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29/12/2011 | FRANCE | N°11VE02544

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites à la frontière, 29 décembre 2011, 11VE02544


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 juillet et 9 décembre 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentés pour M. Lassana A demeurant ..., par Me Saidi, avocat à la Cour ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102802 du 24 mai 2011 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 mai 2011 du préfet de l'Essonne décidant sa reconduite à la frontière et de la décision du 23 mai 2011 fixant le pays

de destination de la reconduite ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décisio...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 juillet et 9 décembre 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentés pour M. Lassana A demeurant ..., par Me Saidi, avocat à la Cour ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102802 du 24 mai 2011 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 mai 2011 du préfet de l'Essonne décidant sa reconduite à la frontière et de la décision du 23 mai 2011 fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail et de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il n'apporte pas de précisions sur sa situation personnelle et familiale ; qu'alors que cet arrêté ne pouvait être fondé sur les dispositions du 8° du II de l'article L. 511 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, c'est à tort que le premier juge leur a substitué 1es dispositions du 7° du II du même article dès lors que, si sa carte de résident a été retenue par l'autorité préfectorale, elle ne lui a jamais été régulièrement retirée ; qu'eu égard à ses liens familiaux et à sa parfaite intégration professionnelle en France où il vit régulièrement depuis plus de dix ans, l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'en particulier, bien que séparé de sa compagne, il dispose de l'autorité parentale et subvient aux besoins de ses deux enfants nés en 1992 et 2002, dont le premier a la nationalité française et le second a vocation à devenir français ; qu'en outre, ses frères et soeurs résident en France et il n'a plus d'attaches dans son pays d'origine ; qu'il est au nombre des étrangers ne pouvant faire l'objet d'une mesure d'éloignement pas application des dispositions des 4° et 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code pénal ;

Vu le code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir, au cours de l'audience publique du 13 décembre 2011, présenté son rapport et entendu les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,

- et les observations de Me Saidi, pour M. A ;

Considérant que M. A, de nationalité mauritanienne, relève appel du jugement du 24 mai 2011 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 mai 2011 du préfet de l'Essonne décidant sa reconduite à la frontière et de la décision du 23 mai 2011 fixant le pays de destination ;

Sur la légalité de la mesure de reconduite :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à l'espèce : II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (...) 7° Si l'étranger a fait l'objet d'un retrait de son titre de séjour ou d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour, dans les cas où ce retrait ou ce refus ont été prononcés, en application des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, en raison d'une menace à l'ordre public (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par courrier en date du 14 novembre 2006, le préfet de l'Essonne a avisé M. A de ce qu'il n'entendait pas donner suite à sa demande de restitution de titre de séjour au motif qu'il avait été incarcéré et fait l'objet de deux interdictions définitives du territoire prononcées par le juge pénal ; qu'eu égard à ses termes, ce courrier, dont il n'est pas contesté qu'il a été reçu par le requérant, doit être regardé comme révélant l'existence d'une décision de retrait de la carte de résident qui lui avait été délivrée le 17 juillet 2003 ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que, faute d'une telle décision, le premier juge ne pouvait substituer le 7° du II. de l'article L. 511-1 au 8° du II du même article comme fondement légal de la mesure contestée ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté litigieux, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle de M. A ni à préciser en quoi cette situation ne faisait pas obstacle à son éloignement, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement est, par suite, suffisamment motivé ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il est constant que M. A a fait l'objet de deux peines d'interdiction définitive du territoire français prononcées respectivement le 13 juillet 1989 par le Tribunal de grande instance de Paris et le 11 septembre 1996 par la Cour d'appel de Paris ; que, si le requérant fait valoir qu'il a demandé le relèvement de ces peines, il n'est pas contesté qu'elles étaient exécutoires à la date de la mesure d'éloignement en litige ; que, dès lors que lesdites peines font obstacle à ce que M. A puisse bénéficier d'un titre de séjour, le moyen tiré de ce qu'il devait se voir attribuer de plein droit un titre de séjour en application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : / (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans (...) / 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ;

Considérant, d'une part, que M. A, dépourvu de titre de séjour depuis 2006, ne saurait prétendre qu'il réside régulièrement en France depuis plus de dix ans ni, par suite, demander le bénéfice des dispositions précitées du 4° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, d'autre part, que si le requérant fait valoir que l'un de ses deux enfants est Français, celui-ci, né en 1992, n'était plus mineur à la date de l'arrêté attaqué ; que, par suite, M. A n'est pas au nombre des étrangers ne pouvant faire l'objet d'une mesure d'éloignement en application des dispositions du 6° de l'article L. 511-4 ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que, si M. A fait valoir qu'il a deux enfants, dont le premier est né en 1992 et la seconde en 2002, il est constant qu'il ne vit pas avec la mère de ces derniers et n'établit pas qu'il contribuerait à leur entretien et à leur éducation ; qu'il ne saurait par ailleurs sérieusement se prévaloir d'une prétendue bonne intégration en France dès lors qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que l'intéressé, connu sous une vingtaine d'identités différentes dans le cadre d'une trentaine de procédures pénales, outre qu'il a fait l'objet de deux interdictions judiciaires définitives du territoire, a été condamné en dernier lieu le 31 mars 2006 à 12 mois d'emprisonnement pour escroquerie et le 7 juillet 2010 notamment pour usage de faux documents administratifs et détention frauduleuse de plusieurs documents administratifs ; que, dans ces conditions, et alors que le requérant ne justifie d'aucune circonstance à ce qu'âgé de 53 ans, il poursuive normalement sa vie dans son pays d'origine, l'arrêté attaqué n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens des stipulations et dispositions précitées ; que, pour les mêmes motifs, cet arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant qu'en se bornant à soutenir, sans la moindre précision, qu'il craint pour sa sécurité en Mauritanie, M. A ne justifie pas de la réalité des risques qu'il prétend encourir en cas de retour dans son pays d'origine et, par suite, n'établit pas qu'en décidant qu'il pourrait être reconduit dans son pays d'origine, le préfet aurait inexactement apprécié sa situation au regard des stipulations et dispositions précitées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions du requérant aux fins d'injonction et d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

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N° 11VE025442


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 11VE02544
Date de la décision : 29/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe HUON
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : SAIDI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-12-29;11ve02544 ?
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