Vu, enregistré le 17 mai 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, le recours présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT, qui demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0704311 en date du 20 janvier 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a accordé la restitution de la moitié des avoir fiscaux diminuée de la retenue à la source prévue aux stipulations du b) du paragraphe 3 de l'article 10 de la convention fiscale franco-italienne que la société de droit italien Italcementi Spa avait sollicitée les 24 mai et 26 juillet 2004 au titre des dividendes perçus de sa filiale française Internationale Italcementi France au cours des mêmes mois de mai et juillet 2004 ;
2°) d'ordonner le remboursement des quotes-parts d'avoir fiscaux restituées à la société pour une somme globale de 9 594 286 euros ;
Le ministre soutient que le tribunal a méconnu les règles de restitution de l'avoir fiscal au profit des sociétés-mères italiennes à raison des dividendes perçus par ces dernières de leurs filiales françaises ; que le code général des impôts réserve le bénéfice de l'avoir fiscal aux dividendes versés par des sociétés françaises au profit de leurs seuls actionnaires résidents de France ; que le mécanisme de l'avoir fiscal, alors en vigueur, était destiné à éviter une double imposition : une imposition primitive des bénéfices à raison desquels le dividende auquel il était attaché était payé à l'actionnaire final et une imposition en second de ces bénéfices chez l'actionnaire à la suite de la mise en paiement des dividendes ; que la seule exception à ce principe a été introduite par l'article 62 de la loi de finance pour 1970, codifié à l'article 242 quater du code général des impôts, au terme duquel le bénéfice de l'avoir fiscal peut-être accordé aux personnes domiciliées sur le territoire des Etats ayant conclu avec la France des conventions tendant à éviter les doubles impositions ; que la convention franco-italienne est particulière en ce qu'elle est la seule convention qui, compte tenu de la bilatéralisation du transfert de l'avoir fiscal qui était accordé par les législations internes française et italienne aux résidents de l'autre Etat, stipule en faveur des sociétés mères résidentes d'Italie le transfert partiel de l'avoir fiscal français en sus du taux super réduit de retenue à la source ; que les stipulations de l'alinéa b) du paragraphe 3 de l'article 10 de la convention franco-italienne accordaient à ces sociétés mères la restitution de la moitié de l'avoir fiscal sous déduction de la retenue à la source au taux conventionnel prévue par le paragraphe 2 du même article et que ce remboursement en numéraire affectait les comptes du Trésor français, sous réserve, toutefois, que la société mère italienne bénéficiaire des dividendes en provenance de France puisse être assimilée à une société mère résidente de France qui aurait pu elle-même bénéficier de l'avoir fiscal attaché aux dividendes qui leur étaient payés ; que l'article 93 de la loi n° 2003-1311 de finances pour 2004 a supprimé, pour les personnes autres que les personnes physiques, l'avoir fiscal utilisable à compter du 1er janvier 2005 et corrélativement abrogé les dispositions relatives au précompte exigible sur les distributions mises en paiement depuis le 1er janvier 2005 ; qu'ainsi, en jugeant qu'aucune disposition législative, ni aucune stipulation conventionnelle n'imposait un délai à la société Italcementi Spa avant de pouvoir solliciter le remboursement de la moitié des avoirs fiscaux attachés aux dividendes distribués au cours de l'année 2004 dont elle était bénéficiaire, le premier juge a commis une erreur de droit ; qu'en effet, dans la mesure où la situation des sociétés mères italiennes était, en raison même des stipulations conventionnelles, alignée sur celle des sociétés mères résidentes de France, les premières ne pouvaient solliciter, en 2004, la restitution de l'avoir fiscal afférent aux distributions perçues au cours de ladite année ; qu'une telle demande ne pouvait être validée par l'administration fiscale antérieurement au 1er janvier 2005 ; à cette date, en effet, les personnes morales ne pouvaient plus utiliser, par disposition de la loi, l'avoir fiscal attaché aux dividendes reçus en 2004 ; que, dans ces conditions, sauf à ce qu'elle ait elle-même procédé à la redistribution des dividendes reçus, la société Italcementi Spa n'était donc pas en droit de réclamer le remboursement du demi avoir fiscal, diminué de la retenue à la source, attaché aux dividendes perçus de sa filiale française en 2004 ; qu'en jugeant que l'instruction référencée 4 J-2-05 du 28 avril 2005, qui prévoyait une obligation de redistribution des dividendes reçus de la filiale française, instaurait une condition non prévue par la convention et n'était par suite pas opposable, les premiers juges ont commis une seconde erreur de droit ; qu'en effet, cette instruction n'a fait que transposer aux sociétés mères italiennes les règles de droit interne ; qu'après l'entrée en vigueur de la loi de finances pour 2004, les sociétés mères conservaient certes la possibilité d'imputer l'avoir fiscal afférent aux dividendes perçus en 2004, mais cette possibilité ne leur était plus offerte qu'en cas de redistribution des dividendes perçus non plus par imputation sur le précompte, mais sur le prélèvement exceptionnel applicable aux distributions ; que c'est dès lors à tort que les premiers juges ont retenu que la condition de distribution n'était pas opposable à la société italienne ; que le tribunal a considéré, au prix d'une contradiction, que les sociétés mères françaises et italiennes avaient été traitées de façon identique au regard de l'article 93 de la loi n° 2003-1311 ; que les dividendes reçus par la société mère italienne en mai et juillet 2004 n'ayant pas été redistribués à l'actionnaire final avant le 1er janvier 2005, celle-ci ne pouvait donc bénéficier de la restitution de la quote-part d'avoir fiscal sollicitée ;
.......................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention fiscale signée à Venise le 5 octobre 1989 entre la France et l'Italie en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales approuvée par la loi n° 90-456 du 1er juin 1990, entrée en vigueur le 1er mai 1992 et publiée le 8 mai 1992 par décret n° 92-422 du 4 mai 1992 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 portant loi de finances pour 2004 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2012 :
- le rapport de M. Locatelli, premier conseiller,
- les conclusions de M. Brunelli, rapporteur public,
- et les observations de Me Entraygues pour la société Italcementi Spa ;
Considérant qu'aux termes de l'article 158 bis du code général des impôts, alors en vigueur : " I. Les personnes qui perçoivent des dividendes distribués par des sociétés françaises disposent à ce titre d'un revenu constitué : \ a) par les sommes qu'elles reçoivent de la société ; \ b) par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor. Ce crédit d'impôt est égal à la moitié des sommes effectivement versées par la société. \ Il ne peut être utilisé que dans la mesure où le revenu est compris dans la base de l'impôt sur le revenu dû par le bénéficiaire. \ Il est reçu en paiement de cet impôt (...) " ; qu'aux termes de l'article 158 ter du même code : " Les dispositions de l'article 158 bis s'appliquent exclusivement aux produits d'actions, de parts sociales ou de parts bénéficiaires dont la distribution est postérieure au 31 décembre 1965 et résulte d'une décision régulière des organes compétents de la société " et qu'aux termes de l'article 93 de la loi du 30 décembre 2003 portant loi de finances pour 2004 : " I. A. - Le code général des impôts est ainsi modifié : \ 1° Les articles 158 bis, 158 ter, 158 quater, 209 bis, 209 ter et 242 quater sont abrogés ; (...) D. - Les dispositions des 1°, 2° et 6° à 9° du A et les dispositions du B et du C sont applicables aux revenus distribués ou répartis perçus à compter du 1er janvier 2005 (...) \ Toutefois, pour les personnes autres que les personnes physiques, les dispositions du 1° du A sont applicables aux crédits d'impôt utilisables à compter du 1er janvier 2005 (...) " ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du code général des impôts que l'avoir fiscal est exclusivement attaché aux dividendes distribués par une société à ses associés en vertu d'une décision prise par l'assemblée générale de ses actionnaires ou porteurs de parts, dans les conditions prévues par la loi du 24 juillet 1966 modifiée relative aux sociétés commerciales ; qu'il est constant que la société Internationale Italcementi France a distribué, dans des conditions régulières, en mai et juillet 2004, des dividendes à sa société mère de droit italien Italcementi Spa et que ces distributions, dont le montant global s'est élevé à la somme de 40 396 995 euros, ont été assorties de l'avoir fiscal ; que l'administration a toutefois estimé que la société Italcementi Spa ne pouvait obtenir le paiement direct de la moitié de ces avoirs fiscaux, diminuée de la retenue à la source dans les conditions fixées à l'article 10 de la convention fiscale franco-italienne, qu'elle avait sollicité dès les mois de mai et juillet 2004, au motif que la législation interne à laquelle renvoie la convention, notamment l'article 93 précité de la loi de finances pour 2004, faisait obstacle à la restitution de l'avoir fiscal, en l'absence de redistribution à ses actionnaires finaux, des dividendes ainsi perçus par la société Italcementi Spa de sa filiale française Internationale Italcementi France ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT relève appel du jugement du 20 janvier 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a accordé à la société Italcementi Spa le remboursement sollicité ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 242 quater du code général des impôts, applicable au 1er janvier 2004 : " Le bénéfice de l'avoir fiscal peut être accordé aux personnes domiciliées sur le territoire des États ayant conclu avec la France des conventions tendant à éviter les doubles impositions. Les modalités et les conditions d'application sont fixées pour chaque pays par un accord diplomatique " ; que, d'autre part, aux termes de l'article 10 de la convention franco-italienne susvisée du 5 octobre 1989 : " 1. Les dividendes payés par une société qui est résident d'un Etat à un résident de l'autre Etat sont imposables dans cet autre Etat. 2. Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans l'Etat dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet Etat, mais si la personne qui reçoit les dividendes en est le bénéficiaire effectif, l'impôt ainsi établi ne peut excéder : a. 5 % du montant brut des dividendes si le bénéficiaire effectif est une société passible de l'impôt sur les sociétés qui a détenu directement ou indirectement, pendant une période d'au moins douze mois précédant la date de la décision de distribution des dividendes, au moins 10 % du capital de la société qui paie les dividendes (...) Les dispositions du présent paragraphe n'affectent pas l'imposition de la société au titre des bénéfices qui servent au paiement des dividendes. 3. (...) b. Une société résidente d'Italie, visée au paragraphe 2-a), ou relevant de la législation italienne applicable aux sociétés mères, qui reçoit d'une société résidente de France des dividendes qui donneraient droit à un " avoir fiscal " s'ils étaient reçus par un résident de France, a droit à un paiement du Trésor français d'un montant égal à la moitié de cet " avoir fiscal " diminuée de la retenue à la source prévue au paragraphe 2. (...) et qu'aux termes de l'article 25 de cette convention : " 1. Les nationaux d'un État, qu'ils soient ou non, résidents de l'un des États, ne sont soumis dans l'autre État à aucune imposition ou obligation y relative, qui est autre ou plus lourde que celles auxquelles sont ou pourront être assujettis les nationaux de cet autre État qui se trouvent dans la même situation (...) " ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison de l'ensemble de ces dispositions, notamment, qu'une société mère de droit italien, qui reçoit des dividendes d'une société résidente de France, a droit à un paiement du Trésor public français d'un montant égal à la moitié de l'avoir fiscal attaché à ces dividendes, diminuée de la retenue à la source prévue au paragraphe 2 de l'article 10 de la convention fiscale franco-italienne, sous réserve que ces dividendes, s'ils avaient été versés à une société résidente de France, aient eux-mêmes donné droit au bénéfice de l'avoir fiscal ; qu'il y a lieu d'en déduire que si la convention fiscale franco-italienne conditionne le droit à l'avoir fiscal d'une société mère italienne à la circonstance qu'une société mère résidente de France puisse également en bénéficier, elle ne subordonne pas le droit au remboursement partiel de cet avoir fiscal que la société mère italienne tire du seul droit conventionnel à la faculté d'une société mère française, définie dans la législation interne, d'utiliser ou de ne pas utiliser le crédit d'impôt attaché à cet avoir fiscal pour le paiement d'impôts français, auxquels, par hypothèse, une société non résidente n'est pas soumise ou lorsqu'elle y est, dans des circonstances particulières, assujettie, ne l'est pas dans les mêmes conditions, et pour les mêmes motifs ; que, dès lors, la circonstance que l'article 93 de la loi de finances pour 2004 a supprimé l'avoir fiscal et prohibé l'utilisation du crédit d'impôt correspondant à compter du 1er janvier 2005 est, eu égard aux stipulations de la convention, sans incidence sur le droit de la société Italcementi Spa de réclamer au Trésor public français le paiement d'une somme égale à la moitié de l'avoir fiscal, diminuée de la retenue à la source prévue à l'article 10 de la convention fiscale franco-italienne ;
Considérant, par ailleurs, qu'il ne résulte d'aucune stipulation de la convention fiscale précitée que le paiement de cette somme doive être réclamé au plus tôt l'année suivant la distribution des dividendes ou qu'il soit conditionné à la (re)distribution, par la société mère italienne, à ses actionnaires finaux, des dividendes qu'elle a perçus de France ; que, par suite, l'instruction administrative référencée 4 J-2-05 du 28 avril 2005, au surplus publiée postérieurement à la période litigieuse, et prévoyant d'imposer aux sociétés mères italiennes de distribuer à leurs actionnaires finaux, avant le 1er janvier 2005, les dividendes qu'elles ont perçus de sociétés résidentes de France, ajoute à la convention fiscale et ne saurait, dès lors, être opposable et, en tout état de cause, opposée par l'administration à la société défenderesse ;
Considérant, enfin, que si les stipulations du premier paragraphe de l'article 25 de la convention franco-italienne font obstacle à ce que les nationaux d'un Etat soient soumis dans l'autre Etat à aucune imposition ou obligation y relative, qui serait autre ou plus lourde que celles auxquelles seraient ou pourraient être assujettis les nationaux de l'autre Etat se trouvant dans la même situation, elles n'ont toutefois ni pour objet, ni pour effet d'interdire que les nationaux d'un Etat soient soumis dans l'autre Etat à une imposition éventuellement plus favorable que celle des nationaux de cet autre Etat ; que, par suite, la circonstance que la société mère italienne Italcementi Spa tire de la convention franco-italienne un droit au paiement, par le Trésor public français, d'un montant égal à la moitié de l'avoir fiscal, diminuée d'une retenue à la source, alors qu'une société mère française titulaire de dividendes serait elle-même empêchée d'utiliser le crédit d'impôt correspondant à cet avoir fiscal, autrement que par une redistribution des dividendes perçus à ses actionnaires, ne constitue pas une différence de traitement ou une discrimination prohibée par l'article 25 de la convention franco-italienne, les deux sociétés ne se trouvant pas dans la même situation eu égard au droit d'utiliser l'avoir fiscal dont elles sont titulaires ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a accordé la restitution de la moitié de l'avoir fiscal, diminuée de la retenue à la source prévue au paragraphe 2 de l'article 10 de la convention franco-italienne, sollicitée par la société Italcementi Spa les 24 mai et 26 juillet 2004 au titre des dividendes reçus de sa filiale française au cours de ces deux mêmes mois ;
DECIDE :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT est rejeté.
''
''
''
''
2
N° 11VE01804