La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/12/2012 | FRANCE | N°12VE00496

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 04 décembre 2012, 12VE00496


Vu la requête, enregistrée le 9 février 2012 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. A...C..., demeurant..., par Me Khakpour, avocat à la Cour ; M. C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103971 en date du 8 juin 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 11 mai 2011 décidant sa reconduite à la frontière et fixant le pays à destination duquel il serait renvoyé ;

2°) d

'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Se...

Vu la requête, enregistrée le 9 février 2012 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. A...C..., demeurant..., par Me Khakpour, avocat à la Cour ; M. C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103971 en date du 8 juin 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 11 mai 2011 décidant sa reconduite à la frontière et fixant le pays à destination duquel il serait renvoyé ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sur le fondement du 3° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à Me Khakpour, en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de donner acte à ce dernier de ce qu'il renonce à percevoir de l'Etat la contribution correspondant à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

Il soutient :

- que le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- que l'arrêté contesté est illisible et qu'il n'est pas justifié de la compétence de son signataire ;

- qu'il est également insuffisamment motivé ;

- qu'il ne fait pas mention de son placement en rétention et qu'aucun procès-verbal de rétention ne lui a été notifié ;

- que l'exposant n'a pas été mis en mesure d'avoir accès à un conseil pendant sa rétention, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 512-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- qu'une erreur manifeste d'appréciation a été commise dès lors qu'il est titulaire d'un passeport délivré par les autorités de l'ancienne Union soviétique et qu'il n'est pas de nationalité ukrainienne ; qu'il ne pouvait faire l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière dès lors que la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'était pas encore devenue définitive ; qu'en outre, il justifie d'une présence habituelle en France de treize années et y a obtenu un master 2 en mathématique et informatique ;

- qu'un titre de séjour doit lui être accordé sur le fondement du 3° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sur celui du 10° de l'article L. 314-11 de ce code ; que la circulaire ministérielle du 19 décembre 2002 n'a pas été respectée ;

- que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues dès lors qu'il vit en France depuis 1998, qu'il y a étudié et travaillé ;

- que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été également méconnues de sorte qu'il ne peut être renvoyé en Ukraine, pays dont il n'a, du reste, pas la nationalité ; qu'il ne détient qu'un passeport de l'ex Union soviétique qui n'est plus valide compte tenu de la dissolution de ce pays en 1991 et qu'il n'a de lien affectif avec aucun de ces deux pays ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides publiée par le décret n° 60-1066 du 4 octobre 1960 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 20 novembre 2012 :

- le rapport de Mme Riou, premier conseiller,

- et les observations de Me Khakpour, pour M.C... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 novembre 2012, présentée pour M. C... ;

1. Considérant que M.C..., né le 27 septembre 1967, fait appel du jugement en date du 8 juin 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 11 mai 2011 décidant sa reconduite à la frontière et fixant le pays à destination duquel il serait renvoyé ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...ne justifie pas être entré régulièrement en France en 1998 et était dépourvu de tout titre de séjour à la date de l'arrêté attaqué ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées du 1° du II de l'article L. 511-1 ;

Sur la légalité externe :

3. Considérant, en premier lieu, que M.B..., chef du bureau du contentieux des étrangers, signataire de l'arrêté attaqué, disposait d'une délégation de signature, consentie par le préfet de la Seine-Saint-Denis par un arrêté du 22 novembre 2010 régulièrement publié au bulletin d'informations administratives, l'autorisant à signer l'arrêté litigieux ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif, les moyens tirés de ce que l'arrêté contesté serait illisible et insuffisamment motivé ;

5. Considérant, en troisième lieu, que la double circonstance que la décision de reconduite à la frontière attaquée ne mentionne pas le placement en rétention du requérant et que l'administration n'aurait pas notifié à l'intéressé son placement en rétention est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé de reconduire M. C...à la frontière ;

6. Considérant, enfin, que si, aux termes de l'article L. 512-1, dans sa rédaction alors applicable, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dès notification de l'arrêté de reconduite à la frontière, l'étranger est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix ", la méconnaissance de cette disposition qui concerne la procédure applicable après l'intervention de l'arrêté de reconduite à la frontière est, à la supposer établie, sans incidence sur la légalité dudit arrêté ;

Sur la légalité interne :

7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides : " (...) le terme " apatride " désigne une personne qu'aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 721-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'office reconnaît la qualité de réfugié ou accorde le bénéfice de la protection subsidiaire aux personnes remplissant les conditions mentionnées au titre 1er du présent livre (...) " ;

8. Considérant, d'une part, que si, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit à s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (...) ", ces dispositions instituant un droit au séjour en faveur des demandeurs d'asile politique jusqu'à ce qu'il ait été statué sur leur demande ne peuvent, en l'absence de texte, être étendues aux personnes ayant demandé la reconnaissance du statut d'apatride ; que, par suite, si M. C... se prévaut d'un recours pendant devant la Cour à l'encontre de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 21 juin 2004 refusant de lui reconnaître la qualité d'apatride, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe ne lui ouvrait droit à séjourner en France jusqu'à ce qu'il soit statué sur cette demande ; qu'il suit de là que le préfet de la Seine-Saint-Denis pouvait légalement prendre l'arrêté attaqué, alors même qu'à la date à laquelle il a été pris, la Cour ne s'était pas encore prononcée sur le recours de l'intéressé, n'ayant rejeté sa requête que par un arrêt du 19 janvier 2012 ;

9. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que M. C... est né en 1967 sur le territoire de l'actuelle République d'Ukraine ; que s'il soutient que, compte tenu de la dissolution, en 1991, de l'Union soviétique, le passeport qui lui a été délivré par les autorités de ce pays n'est plus valable et qu'il n'a, par ailleurs, aucun lien avec l'Ukraine, il n'établit ni même n'allègue avoir accompli des démarches en vue de régulariser sa situation ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, M. C...doit être regardé comme s'étant volontairement placé dans la situation d'être privé de sa nationalité et ne peut donc être considéré comme un apatride au sens de la convention de New York précitée ; qu'il ne pouvait dès lors prétendre à l'obtention de plein droit d'une carte de séjour en application du 9° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 3° A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, dont l'un des parents est titulaire de la carte de séjour " compétences et talents " ou de la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié en mission ", ainsi qu'à l'étranger dont le conjoint est titulaire de l'une de ces cartes. Le titulaire de la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié en mission " doit résider en France dans les conditions définies au dernier alinéa du 5° de l'article L. 313-10 (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant n'entre pas dans les prévisions de cet article ;

11. Considérant, en troisième lieu, que le requérant ne peut utilement se prévaloir du 10° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'existe pas ;

12. Considérant, en quatrième lieu, que M. C...ne peut utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire ministérielle du 19 décembre 2002, laquelle ne présente pas un caractère réglementaire ;

13. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, opérant à l'encontre de la seule décision portant obligation de quitter le territoire français : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance /2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

14. Considérant que M. C...allègue vivre en France depuis 1998, où il aurait étudié et travaillé ; que, toutefois, alors qu'il est constant que l'intéressé est célibataire et sans charge de famille, il ne justifie pas résider de manière habituelle sur le territoire français depuis plus de dix ans et n'établit, ni même d'ailleurs n'allègue, être dépourvu de toute attache familiale en République d'Ukraine ; que, dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris ; qu'il n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour le même motif, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cet arrêté sur la situation personnelle du requérant ne peut être accueilli ;

15. Considérant, enfin, que M. C...n'établit ni même n'allègue encourir des risques personnels en cas de retour en République d'Ukraine ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

''

''

''

''

2

N° 12VE00496


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE00496
Date de la décision : 04/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Catherine RIOU
Rapporteur public ?: M. LOCATELLI
Avocat(s) : KHAKPOUR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-12-04;12ve00496 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award