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24/11/2011 | FRANCE | N°09VE01004

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 24 novembre 2011, 09VE01004


Vu la requête, enregistrée le 23 mars 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour Mme Lydia A, demeurant ..., par Me Belouis et Me Guilloux ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0509667-0604929 du 16 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2000 et 2001 ;

2°) de prononcer la

décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de ...

Vu la requête, enregistrée le 23 mars 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour Mme Lydia A, demeurant ..., par Me Belouis et Me Guilloux ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0509667-0604929 du 16 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2000 et 2001 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la procédure d'imposition est viciée au motif que l'administration ne pouvait adresser une demande de justifications sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales dès lors qu'il apparaît que le déséquilibre de la balance espèces résulte, d'une part, de l'inclusion dans les disponibilités engagées d'éléments du patrimoine dont rien ne permet de présumer l'acquisition au cours de la période vérifiée et d'autre part, d'une évaluation arbitraire du train de vie ; que la doctrine administrative rappelle la nécessité de formuler avec précision les demandes de justifications ; que, compte tenu de l'imprécision en l'espèce de ces demandes, les réponses apportées ne pouvaient être assimilées à un défaut de réponse permettant à l'administration d'appliquer la taxation d'office visée à l'article L. 69 du livre des procédures fiscales ; qu'elle a été privée d'un débat oral et contradictoire dès lors qu'elle n'a pas été mise en mesure de discuter le coefficient appliqué aux achats de matériaux lors de la mise en oeuvre de la procédure de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, en réponse à la demande de justifications et à la mise en demeure adressées par l'administration ; que l'administration ne pouvait imposer la somme de 119 187 euros alors même qu'il n'a pas été démontré que la société Castro FC aurait perçu des espèces ; que l'imputation du coût de la construction de la maison de Chennevières sur l'année fiscale 2001 est erronée ; que les sommes versées par le père de ses enfants constituaient des libéralités non imposables ; que l'administration n'a pas établi sa mauvaise foi ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 novembre 2011 :

- le rapport de M. Delage, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Soyez, rapporteur public ;

Considérant que Mme A a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2000 et 2001 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration, qui avait adressé à l'intéressée une demande d'éclaircissements et justifications sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, a jugé que les réponses fournies étaient insuffisantes et l'a taxée d'office en application de l'article L. 69 du même livre ; que les différents redressements ont été contestés par une réclamation en date du 5 avril 2005 ; que l'administration ayant gardé le silence, Mme A a saisi le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui, par un jugement du 16 décembre 2008, a refusé de faire droit à ses demandes ; qu'elle relève appel dudit jugement ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne l'absence de débat oral et contradictoire :

Considérant Mme A ne saurait utilement contester la régularité de l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle dont elle a fait l'objet au titre des années 2000 et 2001 en alléguant ne pas avoir eu l'occasion d'un débat oral avec le vérificateur, dès lors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que la possibilité d'un tel débat soit offerte au contribuable au cours d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle ; que, de surcroît, il est constant que le service a proposé deux entretiens que l'intéressée n'a pas honorés ; que dans ces conditions ce moyen ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne la mise en oeuvre de la procédure prévue aux articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : En vue de l'établissement de l'impôt, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements (...) Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés. ; qu'aux termes de l'article L. 69 du même livre : (...) sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications ainsi prévus ; qu'il appartient au juge de l'impôt de vérifier que les éléments invoqués en ce cas par l'administration constituaient des indices suffisants de dissimulation de revenus ; que, dans le cas où l'administration se fonde sur l'existence d'un déséquilibre entre les ressources connues et une évaluation des disponibilités engagées, il incombe au juge de s'assurer que le solde ainsi établi présente un caractère significatif et ne résulte, ni d'une évaluation arbitraire des dépenses de train de vie, ni de l'inclusion dans les disponibilités engagées d'éléments de patrimoine dont rien ne permet de présumer l'acquisition au cours de la période vérifiée ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'une maison de plus de 400 m² a été construite sur un terrain appartenant à Mme A alors que celle-ci n'a déclaré aucun revenu au titre des années 2000 et 2001 ; que, dans l'exercice de son droit de communication auprès de l'entreprise Gennestier Matériaux, le service a obtenu les factures d'achat des matériaux utilisés en vue de la construction de cette maison ; qu'il résulte de ces factures, émises au nom de l'entreprise Castro FC, que si les matériaux livrés ont été réglés en espèces par cette dernière société, l'adresse de livraison mentionnée était de celle de la propriété de Mme A ; que le service a également constaté, après avoir exercé son droit de communication auprès de l'architecte, le 13 février 2003, le paiement effectif des honoraires le 26 décembre 2000 par Mme A ; que ces éléments constituaient des indices suffisants de dissimulation de revenus l'autorisant, en application des dispositions de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, à demander à l'intéressée des justifications sur l'origine et la nature des sommes portées au crédit de ses comptes bancaires ainsi que des soldes créditeurs des balances des espèces établies ; que si la requérante laisse entendre, pour sa défense, que les sommes en espèces dont elle avait la disposition pour financer la construction de sa maison proviendraient d'un patrimoine constitué antérieurement à l'année 2001 et si elle soutient que les travaux ont été réalisés par des membres de sa familles, elle n'assortit ces affirmations d'aucun commencement de preuve ni même de précision ; que, dans ces conditions, le service a pu, à bon droit, prendre en compte le coût des travaux de construction de cette maison, en tant qu'emploi de disponibilités, pour l'établissement de la balance des espèces ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que, dans la demande d'éclaircissement adressée par l'administration 11 septembre 2003, les crédits bancaires résultant de remises de chèques pour lesquels des justifications ont été demandées étaient énumérés et identifiés par la mention du compte crédité, la date du versement, le libellé de l'opération ainsi que par le montant de celle-ci ; que, par ailleurs, les balances des espèces, dont les excédents d'emplois devaient être justifiés, figuraient avec le détail des divers postes ; que si l'évaluation du train de vie de la requérante a été faite forfaitairement, l'administration a justifié de façon suffisante des modalités de cette évaluation ; que, par suite, contrairement à ce que soutient la requérante, qui ne peut utilement invoquer la doctrine administrative pour contester la régularité de la procédure d'imposition, la demande était suffisamment précise pour lui permettre d'y répondre utilement ; que la réponse adressée le 8 novembre 2003 par Mme A s'étant révélée insuffisante, le service l'a mise en demeure de la compléter le 14 novembre 2003 ; que la réponse à cette mise en demeure n'a été assortie d'aucune justification permettant d'en vérifier l'exactitude ; que, par suite, l'administration a été fondée à procéder à la taxation d'office de la contribuable en application des dispositions précitées de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ; qu'il résulte de ce qui précède que la contribuable ayant été à bon droit taxée d'office, elle supporte la preuve de l'exagération des impositions contestées ;

Considérant, en premier lieu, que la requérante critique l'estimation du coût de la construction de la maison et, en particulier, le mode de détermination du coefficient multiplicateur ; que pour évaluer les disponibilités engagées en vue de cette construction, l'administration a calculé le coût total de la prestation à partir des achats de matériaux de l'entreprise Castro FC dont le montant était certain ; qu'elle a ensuite retenu un coefficient multiplicateur de 5 à partir d'un échantillon de quatorze entreprises situées dans le même secteur géographique et soumises au même régime simplifié d'imposition que l'entreprise Castro FC ; que la requérante n'apporte aucun élément de nature à établir le caractère exagéré de l'estimation du service fondée sur les éléments susdécrits ;

Considérant, en deuxième lieu, que si Mme A fait grief à l'administration de ne pas avoir démontré que la société Castro FC aurait perçu des espèces en rémunération des travaux de construction en 2001, un tel moyen, qui relève de la régularité de la procédure d'imposition, est sans incidence sur le bien-fondé des impositions ;

Considérant, en troisième lieu, que Mme A conteste la taxation en tant que pension alimentaire d'une somme de 85 000 F versée par le père de ses enfants ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 79 du code général des impôts : Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu et qu'aux termes de l'article 82 du même code : Pour la détermination des bases d'imposition, il est tenu compte du montant net des traitements, indemnités et émoluments, salaires, pensions et rentes viagères, ainsi que de tous les avantages en argent ou en nature accordés aux intéressés en sus des traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères proprement dits (...) ; qu'il résulte des dispositions précitées que les sommes ayant le caractère de pensions doivent être comprises dans les bases de l'impôt sur le revenu, dû par le bénéficiaire au titre de l'année au cours de laquelle celui-ci les a perçues ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 203 du code civil : Les époux contractent ensemble, par le fait seul du mariage, l'obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants. et qu'aux termes de l'article 334 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce : L'enfant naturel a en général les mêmes droits et les mêmes devoirs que l'enfant légitime dans ses rapports avec ses père et mère (...) ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le père d'un enfant naturel est tenu à l'obligation de nourrir et d'entretenir cet enfant ; que, dès lors, et sans qu'y fasse obstacle la circonstance, à la supposée établie, que le père des enfants de Mme A n'aurait pas déduit la somme litigieuse de son revenu imposable et qu'aucun jugement ne lui aurait imposé cette obligation, la somme ainsi versée à la requérante, dont il n'est pas établi qu'elle résulterait d'une libéralité, constitue une pension au sens des dispositions précitées des articles 79 et 82 du code général des impôts ; que, dès lors, le service a pu à bon droit l'imposer dans la catégorie des traitements, salaires, pensions et rentes viagères ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre, cette contestation doit être rejetée ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionné à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 17127 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) ;

Considérant qu'en faisant valoir que la requérante a omis systématiquement de satisfaire à ses obligations déclaratives au titre des années 2000 et 2001 et en invoquant l'importance des droits éludés, le ministre justifie du bien-fondé de l'application de la majoration prévue, en cas de mauvaise foi du contribuable, par l'article 1729 précité du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à Mme A la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

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N° 09VE01004


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 09VE01004
Date de la décision : 24/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-05-02-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Taxation d'office. Pour défaut de réponse à une demande de justifications (art. L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales).


Composition du Tribunal
Président : M. DEMOUVEAUX
Rapporteur ?: M. Philippe DELAGE
Rapporteur public ?: M. SOYEZ
Avocat(s) : CHAINTRIER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-11-24;09ve01004 ?
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