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04/05/2012 | FRANCE | N°11VE03476

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 04 mai 2012, 11VE03476


Vu la requête, enregistrée le 6 octobre 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Cesim A, demeurant chez M. Bilal B, ..., par Me Uludag, avocat à la Cour ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance no 1103850 en date du 31 août 2011 par laquelle le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 avril 2011 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de r

envoi ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre...

Vu la requête, enregistrée le 6 octobre 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Cesim A, demeurant chez M. Bilal B, ..., par Me Uludag, avocat à la Cour ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance no 1103850 en date du 31 août 2011 par laquelle le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 avril 2011 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ; qu'en mentionnant dans cet arrêté qu'il ne disposait pas d'une autorisation de travail, le préfet a ajouté à l'arrêté ministériel du 18 janvier 2008 ; que l'arrêté a été pris par une autorité incompétente ; que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa requête par ordonnance sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative dès lors qu'elle comportait des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'il justifie d'un diplôme et d'un brevet de nature à lui permettre d'obtenir un titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il incombe au préfet d'établir qu'il aurait produit un faux brevet ; qu'il a produit au dossier une promesse d'embauche qui ressortit à la liste des métiers en tension contrairement à ce que soutient le tribunal, qui commet ainsi une erreur de fait ; que le préfet a commis une erreur de droit en exigeant la justification d'une expérience professionnelle en France ; que le délai de traitement anormalement long de sa demande entache la décision de refus de régularisation d'une illégalité manifeste ; que son admission exceptionnelle au séjour doit également lui être accordée en raison de sa présence en France depuis plus de dix ans ; que la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 313-14 aurait dû être saisie ; qu'en soutenant qu'il ne serait entré en France qu'en 2005, le préfet entache encore sa décision d'illégalité ; que c'est à tort que le tribunal a jugé que le préfet n'avait pas à examiner sa situation au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors surtout que, compte tenu de sa présence en France depuis plus de dix ans, ses attaches familiales sont incontestablement en France ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 avril 2012 :

- le rapport de M. Locatelli, premier conseiller,

- les conclusions de M. Brunelli, rapporteur public,

- et les observations de Me Uludag, pour M. A ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 avril 2012, présentée pour M. A ;

Considérant que M. A, ressortissant turc, né le 15 septembre 1972, relève régulièrement appel de l'ordonnance en date du 31 août 2011 par laquelle le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 avril 2011 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable à la date de l'ordonnance attaquée : " Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent par ordonnance : / (...) 7°) Rejeter, après l'expiration du délai de recours (...), les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés (...) des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...) " ;

Considérant que M. A présentait dans sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté susvisé du préfet du Val-d'Oise introduite devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, plusieurs moyens, notamment tirés de la méconnaissance des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et soutenait que le préfet avait commis une erreur manifeste d'appréciation ; que ces moyens n'étaient pas inopérants et étaient, en outre, assortis de précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé ; que, dans ces conditions, le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ne pouvait se fonder sur les dispositions précitées du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter la demande de M. A ; qu'ainsi, l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit, par suite, être annulée ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Sur les conclusions à fins d'annulation de l'arrêté attaqué :

Considérant, en premier lieu, que, par arrêté en date du 23 décembre 2010 et publié au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le Val-d'Oise le 30 décembre 2010, le préfet du Val-d'Oise a donné délégation permanente à Mme Martine Thory, directrice des libertés publiques et de la citoyenneté, pour signer, notamment, tous arrêtés de refus de délivrance de titre de séjour aux ressortissants étrangers assortis d'une obligation de quitter le territoire français ainsi que toutes décisions fixant le pays de renvoi ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué ne peut qu'être rejeté ;

Considérant, en deuxième lieu, que la décision portant refus d'admission au séjour comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et résultent de l'examen particulier de la situation individuelle de l'intéressé ; qu'en application du dernier alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation de quitter le territoire français dont ce refus est assorti n'a pas à être motivée ; qu'enfin, la décision fixant le pays de destination en tant qu'elle fixe notamment le pays dont M. A a la nationalité comme pays de renvoi est suffisamment motivée ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'une insuffisance de motivation manque en fait et doit, par suite, être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ; que ces dispositions permettent la délivrance de deux titres de séjour de nature différente que sont, d'une part, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et, d'autre part, la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " " sur le fondement du troisième alinéa de l'article L. 313-10 " ; que, dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité figurant dans la liste annexée à l'arrêté interministériel du 18 janvier 2008, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi ; qu'il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et recensés comme tels dans l'arrêté du 18 janvier 2008, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que, par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer des motifs exceptionnels d'admission au séjour ;

Considérant, d'une part, que si M. A soutient que les diplômes dont il est titulaire, dont un brevet professionnel, lui permettent d'être admis au séjour, à titre exceptionnel, en qualité de salarié dans un emploi caractérisé par des difficultés de recrutement en Ile-de-France, il ne permet pas au juge de se prononcer dès lors qu'il s'abstient de communiquer la promesse d'embauche et le brevet professionnel dont il est titulaire et dont l'authenticité est, au surplus, contestée par le préfet du Val-d'Oise ; qu'en outre, contrairement à ce que soutient M. A, il ne résulte pas des termes de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise que celui-ci a, pour la délivrance, à titre exceptionnel, d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", exigé que M. A disposât d'une autorisation de travail visée par les autorités habilitées ; qu'il s'est seulement borné à constater que si M. A postulait effectivement pour un emploi inscrit sur la liste annexée à l'arrêté du 18 janvier 2008, il ne justifiait d'aucune expérience professionnelle suffisante en France ; qu'il n'a, dès lors, ni ajouté à la loi, ni commis d'erreur de droit ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de l'admettre à titre exceptionnel au séjour en qualité de salarié, le préfet a méconnu les dispositions concernées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, d'autre part, qu'à supposer même que M. A ait également sollicité la délivrance d'un titre de séjour, à titre exceptionnel, sur le fondement de la " vie privée et familiale " au motif qu'il résidait en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué, il ressort des pièces du dossier que son épouse et ses enfants vivent en Turquie et que, déclarant être entré en France au plus tôt le 24 octobre 2001, l'intéressé établit, par voie de conséquence, résider en France depuis neuf ans et demi au plus, soit moins de dix ans à la date du 28 avril 2011, à laquelle l'arrêté contesté a été pris ; que, dès lors, M. A, qui ne peut se prévaloir d'aucun motif exceptionnel ou humanitaire, n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait dû être admis au séjour à titre exceptionnel ; que, faute de justifier de dix années de présence en France, il n'est pas non plus fondé à soutenir que la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 312-1 aurait dû être réunie sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que l'épouse et les enfants de M. A vivent au pays et qu'il est sans charge de famille en France ; que, dès lors, compte tenu de la durée et des conditions de séjour en France du requérant, l'arrêté du préfet du Val-d'Oise n'a pas porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, il n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ont codifié celles du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;

Considérant, en cinquième lieu, que le délai de deux ans et demi pris par la préfecture pour étudier sa demande, pour regrettable que soit sa longueur, n'est pas susceptible d'ouvrir au requérant le droit d'obtenir un titre de séjour ;

Considérant, en sixième lieu, qu'eu égard aux motifs précédemment évoqués, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant ;

Considérant, enfin, que si M. A soutient qu'il serait exposé à un risque de traitement inhumain et dégradant en cas de retour en Turquie en raison de ses engagements politiques, il ne l'établit pas ; que, par suite, en fixant la Turquie comme pays de renvoi, le préfet du Val-d'Oise n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 28 avril 2011 ; que, par suite, ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1103850, en date du 31 août 2011, du président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et le surplus des conclusions de sa requête présentée devant la Cour sont rejetés.

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N° 11VE03476 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 11VE03476
Date de la décision : 04/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Franck LOCATELLI
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : ULUDAG

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-05-04;11ve03476 ?
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