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19/01/2012 | FRANCE | N°10VE01166

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 19 janvier 2012, 10VE01166


Vu I°) la requête sommaire, enregistrée le 15 avril 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles sous le n° 10VE01166, du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0813442 du 28 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la SAS Free des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2004, et mis à la charge

de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du...

Vu I°) la requête sommaire, enregistrée le 15 avril 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles sous le n° 10VE01166, du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0813442 du 28 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la SAS Free des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2004, et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de remettre à la charge de la SAS Free les rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés ;

Il soutient que le jugement est insuffisamment motivé ; que c'est par une dénaturation des faits, inexactement qualifiés, que les premiers juges ont considéré que, dans sa décision du 24 décembre 2004, l'administration aurait admis que la part du prix de l'abonnement imposable au taux réduit soit déterminée à partir du prix global de cet abonnement facturé toutes taxes comprises ; à titre subsidiaire, que les premiers juges ont commis une erreur de droit en estimant que la décision du 24 décembre 2004 constituait une prise de position formelle opposable à l'administration, dès lors qu'elle était sujette à interprétation ;

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Vu II°) enregistrée le 17 mai 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles sous le n° 11VE01792, la requête du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000769 en date du 24 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a ordonné le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dégagé par la SAS Free au titre du mois d'octobre 2009 à hauteur de 1 548 333 euros, et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de remettre à la charge de la SAS Free le remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée contesté ;

Il soutient que le jugement est insuffisamment motivé ; que c'est par une dénaturation des faits, inexactement qualifiés, que les premiers juges ont considéré que, dans sa décision du 24 décembre 2004, l'administration aurait admis que la part du prix de l'abonnement imposable au taux réduit soit déterminée à partir du prix global de cet abonnement facturé toutes taxes comprises ; à titre subsidiaire, que les premiers juges ont commis une erreur de droit en estimant que la décision du 24 décembre 2004 constituait une prise de position formelle opposable à l'administration dès lors qu'elle était sujette à interprétation ; que la SAS Free n'est pas fondée à obtenir la décharge sollicitée, ni sur le terrain de la loi, ni en s'appuyant sur la jurisprudence, ni sur le terrain de la doctrine ; que les dispositions de l'article 268 bis du code général des impôts, auxquelles il fait expressément référence dans la décision du 24 décembre 2004, prévoient, en cas d'opérations passibles de taux différents, de déterminer la base HT sur laquelle chacun des taux devra s'appliquer ; que l'application du taux de 56% sur un prix TTC a permis à la SAS Free de minorer de 0,10 euros par abonnement le montant total de la taxe sur la valeur ajoutée déclarée ; que la décision a été prise à partir des éléments HT communiqués par la société ; que la jurisprudence dont se prévaut la société est relative aux modalités de taxation à la taxe sur la valeur ajoutée a posteriori de sommes qui n'ont pas été soumises à la taxe et ne sont pas transposables en l'espèce ; que la doctrine citée par la SAS Free n'est pas transposable ; que la société n'est pas fondée à soutenir qu'elle devrait exiger de son client final qu'il supporte la charge de la taxe sur la valeur ajoutée complémentaire dès lors qu'au contraire, l'accord lui a permis de diminuer le montant de sa taxe sur la valeur ajoutée collectée et qu'elle a fait le choix de ne pas répercuter cette baisse sur son prix de vente ; qu'il n'y a pas lieu de mettre des frais irrépétibles à la charge de l'Etat ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 janvier 2012 :

- le rapport de Mlle Rudeaux, premier conseiller,

- les conclusions de M. Soyez, rapporteur public,

- et les observations de Me Leclerc pour la SAS Free ;

Considérant que la SAS Free propose à ses clients, depuis le mois de novembre 2003, une offre composite désignée sous le terme de Freebox combinant les services de télévision, de téléphone et d'accès à internet au tarif de 29,99 euros TTC par mois ; que n'étant pas en mesure de déterminer avec précision la fraction du prix de revient de chacun des trois services dans la formation du prix de son offre commerciale, conformément aux dispositions du b octies de l'article 279 du code général des impôts, elle a sollicité et obtenu de l'administration fiscale, le 24 décembre 2004, un accord par lequel cette dernière a pris position sur le principe et les modalités d'application du taux réduit aux services de télévision inclus dans l'offre Freebox ; que l'administration a, d'une part, indiqué à la société que les services audiovisuels diffusés pour le réseau téléphonique via la technologie de l'internet à haut débit (ADSL) constituaient des services de télévision susceptibles de bénéficier du taux réduit sur le fondement des dispositions du b octies de l'article 279 du code général des impôts, et que les services électroniques permettant l'accès à internet et aux services de téléphonie relevaient du taux normal, et, d'autre part, pour prendre en compte les explications apportées par la SAS Free, et sous réserve d'un éventuel contrôle ultérieur, accepté que la fraction du prix facturé au client correspondant aux services de télévision soit déterminée à partir des coûts de revient du modem freebox ; qu'elle a ainsi admis de fixer la part du prix de vente taxable au taux réduit à 56% ; qu'elle a par ailleurs indiqué que cette décision s'appliquerait de manière rétroactive au 1er janvier 2004 ;

Considérant que la SAS Free a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005, à l'issue de laquelle l'administration a considéré qu'elle avait à tort calculé sa taxe sur la valeur ajoutée due au taux réduit sur la base de 56% du prix facturé toutes taxes comprises (TTC) à son client, au lieu de retenir 56% du prix ramené hors taxes (HT) ; que, dès lors que la société se trouvait en situation créditrice de taxe sur la valeur ajoutée, seule une partie des sommes rectifiées a été mise en recouvrement ;

Considérant que l'administration a ainsi assujetti la SAS Free à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2004 à hauteur de 222 420 euros ; que, par sa requête enregistrée sous le n° 10VE01166, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la cour d'annuler le jugement n°0813422 en date du 28 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la SAS Free la décharge de ces rappels et des pénalités y afférentes, et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant, par ailleurs, qu'à l'issue de cette vérification, l'administration a annulé le crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont disposait la SAS Free au 31 décembre 2005 à hauteur de 1 548 333 euros ; que la SAS Free a déposé une demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 10 000 000 euros au titre du mois d'octobre 2009 ; que, lors de l'instruction de cette demande, l'administration a constaté que la SAS Free n'avait pas tenu compte de l'annulation de son crédit à hauteur de 1 548 33 euros, et a refusé de lui accorder le remboursement sollicité à due concurrence ; que, par sa requête enregistrée sous le n° 11VE01792, le ministre relève appel du jugement n° 1000769 en date du 24 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la SAS Free le remboursement de son crédit de taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 1 548 333 euros, et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant que les requêtes n°s 10VE01166 et 11VE01792 du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT concernent un même contribuable, présentent à juger des questions identiques et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que, pour motiver sa décision, le Tribunal administratif de Montreuil, qui a considéré que la décision du 24 décembre 2004 prévoyait de calculer la base imposable au taux réduit à partir du prix TTC et fait droit aux demandes de la SAS Free, s'est borné à indiquer que la prise de position de l'administration résultait des termes mêmes du rescrit, et de la méthode exposée dans ce document, éclairée par les détails du calcul figurant en bas de page ; que, toutefois, le Tribunal n'a pas explicité son raisonnement, alors même que les calculs dont s'agit s'avèrent complexes et étaient précisément au coeur du litige opposant le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT et la SAS Free ; que, dans ces conditions, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT est fondé à soutenir que les jugements du Tribunal administratif de Montreuil sont insuffisamment motivés et doivent être annulés pour ce motif ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par la SAS Free devant le Tribunal administratif de Montreuil ;

Sur les demandes de la SAS Free :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales : La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ;

Considérant que la décision du 24 décembre 2004 cite des prix de revient sans indiquer s'ils sont HT ou TTC ; que, toutefois, il résulte des termes mêmes de cette décision que l'administration a effectué l'ensemble de ses calculs à partir des prix de revient du modem de la Freebox , dont le ministre fait valoir, sans être contredit sur ce point, qu'ils reprennent ceux qui lui avaient été communiqués pour leur valeur HT par la société dans sa lettre du 20 février 2004, par laquelle elle sollicitait le rescrit en litige ; qu'il résulte de la note de bas de page n° 3 de la décision de rescrit que, pour évaluer la part du forfait correspondant à la mise à disposition du modem, l'administration a estimé que ce modem était amorti sur 36 mois et a calculé son prix de revient HT sur un mois, puis l'a converti en un prix TTC en le multipliant par 1,196 et a estimé qu'il représentait 7,75% du prix du forfait TTC facturé au client, lequel s'élevait à 29,99 euros ; que l'administration a ensuite estimé, à partir des chiffres communiqués par la SAS Free, que le coût de revient HT des composants du modem était constitué à hauteur de 61% par le coût de revient HT des composants télévision ; que l'administration, enfin, a considéré que la part représentative des services de télévision dans l'abonnement freebox , éligible au taux réduit, pouvait être évaluée à 56% ; qu'il résulte de la note de bas de page n° 5 que, pour parvenir à ce résultat, l'administration a repris la valeur de 61% précitée, qu'elle a multipliée par la part du forfait ne comprenant pas la mise à disposition du modem, soit 100 % diminué de 7,75% ; que ces 7,75%, ainsi qu'il a été démontré, ont été obtenus à partir du prix TTC du forfait ; que, dans ces conditions, les 56% devaient également être calculés par rapport au prix du forfait TTC ; que l'administration a ainsi pris une position dépourvue d'ambiguïté, qui lui était opposable en application des dispositions précitées de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS Free est fondée à solliciter la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2004 et le remboursement de son crédit de taxe à hauteur de 1 548 333 euros au titre du mois d'octobre 2009 ;

Sur les conclusions de la SAS Free tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Les jugements du Tribunal administratif de Montreuil n° 0813442 en date du 28 janvier 2010 et n° 1000769 en date du 24 février 2011 sont annulés.

Article 2 : La SAS Free est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2004, et bénéficiera du remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a dégagé au titre du mois d'octobre 2009 à hauteur de 1 548 333 euros.

Article 3 : L'Etat versera à la SAS Free la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N°s 10VE01166 - 11VE01792


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE01166
Date de la décision : 19/01/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Opposabilité des interprétations administratives (art - L - 80 A du livre des procédures fiscales).

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Calcul de la taxe - Taux.


Composition du Tribunal
Président : M. HAÏM
Rapporteur ?: Melle Sandrine RUDEAUX
Rapporteur public ?: M. SOYEZ
Avocat(s) : LECLERC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-01-19;10ve01166 ?
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