Vu le recours, enregistré le 24 juin 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ;
Le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 0911328 du 11 mars 2011 par lesquels le Tribunal administratif de Montreuil a, d'une part, prononcé la restitution de la différence entre la cotisation acquittée par M. Philippe A sur la plus-value de cession de bien réalisée le 23 janvier 2006 au titre du prélèvement de 33,1/3 % prévu par l'article 244 bis A du code général des impôts et la cotisation résultant de l'application du taux de 16 % à la même base et, d'autre part, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rétablir à 33 1/3 % le taux du prélèvement libératoire auquel M. A a été soumis ;
Il soutient que le principe de liberté de circulation énoncé par l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne n'oblige pas les Etats à imposer résidents et non-résidents au même taux ; qu'en outre, la décision d'investir en France ou dans un autre Etat est davantage fonction d'une étude comparée des fiscalités applicables aux placements étrangers dans chacun d'entre eux que du taux d'imposition applicable aux résidents ; qu'au demeurant l'article 244 bis A du code général des impôts ne vise pas exclusivement les cessions de biens immobiliers ayant constitué un investissement en France ; qu'ainsi ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet d'apporter des restrictions aux mouvements de capitaux et que, dès lors, le tribunal a commis une erreur de droit au regard des stipulations de l'article 56 du traité ; qu'en tout état de cause la clause de gel prévue par l'article 57 du traité est applicable ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne (TCE), notamment son article 56 ;
Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), notamment son article 63 ;
Vu la directive 88/361/CEE du Conseil du 24 juin 1988 sur la mise en oeuvre de l'article 67 du traité ;
Vu la convention entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune signée le 9 septembre 1966 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 mars 2012 :
- le rapport de M. Delage, premier conseiller,
- les conclusions de M. Soyez, rapporteur public,
- et les observations de Me Ladreyt, pour M. A ;
Considérant que M. Philippe A, ressortissant et résident suisse, a cédé le 23 janvier 2006 un bien immobilier sis à Saint-Tropez, en France ; qu'au titre de cette cession, il s'est acquitté du prélèvement sur les plus-values au taux du tiers prévu à l'article 244 bis A du code général des impôts ; qu'il a ensuite demandé, sur le fondement de la convention fiscale franco-suisse susvisée, que ce prélèvement soit calculé par application d'un taux de 16 % ; que le service ayant rejeté sa réclamation, il a saisi le Tribunal administratif de Montreuil ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT relève appel du jugement du 21 janvier 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a décidé la restitution à M. A de la différence entre la cotisation qu'il a acquittée et celle résultant de l'application du taux de 16 % à la même base ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 150 U du code général des impôts : " I. - Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices agricoles et aux bénéfices non commerciaux, les plus-values réalisées par les personnes physiques ou les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH (...) " ; qu'aux termes de l'article 200 B du même code : " Les plus-values réalisées dans les conditions prévues aux articles 150 U à 150 UC sont imposées au taux forfaitaire de 16 % (...) " ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 244 bis A du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. 1. Sous réserve des conventions internationales, les personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B, les personnes morales ou organismes, quelle qu'en soit la forme, dont le siège social est situé hors de France, les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter dont le siège social est situé en France et les fonds de placement immobilier mentionnés à l'article 239 nonies, au prorata des droits sociaux ou des parts détenus par des associés ou porteurs qui ne sont pas domiciliés en France ou dont le siège social est situé hors de France, sont soumis à un prélèvement d'un tiers sur les plus-values résultant de la cession d'immeubles (...) / Par dérogation au premier alinéa, les personnes physiques, les associés personnes physiques de sociétés ou groupements dont les bénéfices sont imposés au nom des associés et les porteurs de parts, personnes physiques, de fonds de placement immobilier mentionnés à l'article 239 nonies, résidents d'un Etat membre de la Communauté européenne, ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale, sont soumis à un prélèvement de 16 % (...) " ;
Considérant que M. A ayant été soumis au prélèvement sur les plus values au taux d'un tiers conformément aux dispositions précitées du I de l'article 244 bis A du code général des impôts, le Tribunal administratif de Montreuil a considéré que l'imposition en litige constituait une restriction aux mouvements de capitaux entre les Etats membres de l'Union européenne et les Etats tiers prohibée par l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne ;
Considérant que, devant la Cour, M. A invoque, en outre, les stipulations de l'article 15 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 modifiée qui dispose : " 1. Les gains provenant de l'aliénation des biens immobiliers, tels qu'ils sont définis à l'alinéa 1er du paragraphe 2 de l'article 6, sont imposables dans l'Etat contractant où ces biens sont situés 2. Les gains provenant de l'aliénation d'actions, parts ou autres droits dans une société, une fiducie ou une institution comparable, dont l'actif ou le patrimoine est principalement constitué, directement ou indirectement, de biens immobiliers définis au paragraphe 2 de l'article 6 et situés dans un Etat contractant ou de droits portant sur de tels biens sont imposables dans cet Etat. (...) 4. Les gains provenant de l'aliénation des biens mentionnés aux paragraphes 1, 2 et 3, tels qu'ils sont retenus pour l'assiette de l'impôt sur les plus-values, sont calculés dans les mêmes conditions, que le bénéficiaire soit résident de l'un ou l'autre Etat contractant. Si ces gains sont soumis dans un Etat contractant à un prélèvement libératoire de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, ce prélèvement est calculé dans les mêmes conditions, que le bénéficiaire soit résident de l'un ou de l'autre Etat contractant (...) " ;
Considérant, en premier lieu, que les stipulations précitées, qui précisent, en les distinguant, les règles de calcul des gains et, le cas échant, du prélèvement libératoire, imposent que le calcul du prélèvement libératoire soit effectué par l'application d'un même taux à une même assiette, contrairement à ce que soutient le ministre ; que ledit calcul ainsi entendu doit donc être effectué dans les mêmes conditions que le bénéficiaire soit résident de l'un ou de l'autre Etat contractant ; que l'article 15 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 modifiée fait ainsi obstacle à l'application aux résidents suisses du taux d'un tiers visé par les dispositions précitées de l'article 244 bis A du code général des impôts ; qu'ainsi le contribuable est fondé à se prévaloir desdites stipulations pour demander la réduction du taux du prélèvement libératoire de 33,1/3 % à 16 %, taux auquel sont soumises les plus-values de cession de valeurs immobilières qui relèvent, pour les résidents français, de l'article 150 U précité du code général des impôts ;
Considérant, en second lieu, que le ministre soutient à titre subsidiaire que le dégrèvement susceptible d'être prononcé doit être limité à la différence entre, d'une part, le prélèvement d'un tiers et, d'autre part, le total constitué par l'impôt sur le revenu au taux de 16 %, la contribution sociale généralisée et la contribution au remboursement de la dette sociale ; que, toutefois, en instituant ces " contributions ", et alors même qu'il a renvoyé, pour les règles régissant leur établissement, leur recouvrement et leur contentieux à celles qui régissent l'impôt sur le revenu, le législateur ne s'est pas borné à majorer un impôt existant, mais a créé des impositions nouvelles distinctes de l'impôt sur le revenu ; que, dès lors, les stipulations précitées de la convention franco-suisse, qui s'appliquent aux impôts sur le revenu et sur la fortune, ne peuvent être interprétées en ce sens que le calcul du prélèvement libératoire comprendrait la prise en compte desdites contributions ; qu'ainsi cette demande ne peut être accueillie ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la restitution à M. A de la différence entre la cotisation qu'il a acquittée au titre du prélèvement du tiers prévu par l'article 244 bis A du code général des impôts et la cotisation résultant de l'application du taux de 16 % à la même base ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais supportés par M. A et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. A une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 11VE02294