La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/07/2012 | FRANCE | N°11VE00168

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 16 juillet 2012, 11VE00168


Vu le recours, enregistré le 24 janvier 2007 au greffe de la cour administrative d'appel de Versailles sous le n° 07VE00159, présenté par le MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L'EQUIPEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500081 du 23 octobre 2006, en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Versailles a annulé sa décision du 8 novembre 2004 refusant à la société Transports intercommunaux Centre Essonne (TICE) l'autorisation de licencier M. A pour motif professionnel ;

2°) de rejeter la demande présent

ée par la société TICE devant le tribunal administratif de Versailles ten...

Vu le recours, enregistré le 24 janvier 2007 au greffe de la cour administrative d'appel de Versailles sous le n° 07VE00159, présenté par le MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L'EQUIPEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500081 du 23 octobre 2006, en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Versailles a annulé sa décision du 8 novembre 2004 refusant à la société Transports intercommunaux Centre Essonne (TICE) l'autorisation de licencier M. A pour motif professionnel ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société TICE devant le tribunal administratif de Versailles tendant à l'annulation de cette décision ;

Le ministre soutient :

- que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé le refus d'autorisation de licenciement au motif que l'administration devait seulement contrôler la réalité du défaut d'assermentation dans la mesure où, conformément à l'article R. 436-7 du code du travail, le contrôle de l'autorité administrative porte nécessairement sur l'existence éventuelle d'un lien entre la mesure de licenciement envisagée et les mandats détenus par le salarié ;

- que la demande d'autorisation de licenciement fondée sur le défaut d'assermentation devait être rejetée dès lors qu'elle n'était pas sans lien avec les mandats représentatifs du salarié ;

- que M. A a été recruté comme agent commercial de contrôle antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 15 avril 1999 exigeant une assermentation pour les agents de contrôle dans les transports publics de voyageurs ;

- qu'à supposer même qu'aucune obligation de reclassement n'incombe à l'employeur en raison du défaut d'assermentation, l'absence de recherche de reclassement du salarié, qui avait été valablement recruté et occupait son poste depuis plusieurs années, révèle l'existence d'une discrimination d'autant qu'un autre contrôleur, placé dans la même situation, a été reclassé ;

- que l'autorité administrative était, ainsi, pour ce seul motif tenue de refuser de délivrer l'autorisation sollicitée ;

- que, d'autre part, la demande d'autorisation de licenciement pour faute n'était pas fondée dès lors que la réalité de l'abandon de poste reproché au salarié et son degré de responsabilité dans la rixe survenue le 5 février 2004 ne sont pas établis ;

- qu'en tout état de cause, la mesure de licenciement était en rapport avec les mandats représentatifs du salarié puisque certains salariés ont fait état des pressions exercées sur eux en vue d'obtenir une attestation défavorable à M. A et, en outre, il régnait un climat social tendu dans l'entreprise, les relations entre la CFDT et la direction étant difficiles ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2012 :

- le rapport de M. Lenoir, président assesseur,

- et les conclusions de Mme Kermorgant, rapporteur public ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Transports intercommunaux Centre Essonne (TICE), spécialisée dans le transport routier de voyageurs et exerçant son activité dans le ressort du département de l'Essonne, a, en 1997, recruté M. A en qualité d'agent commercial de contrôle chargé, en particulier, de vérifier la validité des titres de transport et de dresser des procès-verbaux aux voyageurs en situation irrégulière ; que M. A a exercé, à compter du 29 janvier 2003, les fonctions de délégué du personnel et de membre titulaire du comité d'entreprise de cette société ; que, par lettres du 27 février 2004, celle-ci l'a informé qu'elle envisageait de procéder à son licenciement aux motifs, d'une part, qu'il ne pouvait pas légalement exercer les fonctions d'agent commercial de contrôle faute d'avoir été agréé par la préfecture et de pouvoir être assermenté, et, d'autre part, en raison de son comportement fautif puisqu'il avait été à l'origine d'une rixe survenue dans les locaux de l'entreprise ; que la société TICE a ensuite, le 10 mars 2004, demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier ce salarié protégé pour ces deux motifs ; que cette demande a été rejetée par décision de l'inspecteur du travail du 18 mai 2004 ; que, saisi d'un recours hiérarchique contre cette décision, le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE, DU TOURISME ET DE LA MER, a, tout en substituant sa propre appréciation à celle de l'inspecteur du travail, rejeté à son tour, par une décision en date du 8 novembre 2004, les deux demandes de licenciement présentées par la société TICE ; que le ministre relève appel du jugement en date du 23 octobre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles, s'il a confirmé sa décision rejetant la demande de licenciement pour faute de M. A, a, en revanche, annulé cette même décision en tant qu'elle refusait à la société TICE l'autorisation de licencier ce dernier pour motif professionnel ; que la société TICE, qui ne conteste pas le bien-fondé du jugement en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du ministre lui refusant l'autorisation de licencier M. A pour faute, demande, par la voie de l'appel incident, que le jugement en question soit réformé en tant seulement qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'inspecteur du travail de lui délivrer l'autorisation de licencier ce dernier ; que M. A, qui n'a pas relevé appel du jugement en question, se limite à intervenir au soutien du recours sans présenter de conclusions distinctes de celles du ministre ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis des fonctions de délégué syndical et de délégué du personnel, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est motivée par la circonstance que le salarié ne remplit pas les conditions légalement exigées pour l'exercice de l'emploi pour lequel il a été embauché, il appartient à l'inspecteur du travail et le cas échéant au ministre, de vérifier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la demande d'autorisation de licencier est sans lien avec les mandats détenus et que le motif avancé est établi et justifie le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des caractéristiques de l'emploi exercé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

Considérant que l'exercice des fonctions d'agent commercial de contrôle implique obligatoirement, conformément aux dispositions du II de l'article L. 529-4 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue du vote de la loi n° 99-291 du 15 avril 1999 relative aux polices municipales, que les agents de la société de transport concernée obtiennent un agrément délivré par le procureur de la République ; qu'il n'est pas contesté que M. A n'avait, à la date à laquelle la société TICE a demandé l'autorisation de le licencier pour motif professionnel, pas été agréé par le procureur de la République et ne pouvait donc pas exercer les fonctions pour lesquelles il avait été recruté ;

Considérant, cependant, qu'il ressort des pièces du dossier que, bien qu'ayant demandé, le 14 avril 1999, l'agrément de M. A pour exercer les fonctions d'agent de contrôle et que le préfet de l'Essonne ait répondu, par lettre du 17 juin 1999, que la délivrance de cet agrément n'était pas possible, la société TICE a continué à employer l'intéressé en qualité d'agent commercial de contrôle jusqu'à la fin de l'année 2003 ; que si la société TICE soutient, sans d'ailleurs démontrer sérieusement l'existence, par l'apposition d'un tampon à usage interne, d'un retard de transmission, n'avoir reçu le courrier du préfet que le 17 octobre 2003, il ressort cependant des pièces du dossier qu'elle ne s'est réellement préoccupée du défaut d'agrément et d'assermentation de M. A qu'au cours de la période suivant la désignation de ce dernier comme délégué du personnel et élu du comité d'entreprise ;

Considérant, par ailleurs, que si l'employeur n'a pas l'obligation, en cas d'impossibilité légale pour un salarié protégé d'exercer l'emploi sur lequel il a été recruté, de procéder au reclassement de celui-ci sur un poste équivalent, la circonstance qu'il ait été procédé au reclassement d'un salarié non protégé se trouvant dans une situation identique est de nature à révéler l'existence d'un lien entre la décision de licenciement et le mandat exercé ; qu'en l'occurrence, il n'est pas contesté que, concomitamment à la procédure de licenciement dont M. A a fait l'objet, la société TICE a procédé à la mutation sur un poste d'agent commercial d'ambiance, fonction dont l'exercice n'implique pas la délivrance d'un agrément et la nécessité d'une assermentation, d'un autre salarié ayant également fait l'objet d'un refus d'agrément ; qu'en outre, la société ne démontre pas sérieusement, par les pièces concernant la manière de servir de M. A ainsi que par les comptes rendus insuffisamment probants de l'incident intervenus le 5 février 2004 qu'elle produit, que ce dernier n'aurait pas été en mesure de remplir ces fonctions ; qu'elle ne démontre pas non plus avoir rempli ses obligations en matière de reclassement d'un salarié protégé en proposant à M. A, après que soit intervenue la décision de l'inspecteur du travail lui refusant l'autorisation de licencier l'intéressé, un emploi de conducteur dans une société tierce ; que, par suite, le ministre était fondé à considérer, pour refuser d'accorder l'autorisation de licencier M. A pour motifs professionnels, que la demande faite en ce sens par la société TICE n'était pas sans lien avec les mandats exercés par ce dernier ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L'EQUIPEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a annulé sa décision du 8 novembre 2004 refusant à la société TICE l'autorisation de licencier M. A pour motifs professionnels ;

Sur la demande d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

Considérant que l'exécution du présent arrêt de rejet n'implique l'édiction d'aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions de la société TICE tendant à l'application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 0500081 du 23 octobre 2006 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la société TICE tendant à l'annulation de la décision du 8 novembre 2004 lui refusant l'autorisation de licencier M. A pour motif professionnel et à ce qu'il soit enjoint à l'inspecteur du travail de lui délivrer cette autorisation sont rejetées.

''

''

''

''

N° 11VE00168 2


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award