qu'elle demande au titre des frais non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat, qui n'a pas relevé appel du jugement du Tribunal administratif de Versailles du 22 décembre 2011, à verser à Mme A...la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Me C...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Mme A...tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me D...C..., à Mme B... A...et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 4 décembre 2012, où siégeaient :

M. BROTONS, président ;

Mme BORET, premier conseiller ;

M. MEYER, premier conseiller ;

Lu en audience publique, le 18 décembre 2012.

Le rapporteur,

E. MEYERLe président,

S. BROTONSLe greffier,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

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N° 12VE00945 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE00945
Date de la décision : 18/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique. Obligation de reclassement.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Emmanuel MEYER
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : MENDEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-12-18;12ve00945 ?
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