La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/06/2011 | FRANCE | N°08VE03571

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 23 juin 2011, 08VE03571


Vu, enregistrée le 29 octobre 2008, l'ordonnance en date du 22 octobre 2008 du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat attribuant à la Cour de céans le jugement du recours présenté pour le MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION par Me Buès, avocat ;

Vu ledit recours, enregistré le 17 septembre 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, présenté pour le MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION, par Me Bues, avocat ; le MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0201706-02

01711-0212924 en date du 9 juillet 2008 du Tribunal administratif de Pa...

Vu, enregistrée le 29 octobre 2008, l'ordonnance en date du 22 octobre 2008 du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat attribuant à la Cour de céans le jugement du recours présenté pour le MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION par Me Buès, avocat ;

Vu ledit recours, enregistré le 17 septembre 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, présenté pour le MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION, par Me Bues, avocat ; le MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0201706-0201711-0212924 en date du 9 juillet 2008 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il porte requalification de sa décision du 5 février 2001 portant résiliation du marché relatif au lot B de l'opération de restructuration et de restauration de l'hôtel de Beauvais aux frais et risques de la société Chantiers modernes, en tant qu'il a annulé le titre de recettes du 21 mai 2001 d'un montant de 227 763,40 euros et en tant qu'il a mis à la charge de l'Etat les deux tiers des frais d'expertise ;

2°) de réformer le jugement nos 0201706-0201711-0212924 en date du 9 juillet 2008 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a condamné la société Chantiers modernes à lui verser la somme de 358 936,32 euros, qu'il estime insuffisante, au titre du retard, imputable à la société, de cette opération ;

3°) de rejeter les conclusions de la société Chantiers modernes dirigées contre le titre de recettes du 21 mai 2001 ;

4°) de condamner la société Chantiers modernes à lui verser la somme de 2 596 971,64 euros TTC au titre du décompte de résiliation du marché ;

5°) de mettre à la charge de la société Chantiers modernes la somme de 15 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le jugement est entaché de contrariété de motifs et de contradiction entre les motifs et le dispositif ; qu'il est entaché d'erreur de droit car les premiers juges ont requalifié la décision par laquelle l'Etat a résilié, aux frais et risques de la société Chantiers modernes, le marché qui avait été conclu avec cette dernière, ce qui équivaut à une annulation de sa décision ; que le jugement est entaché de dénaturation des faits ; que la résiliation du marché aux frais et risques de l'entreprise est fondée ; qu'en effet, la société Chantiers modernes a adopté un comportement de blocage en refusant de procéder aux démolitions prévues par le marché, alors que les mesures à prendre du fait de la présence de plomb s'éloignaient peu de celles requises par le marché ; que la société n'a pas davantage respecté ses obligations relatives à la présentation de l'intégralité des fonds de plan correspondant à la mission de synthèse, qui faisait partie intégrante de son marché ; que, huit mois après la notification du marché, la société, qui n'avait toujours commencé aucune démolition, n'avait pas non plus progressé sur l'extension de la partie Est et a prétexté par un courrier daté du 19 décembre 2000 que la présence de caves rendait plus difficiles les études sur cette zone ; que le titre de recettes du 21 mai 2001 est régulier, car la société disposait des éléments nécessaires pour calculer les pénalités de retard infligées ; que l'Etat est fondé à réclamer, d'une part, le remboursement des excédents de dépenses liés à la pérennisation de l'occupation des locaux rue Desaix à Paris 15ème par la Cour administrative d'appel de Paris, correspondant à des loyers de 1 331 320,64 euros, d'autre part, le remboursement des surcoûts résultant des perturbations générées et des indemnisations qui ont dû être allouées aux autres intervenants sur le site, soit 1 031 813,81 euros TTC au titre du traitement des réclamations afférentes à l'allongement de la durée du chantier, enfin, le remboursement des frais fixes liés à l'allongement du chantier soit 154 907,23 euros TTC pour la location d'extincteurs et l'équipement électrique, 43 321,38 euros TTC pour les fonds de plans et la synthèse, 10 755,81 euros TTC pour les frais de dégarnissage de la charpente et 2 521,61 euros pour la mise en sécurité et l'éclairage du chantier, soit la somme totale de 2 596 971,61 euros qu'il convient de mettre à la charge de la société Chantiers modernes au titre du décompte de résiliation du chantier ; que les frais d'expertise doivent être intégralement mis à la charge de la société ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mars 2011 :

- le rapport de Mme Vinot, président assesseur,

- les conclusions de M. Davesne, rapporteur public,

- et les observations de Me Lévy-Chevalier, pour la société Chantiers modernes ;

Considérant que, dans le cadre de l'opération de restauration de l'hôtel de Beauvais, monument historique datant du XVII ème siècle, sis rue François Miron à Paris 4ème, et destiné à accueillir les locaux de la Cour administrative d'appel de Paris, le service national des travaux, service à compétence nationale chargé de missions de maîtrise d'ouvrage sur les immeubles bâtis et non bâtis de l'Etat et personne responsable du marché, a notifié le 13 janvier 2000 à la société Chantiers modernes le marché du lot 2 B intitulé gros oeuvre, béton armé, carrelage , pour un montant de 18 372 221 F TTC soit 2 800 827 euros ; que les entreprises ont été informées, le 24 mars 2000, de l'existence d'un diagnostic établi le 2 février 2000 par la société Prévention Consultants, mettant en évidence la présence de plomb dans les peintures de l'édifice ; que, par courriers des 5 juin 2000 et 19 juin 2000, la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France (Cramif) a précisé les mesures de protection des ouvriers qu'imposait la présence de plomb ; que, par un courrier du 26 juin 2000, la personne responsable du marché a mis la société Chantiers modernes en demeure d'engager les travaux de démolition prévus par son marché; que, par une ordonnance du 11 juillet 2000 du Tribunal administratif de Paris, rendue à la demande de la société Chantiers modernes, un expert a été désigné aux fins de rendre un rapport sur les conséquences techniques, financières, et en termes de délai d'exécution du marché, de la présence de plomb dans les peintures ; que l'expert a rendu son rapport le 22 décembre 2000 ; que, par courrier du 12 janvier 2001, la personne responsable du marché a mis la société Chantiers modernes en demeure, dans un délai de quinze jours, de procéder à l'exécution de son marché en présentant l'intégralité des fonds de plan de sa mission de synthèse, en engageant les opérations de démolition et en commençant les travaux de l'extension Est ; que, par décision du 5 février 2001, le marché a été résilié aux frais et risques de l'entreprise ; que le MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION relève régulièrement appel du jugement en date du 9 juillet 2008 du Tribunal administratif de Paris en tant que les premiers juges, d'une part, ont annulé le titre de recettes émis le 21 mai 2001 par l'Etat (ministre de la culture) à l'encontre de la société Chantiers modernes pour avoir paiement de la somme de 1 494 030 F TTC soit 227 763 euros au titre de pénalités de retard, d'autre part, ont estimé que la résiliation aux frais et risques de l'entrepreneur n'était pas fondée, enfin, ont condamné la société Chantiers modernes à verser à l'Etat une somme de 358 936 euros TTC (2 354 465 F TTC), que ce dernier estime insuffisante, à raison des fautes commises par l'entreprise dans l'exécution de son marché, et demande que les pénalités de retard, fixées à 84 024 euros par les premiers juges, soient portées à la somme de 227 763 euros (1 494 030 F TTC) et que les excédents de dépenses supportés par l'Etat et devant être remboursées par la société Chantiers modernes soient fixés à 2 596 971 euros ; que, par la voie de l'appel incident, la société Chantiers modernes demande l'annulation de la condamnation prononcée à son encontre par les premiers juges et la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 415 170 euros en réparation des préjudices de toute nature qu'elle estime avoir subis du fait de la résiliation de son marché ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Chantiers modernes :

Considérant que le MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION a produit, dans le délai de recours contentieux, un mémoire exposant les faits et les moyens soulevés à l'appui de son recours, conformément à l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; qu'ainsi, la fin de non-recevoir opposée par la société Chantiers modernes et tirée de ce que la requête ne serait pas motivée doit être écartée ;

Sur la légalité du titre de recettes du 21 mai 2001 :

Considérant qu'aux termes de l'article 81 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique : Tout ordre de recettes doit indiquer les bases de la liquidation ; que le titre de recettes litigieux en date du 21 mai 2001 est ainsi motivé : Marché 99-71-230, pénalités de retard dans l'exécution : 1 494 030 F ; que cette motivation, qui ne permettait pas à l'entreprise de discuter le montant des sommes mises à sa charge, ne répond pas aux exigences des dispositions du décret précité ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'aurait été joint à ce titre de perception un document détaillant le calcul des pénalités ; que, par suite, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Paris en a prononcé l'annulation au motif de son insuffisante motivation ;

Sur le bien-fondé de la résiliation aux frais et risques de l'entrepreneur :

Considérant qu'aux termes de l'article 49.1 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux : (...) Lorsque l'entrepreneur ne se conforme pas aux dispositions du marché ou aux ordres de service, la personne responsable du marché le met en demeure d'y satisfaire, dans un délai déterminé, par une décision qui lui est notifiée par écrit ; qu'aux termes de l'article 49.2 du même texte : Si l'entrepreneur n'a pas déféré à la mise en demeure, (...) la résiliation du marché peut être décidée ; qu'enfin, l'article 49.4 de ce texte prévoit que la résiliation décidée par application de l'article 49.2 peut être soit simple, soit aux frais et risques de l'entrepreneur ;

Considérant que, pour résilier le marché de la société Chantiers modernes aux frais et risques de cette société, le service national des travaux s'est fondé sur l'insuffisance des études de synthèse, la non-exécution des travaux d'extension de la partie Est et la non-réalisation des travaux de démolition ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Chantiers modernes, titulaire du lot 2B gros oeuvre, béton armé, carrelage et à ce titre en charge des travaux de démolition nécessaires à l'exécution des travaux des autres lots, après avoir été informée, le 24 mars 2000, de la présence de plomb dans les peintures de l'ouvrage existant, a refusé jusqu'à la résiliation du marché, intervenue le 5 février 2001, d'engager les travaux de démolition au motif de la teneur en plomb des supports à démolir ; que, si le cahier des clauses administratives particulières applicable au lot 2 B ne faisait pas état de présence de plomb dans les peintures, l'ancienneté de l'édifice et son état de vétusté avant restauration permettaient, ainsi que le relève le rapport de l'expert, de déduire, pour un professionnel averti, la présence quasi évidente de peinture au plomb sur le site ; qu'en outre, il résulte du rapport de diagnostic établi par la société Prévention consultants le 13 mars 2000, communiqué à la société Chantiers modernes le 5 mai 2000 et dont les données ont été confirmées par le rapport établi, à la demande de l'expert, par le CEBTP, que la teneur en plomb contenue dans les échantillons prélevés se situait au-dessous du seuil de 50 mg par kg et que les déchets résultant des démolitions prévues par le marché étaient susceptibles d'être stockés dans un centre d'enfouissement de classe II réservé aux déchets banals ; qu'au surplus, il ressort des courriers du 5 juin 2000 et du 19 juin 2000 de la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France (Cramif) précisant les mesures de protection des ouvriers qu'imposait la présence de plomb, ainsi que du rapport établi par le CEBTP, que, si les travaux devaient être exécutés en système clos et étanche et que le personnel en charge de la démolition devait être équipé de gants, de vêtements de protection, de bottes et, en l'absence de ventilation efficace, de masques respiratoires, ces mesures de précaution n'excédaient pas, par leur importance, les mesures habituellement mises en oeuvre dans les chantiers de restauration portant sur ce type d'ouvrage ; qu'enfin, il ne résulte pas davantage de l'instruction que la présence de plomb aurait nécessité des mesures particulières autres que celles préconisées par la Cramif, à défaut desquelles la société Chantiers modernes aurait été dans l'impossibilité technique d'engager les travaux ; qu'ainsi, compte tenu du caractère prévisible de la présence de plomb dans les peintures de l'édifice et de la faible teneur en plomb relevée, et alors même que les marchés de substitution concernant le lot 2 B auraient avoisiné le double du marché initial de la société Chantiers modernes, la présence de plomb ne peut être regardée comme ayant constitué une sujétion imprévue ayant entraîné un bouleversement de l'économie du contrat ; que, par ailleurs, la société Chantiers Modernes n'apporte pas d'éléments probants à l'appui de son allégation selon laquelle le défaut d'exécution des travaux de démolition serait imputable au maître d'ouvrage qui, selon elle, a choisi de ne pas répondre aux propositions qu'elle avait formulées pour débloquer la situation, dans l'objectif de la priver du bénéfice des stipulations de l'article 8 du cahier des clauses administratives particulières permettant l'augmentation du prix du marché ; qu'enfin, la société Chantiers modernes, qui n'était pas responsable de la mission de coordination en matière de sécurité et de protection santé, confiée à la société Quartet, ne peut utilement faire valoir, pour justifier la non-exécution des travaux de démolition, la circonstance que le phasage retenu pour le marché de substitution a fixé une période de démolition d'un mois et demi préalablement à l'engagement des travaux par les autres corps d'état ; qu'ainsi, en persistant, pendant plus de six mois, à refuser d'engager les travaux de démolition, paralysant ainsi l'exécution des travaux d'exécution des autres lots, et en refusant encore, nonobstant les conclusions de l'expert, de déférer à la mise en demeure en date du 12 janvier 2001 de la personne responsable du marché de commencer les travaux de démolition dans un délai de quinze jours, l'entreprise a commis une faute contractuelle d'une gravité suffisante pour justifier, à elle seule, la résiliation à ses frais et risques du lot dont elle avait la charge ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner le bien-fondé des griefs tirés de l'insuffisance des études de synthèse et de la non-réalisation de l'extension de la partie Est, le MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de ce que la résiliation aux frais et risques de l'entreprise du lot 2 B dont elle était titulaire n'était pas fondée ;

Sur l'établissement du solde des comptes entre les parties :

- Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Chantiers modernes :

Considérant que la société Chantiers modernes oppose aux conclusions du MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION, tendant à l'établissement des comptes entre les parties, une fin de non-recevoir tirée de ce que le décompte général du marché n'a pas été établi, en méconnaissance de l'article 13 du cahier des clauses administratives générales ; que, cependant, il appartient au juge du contrat, en l'absence de décompte général, de statuer sur les réclamations pécuniaires présentées par chacune des deux parties ; que les installations qui faisaient l'objet du marché étant réalisées et mises en service, il y a lieu de déterminer le solde de leurs obligations respectives ;

- Sur les pénalités contractuelles de retard :

Considérant que le cahier des clauses administratives particulières commun à tous les lots prévoit en son article 4.1.1 un calendrier détaillé d'exécution, lequel indique, pour chacun des lots, la durée et la date probable de départ des délais particuliers correspondant aux interventions successives de l'entrepreneur sur le chantier ; que le B de l'article 4.3.1 du même cahier prévoit des pénalités pour les retards dans l'exécution des travaux, au regard du calendrier détaillé d'exécution, sur les délais particuliers correspondant aux interventions successives de chaque entrepreneur sur le chantier ; qu'enfin, le C du même article 4.3.1 stipule : Montant des pénalités et retenues journalières prévues au 4-3.1 A et B : Les taux s'appliquent au montant initial de l'ensemble du lot considéré dans les conditions prévues à l'article 20.1 du CCAG : (...) 1/3000e ;

Considérant qu'il résulte de ces stipulations que des pénalités de retard peuvent être infligées à l'entrepreneur, en cas de retard sur les délais particuliers applicables à son lot, tels que prévus par le calendrier détaillé d'exécution ; que, par suite, le moyen invoqué par la société Chantiers modernes et tiré de ce qu'aucune pénalité de retard ne pourrait lui être infligée dès lors qu'à la date de la résiliation du marché, le délai global d'exécution de son lot, fixé à 21 mois par l'acte d'engagement, n'était pas expiré, doit être écarté ;

Considérant qu'à la suite de la mise en demeure en date du 26 juin 2000 de la personne responsable du marché d'avoir à exécuter, sous peine de résiliation de son marché à ses frais et risques, les travaux de démolition qui conditionnaient la poursuite du chantier, la société Chantiers modernes a refusé de déférer à cette mise en demeure au motif qu'elle n'était pas spécialisée en matière d'élimination des déchets de peinture contenant du plomb et a saisi, le 29 juin 2000, le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la désignation d'un expert ; que, si la personne responsable du marché a, par courrier en date du 24 juillet 2000, suspendu les effets de la mise en demeure sur la résiliation du marché dans l'attente des conclusions de l'expert, il ne résulte ni des termes de ce courrier ni d'aucune pièce du dossier que l'entreprise aurait été déliée de son obligation d'exécuter les travaux de démolition qui lui incombaient ; qu'eu égard aux mesures de protection préconisées par la Cramif au mois de juin 2000, la société était en mesure de commencer les travaux de démolition à compter du 15 juillet 2000 ; qu'ainsi, il y a lieu de décompter du 15 juillet 2000 au 5 février 2001, date de la résiliation du marché, le retard imputable à la société Chantiers modernes, et de porter de 90 à 205 jours le nombre de jours calendaires de retard fixés par les premiers juges ; qu'eu égard au montant initial du marché, fixé TTC à 18 372 221,44 francs, soit 2 200 827,10 euros, le montant de la pénalité s'élève, par jour, à 933,61 euros TTC et, pour 205 jours, à 191 390,05 euros ;

- Sur les autres demandes de l'Etat :

Considérant qu'un maître d'ouvrage est fondé à demander qu'un entrepreneur défaillant, et dont le marché a été à bon droit résilié à ses frais et risques, répare les préjudices que lui ont causé l'interruption des travaux jusqu'à la date de la résiliation, et supporte également les conséquences onéreuses de la résiliation, notamment les excédents de dépenses du nouveau marché qui peuvent être mis à la charge de l'entrepreneur en application de l'article 49.4 du cahier des clauses administratives générales ; qu'en revanche, et dès lors que la résiliation du marché rompt tout lien entre les cocontractants, il n'est pas fondé à demander réparation du dommage qu'il aurait subi du fait que les travaux sont demeurés interrompus après la résiliation ;

Considérant que le MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION demande à la Cour que soient mises à la charge de l'entreprise défaillante des excédents de dépenses exposées par l'Etat, évalués par lui à la somme de 2 596 971,61 euros, consistant en des suppléments de loyers du fait de la prolongation de l'occupation des locaux où était installée la Cour administrative d'appel de Paris, en des indemnités versées aux titulaires des autres lots au titre de l'allongement de la durée du chantier, en des suppléments de frais fixes et de dégarnissage de la charpente, et en des frais de confection de fonds de plans sur support informatique ;

Considérant, s'agissant de la réparation des préjudices causés par l'interruption des travaux jusqu'à la date de la résiliation, que les pénalités de retard prévues par le marché, appliquées à la société Chantiers modernes, ont le caractère d'une réparation forfaitaire ; qu'il s'ensuit que le ministre ne peut demander que la société Chantiers modernes répare, en sus du paiement desdites pénalités, les préjudices de toute nature que lui auraient causé les retards de l'entreprise avant la résiliation de son marché ;

Considérant, par ailleurs, que ni les excédents de dépenses subis par l'Etat du fait que les travaux sont demeurés interrompus après la rupture des relations contractuelles avec la société Chantiers modernes, constitués par des suppléments de loyers du fait de la prolongation de l'occupation des locaux où était installée la Cour administrative d'appel de Paris, par des indemnités versées aux titulaires des autres lots au titre de l'allongement du chantier et par des suppléments de frais fixes et de dégarnissage de la charpente, ni les frais de confection de fonds de plans sur support informatique ne sont au nombre des conséquences onéreuses de la résiliation du marché ; qu'il suit de là qu'en mettant partiellement à la charge de la société Chantiers modernes, pour un montant de 274 912 euros, le surcoût des dépenses supportées par l'Etat, Tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit ; que, par suite, les conclusions incidentes de la société Chantiers modernes tendant à la décharge de cette somme doivent être accueillies, et les conclusions du MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION tendant au versement de la somme totale de 2 596 971,61 euros, soit 1 331 320,64 euros au titre des suppléments de loyers, 1 031 813,81 euros au titre des indemnisations allouées aux autres intervenants sur le site, 168 184,65 euros au titre des frais fixes et de dégarnissage de la charpente et 43 321,38 euros TTC pour les fonds de plans et la synthèse, ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant, enfin, qu'eu égard au bien-fondé de la résiliation aux frais et risques de la société Chantiers modernes, les conclusions de celle-ci tendant à la réparation du préjudice que lui aurait causé cette résiliation ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, qu'il y a lieu de déclarer justifiée la résiliation du lot 2 B aux frais et risques de la société Chantiers modernes, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal administratif de Paris, d'autre part, de réformer le jugement attaqué du 9 juillet 2008 en ce que les premiers juges ont infligé à la société Chantiers modernes des pénalités contractuelles d'un montant inférieur à la somme de 191 390,05 euros et ont alloué à l'Etat la réparation de dommages ne constituant pas des conséquences onéreuses de la résiliation du marché, enfin, de rejeter le surplus des conclusions des parties ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant que la société Chantiers modernes a sollicité la désignation d'un expert alors qu'il ressortait tant du rapport de diagnostic, établi le 13 mars 2000 par la société Prévention consultants, que du courrier de la Cramif, en date du 19 juin 2000, que ni la teneur en plomb des parties à démolir, ni les mesures à prendre pour l'élimination des déchets, ne remettaient en cause les conditions de réalisation des travaux qui lui étaient confiés ; que, dans ces conditions, il y a lieu de mettre la totalité des frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 50 917 euros, à la charge de la société Chantiers modernes ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 358 936,32 euros que la société Chantiers modernes a été condamnée à verser à l'Etat par l'article 1er du jugement du 9 juillet 2008 du Tribunal administratif de Paris est ramenée à 191 390,05 euros .

Article 2 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 50 917 euros sont mis entièrement à la charge de la société Chantiers modernes.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions du MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION et de la société Chantiers modernes est rejeté.

''

''

''

''

2

N° 08VE03571


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 08VE03571
Date de la décision : 23/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Résiliation.


Composition du Tribunal
Président : Mme COROUGE
Rapporteur ?: Mme Hélène VINOT
Rapporteur public ?: M. DAVESNE
Avocat(s) : BUÈS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-06-23;08ve03571 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award