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28/09/2010 | FRANCE | N°09VE02387

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 28 septembre 2010, 09VE02387


Vu la requête, enregistrée le 17 juillet 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société EATON SAS, dont le siège est 240 chemin de Pau BP 123 à Serres-Castet (64121), par Me Magnier, avocat ; la société EATON demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704724 en date du 14 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles, à la demande de M. A, a annulé la décision en date du 6 mars 2007 par laquelle le ministre chargé de l'emploi a autorisé la société EATON à le licencier ;

2°) de rejeter la demande

présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Versailles ;

3°) de mett...

Vu la requête, enregistrée le 17 juillet 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société EATON SAS, dont le siège est 240 chemin de Pau BP 123 à Serres-Castet (64121), par Me Magnier, avocat ; la société EATON demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704724 en date du 14 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles, à la demande de M. A, a annulé la décision en date du 6 mars 2007 par laquelle le ministre chargé de l'emploi a autorisé la société EATON à le licencier ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Versailles ;

3°) de mettre à la charge de M. A le somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que les faits reprochés à M. A d'accès sans autorisation au réseau informatique de la société, de détention irrégulière de données personnelles de salariés et de destruction de preuves sont établis par les investigations effectuées par la société elle-même après avoir constaté que des attaques avaient eu lieu contre ses serveurs, et par des experts indépendants (Kroll on Track) ; que les conditions d'acheminement des disques durs aux Etats-Unis pour expertise étaient sécurisées, le paquet transporté par UBS n'ayant jamais été ouvert, ce qu'a confirmé la date de la dernière intervention opérée sur ces disques durs déterminée par l'expert ; que personne d'autre que M. A n'a pu avoir accès à son poste informatique, aucun cheval de troie ni aucun log n'ayant été décelé ; qu'un tiers malveillant n'aurait pas effacé les traces de ses opérations ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 septembre 2010 :

- le rapport de Mme Boret, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Jarreau, rapporteur public,

- les observations de Me Brugues Reix, substituant Me Magnier, pour la société EATON,

- et les observations de Me Béguin-Desvaux, pour M. A ;

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

Considérant que le ministre chargé de l'emploi a autorisé la société EATON à licencier M. A, qui, membre du Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), exerçait la fonction d'administrateur réseau sur le site de Coignières, aux motifs de l'intrusion de ce dernier sur le réseau informatique de la société, d'usage de logiciels malveillants et de destruction de preuves de leur usage ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la société EATON a constaté le 30 mars 2006 des dysfonctionnements inexpliqués de son réseau informatique qui se sont répétés le 18 avril ; qu'au cours des investigations auxquelles elle a procédé afin d'en déterminer l'origine, il a été découvert que des logiciels de piratage (lophtcrack 5) avaient été téléchargés en février à partir de l'ordinateur professionnel portable de M. A et utilisés pour décoder environ 9 000 mots de passe préalablement collectés sans autorisation ; que des fichiers de données personnelles de salariés, notamment leurs références bancaires, avaient été créés sur ce même ordinateur, et que le 18 avril, des dossiers ont été créés sur l'ordinateur de M. A destinés aussi à décoder des mots de passe ; que, dans le cadre des vérifications effectuées, la société EATON a découvert que les dysfonctionnements de son réseau provenaient d'attaques contre ses serveurs par deux machines du site de Coignières connectées au réseau sans autorisation, et que l'une d'entre elles était l'ordinateur portable professionnel de M. A et l'autre un serveur auquel M. A avait accès ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante ayant établi que M. A a procédé à une manipulation ayant conduit à une interversion de deux disques durs de 80 GO et de 60 GO, l'utilisation professionnelle par M. A du disque dur saisi sur son ordinateur portable peut être regardée comme établie ;

Considérant, en troisième lieu, que le disque dur de l'ordinateur portable professionnel de M. A et les deux disques durs des serveurs de Coignières ont été saisis, le 21 avril 2006, en présence de M. A, puis expédiés, sous paquet sécurisé aux Etats-Unis où ils ont été réceptionnés le 24 avril puis ouverts le 27 avril par un expert indépendant qui a immédiatement procédé à une copie physique de bit à bit de chacun d'entre eux afin de les analyser ; que les conclusions du rapport de l'expert sont claires et indiquent que la dernière utilisation de ces trois disques durs remonte au 21 avril ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il a été établi techniquement par l'expert qu'aucune prise de contrôle à distance par un tiers de l'ordinateur portable professionnel de M. A n'a eu lieu ; que M. A doit être regardé comme le seul auteur des faits fautifs reprochés ; que ces faits X étaient de nature à justifier son licenciement pour faute ;

Considérant qu'il suit de là que la société EATON est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles s'est fondé, pour annuler la décision du ministre chargé de l'emploi, sur ce que la réalité des faits reprochés à M. A n'était pas établie ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Considérant, en premier lieu, que la décision en litige, suffisamment motivée, a été signée par M. Combrexelle, directeur général des relations du travail, en vertu d'une délégation qui lui a été consentie à cette fin par le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement par arrêté du 21 juin 2005, publié au Journal officiel de la République française le 24 juin 2005 ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que ladite décision aurait été prise par une autorité incompétente manque en fait ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 436-8 du code du travail : (...) en cas de faute grave, le chef d'entreprise a la faculté de prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé (...) ; qu'en l'espèce, la mise à pied de M. A décidée par l'entreprise en application de ces dispositions dans l'attente de la décision de l'inspecteur du travail a été décidée à titre conservatoire et, par suite, ne revêt pas le caractère d'une sanction ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier, que les motifs retenus pour prononcer le licenciement de M. A ont été soumis à l'inspecteur du travail territorialement compétent ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société EATON est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du ministre chargé de l'emploi autorisant le licenciement de M. A ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société EATON et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Versailles est rejetée.

Article 3 : M. A versera à la société EATON la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société EATON est rejeté.

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N° 09VE02387 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 09VE02387
Date de la décision : 28/09/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle BORET
Rapporteur public ?: Mme JARREAU
Avocat(s) : BÉGUIN-DESVAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2010-09-28;09ve02387 ?
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