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04/02/2010 | FRANCE | N°08VE02973

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 04 février 2010, 08VE02973


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 8 septembre 2008, présentée pour M. Romain A demeurant ..., par Me Rio ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0611157-0701348 du 10 juillet 2008 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision référencée 48 S en date du 8 novembre 2006 du ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire constatant l'invalidité de son permis de conduire pour solde de

points nul, des décisions retirant au capital de son permis de conduire six p...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 8 septembre 2008, présentée pour M. Romain A demeurant ..., par Me Rio ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0611157-0701348 du 10 juillet 2008 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision référencée 48 S en date du 8 novembre 2006 du ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire constatant l'invalidité de son permis de conduire pour solde de points nul, des décisions retirant au capital de son permis de conduire six points à la suite de l'infraction du 13 mars 2005 et six points à la suite de l'infraction du 9 juillet 2005 et de la décision du préfet des Yvelines du 23 janvier 2007 lui enjoignant de restituer son permis de conduire ;

2°) d'annuler les décisions contestées ;

3°) d'enjoindre au ministre chargé de l'intérieur de lui restituer l'ensemble de points retirés dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 740 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A soutient que le jugement de première instance est entaché d'irrégularité en ce que le magistrat désigné a omis de répondre au moyen tiré du défaut de réalité de l'infraction relevée le 13 mars 2005 ; que la pratique d'une notification globale des retraits de points ne satisfait pas aux dispositions de l'article R. 223-3 du code de la route qui exige une notification individuelle de chaque retrait de point ; que la réalité de l'infraction relevée le 13 mars 2005 n'est pas établie faute de paiement de l'amende forfaitaire et de production par le ministre du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée ; que l'absence de production du titre exécutoire par l'administration porte atteinte aux droits de la défense ; que cette infraction a été constatée sur un ancien modèle de carte lettre qui ne comprend pas toutes les informations exigées par l'article L. 223-3 ; que s'agissant de l'infraction constatée le 9 juillet 2005 le procès-verbal d'audition ne rappelle pas les dispositions de l'article L. 223-2 du code de la route ; que l'article R. 223-1 du code de la route tel que modifié par le décret du 11 juillet 2003 méconnait les garanties substantielles tenant à l'intelligibilité de l'information qui doit être délivrée lors de la constatation de l'infraction ;

...........................................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la route ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 janvier 2010 :

- le rapport de Mme Courault, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Davesne, rapporteur public ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A avait soulevé au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision de retrait de points consécutive à l'infraction relevée le 13 mars 2005, le moyen tiré de ce que la réalité de cette infraction n'était pas établie ; que le magistrat désigné par le président du tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant ; que le jugement étant entaché d'une omission à statuer, il y a lieu de prononcer son annulation et de statuer sur la demande de M. A par la voie de l'évocation ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant qu'en vertu de l'article L. 223-1 du code de la route dans sa rédaction en vigueur à la date de constatation des infractions : Le permis de conduire est affecté d'un nombre de points. Celui-ci est réduit de plein droit si le titulaire du permis a commis une infraction pour laquelle cette réduction est prévue. (...). La réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie par le paiement d'une amende forfaitaire ou l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, l'exécution d'une composition pénale ou par une condamnation définitive ; qu'aux termes de l'article L. 223-3 du même code dans sa rédaction en vigueur à la même date : Lorsque l'intéressé est avisé qu'une des infractions entraînant retrait de points a été relevée à son encontre, il est informé des dispositions de l'article L. 223-2, de l'existence d'un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour lui d'exercer le droit d'accès conformément aux articles L. 225-1 à L. 225-9. / Lorsqu'il est fait application de la procédure de l'amende forfaitaire ou de la procédure de composition pénale, l'auteur de l'infraction est informé que le paiement de l'amende ou l'exécution de la composition pénale entraîne le retrait du nombre de points correspondant à l'infraction reprochée, dont la qualification est dûment portée à sa connaissance ; il est également informé de l'existence d'un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour lui d'exercer le droit d'accès. / Le retrait de points est porté à la connaissance de l'intéressé par lettre simple quand il est effectif. ; qu'aux termes de l'article R. 223-3 du même code dans sa rédaction en vigueur à la même date : I- Lors de la constatation d'une infraction entraînant retrait de points, l'auteur de celle-ci est informé qu'il encourt un retrait de points si la réalité de l'infraction est établie dans les conditions définies à l'article L. 223-1 / II. - Il est informé également de l'existence d'un traitement automatisé des retraits et reconstitutions de points et de la possibilité pour lui d'accéder aux informations le concernant. Ces mentions figurent sur le document qui lui est remis ou adressé par le service verbalisateur. Le droit d'accès aux informations ci-dessus mentionnées s'exerce dans les conditions fixées par les articles L. 225-1 à L. 225-9. / III. - Lorsque le ministre de l'intérieur constate que la réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie dans les conditions prévues par le quatrième alinéa de l'article L. 223-1, il réduit en conséquence le nombre de points affecté au permis de conduire de l'auteur de cette infraction et en informe ce dernier par lettre simple. (...) ;

En ce qui concerne le moyen tiré du défaut de notification des décisions portant retrait de points :

Considérant que les conditions de la notification au conducteur des retraits de points de son permis de conduire prévue par les dispositions précitées ne conditionnent pas la régularité de la procédure suivie et, partant, la légalité de ces retraits ; que cette procédure a pour seul objet de rendre ceux-ci opposables à l'intéressé et de faire courir le délai dont dispose celui-ci pour en contester la légalité devant la juridiction administrative ; que la circonstance que le ministre de l'intérieur ne soit pas en mesure d'apporter la preuve que la notification des retraits successifs, effectuée par lettre simple, a bien été reçue par son destinataire, ne saurait lui interdire de constater que le permis a perdu sa validité, dès lors que dans la décision procédant au retrait des derniers points, il récapitule les retraits antérieurs et les rend ainsi opposables au conducteur, qui demeure recevable à exciper de l'illégalité de chacun de ces retraits ; que la décision en date du 8 novembre 2006 du ministre de l'intérieur, qui procède au retrait des derniers points du permis de conduire de M. A récapitule les retraits antérieurs et les rend ainsi opposables à l'intéressé, lequel, d'ailleurs, invoque l'illégalité de chacun des retraits consécutifs aux infractions constatées les 13 mars 2005 et 9 juillet 2005 ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les décisions portant retrait de points seraient irrégulières, en raison de l'éventuelle méconnaissance par le ministre de l'intérieur, qui n'est pas en mesure d'apporter la preuve de la notification des retraits successifs, des exigences des articles L. 223-3 et R. 223-3 précités du code de la route ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 223-1 du code de la route relatives à l'établissement de la réalité de l'infraction constatée le 13 mars 2005 :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de ce moyen ;

Considérant que M. A soutient qu'il n'aurait pas réglé l'amende forfaitaire relative à cette infraction et que le ministre n'apporte pas la preuve qu'un titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée a été émis ; que toutefois la décision du 8 novembre 2006 porte mention pour cette infraction du paiement d'une amende forfaitaire ; qu'en l'absence de tout élément avancé par l'intéressé de nature à mettre en doute l'exactitude de cette mention, notamment par la justification qu'il aurait formulé une requête en exonération dans les conditions prévues par les dispositions des articles 529-1 et 529-2 du code de procédure pénale, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales doit être regardé comme apportant la preuve que le requérant s'est acquitté de l'amende forfaitaire ; que ce règlement vaut reconnaissance de la réalité des infractions, en application de l'article L. 223-1 du code de la route ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 223-3 du code de la route :

Considérant que M. A soutient en ce qui concerne l'infraction constatée le 13 mars 2005, que le procès-verbal de contravention ne mentionne pas le nombre de point exact dont la perte est encourue et que le formulaire Cerfa n° 011317-02 ne comporterait pas les informations prévues par l'article L. 223-2 du code de la route ; que cependant, lorsqu'il est fait application de la procédure d'amende forfaitaire, comme en l'espèce, l'information remise ou adressée par le service verbalisateur doit porter, en vertu du deuxième alinéa de l'article L. 223-3, d'une part, sur l'existence d'un traitement automatisé des points et la possibilité d'exercer le droit d'accès conformément aux articles L. 225-1 à L. 225-9 du code de la route et, d'autre part, sur le fait que le paiement de l'amende ou l'exécution de la composition pénale établit la réalité de l'infraction, dont la qualification est précisée, et entraîne un retrait de points correspondant à cette infraction ; que ni l'article L. 223-3, ni l'article R. 223-3 du code de la route n'exigent dans ce cas de figure que le conducteur soit informé du nombre exact de points susceptible de lui être retiré ni des dispositions de l'article L. 223-2 ; que le procès-verbal de contravention signé par M. A indique la qualification de l'infraction et l'information suivant laquelle un retrait de points est encouru ; que l'avis de contravention comporte toutes les informations exigées par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que le retrait de points consécutifs à l'infraction constatée le 13 mars 2005 serait intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière ;

Considérant, en revanche, que lorsqu'il n'est pas fait application des procédures d'amende forfaitaire ou de composition pénale, l'information due à l'auteur de l'infraction est celle que prévoit l'alinéa premier de l'article L. 223-3 précité du code de la route ; qu'en application de cet alinéa l'intéressé doit, dans le document qui lui est remis ou adressé par le service verbalisateur, être informé qu'il encourt, en cas de condamnation par le juge pénal, un retrait de points de son permis de conduire, dans les limites prévues par l'article L. 223-2, dont les dispositions doivent être portées à sa connaissance ; qu'aux termes de l'article L. 223-2 du code de la route I. - Pour les délits, le retrait de points est égal à la moitié du nombre maximal de points. II. - Pour les contraventions, le retrait de points est, au plus, égal à la moitié du nombre maximal de points. III. - Dans le cas où plusieurs infractions entraînant retrait de points sont commises simultanément, les retraits de points se cumulent dans la limite des deux tiers du nombre maximal de points. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a commis le 9 juillet 2005 un délit pour lequel il a été reconnu coupable de conduite en état d'imprégnation alcoolique par un jugement du Tribunal de grande instance de Paris statuant en matière correctionnelle le 21 novembre 2005 ; qu'il ressort du procès-verbal d'audition de M. A établi à la suite de cette infraction que si le contrevenant a été informé qu'il encourait une perte de points, de l'existence d'un traitement automatisé des pertes et reconstitutions de points et de la possibilité d'exercer un droit d'accès, les dispositions de l'article L. 223-2 n'ont pas été portées à sa connaissance ; que, par suite, le retrait de six points consécutif à l'infraction du 9 juillet 2005 a été pris au terme d'une procédure irrégulière et doit être annulé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation de la décision de retrait de points afférente à l'infraction commise le 9 juillet 2005 ; qu'en revanche, il n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de retrait de points afférente à l'infraction constatée le 13 mars 2005 ;

Considérant que la décision susvisée du ministre de l'intérieur constatant la perte de validité du permis de conduire de M. A fait état d'une décision de retrait de points annulée par le présent arrêt ; qu'aux termes des dispositions précitées du code de la route, le permis de conduire ne perd sa validité qu'en cas de solde de points nul ; que tel n'est plus le cas en l'espèce, le solde de points du permis de M. A étant redevenu positif du fait de la dite annulation ; qu'ainsi la décision du 8 novembre 2006 en tant qu'elle invalide le permis litigieux, doit être annulée ;

Considérant que l'annulation par le présent arrêt de la décision du ministre de l'intérieur constatant la perte de validité du permis de M. A prive de base légale la décision du préfet de des Yvelines enjoignant à celui-ci de restituer son permis de conduire, dès lors qu'à la date de cette décision, le capital de points de l'intéressé n'était pas réduit à zéro ; que ladite décision du préfet doit dès lors être annulée ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ;

Considérant que l'annulation, par le présent arrêt, de la décision de retrait de points prise à la suite de l'infraction commise le 9 juillet 2005 implique nécessairement que le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales restitue les six points illégalement retirés du permis de conduire de M. A, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, à charge pour l'administration d'en tirer toutes les conséquences à la date de sa nouvelle décision sur le capital de points et le droit de conduire de l'intéressé ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A des sommes qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0611157, 0701348 en date du 10 juillet 2008 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La décision par laquelle le ministre chargé de l'intérieur a procédé au retrait de six points affectés au permis de conduire de M. A consécutivement à l'infraction du 9 juillet 2005 est annulée.

Article 3 : La décision du ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire en date du 8 novembre 2006 constatant l'invalidité du permis de conduire de M. A et la décision du préfet des Yvelines en date du 23 janvier 2007 enjoignant à l'intéressé de restituer son titre de conduite sont annulées.

Article 4 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales de restituer six points au permis de conduire de M. A, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, à charge pour l'administration d'en tirer toutes les conséquences à la date de sa nouvelle décision sur le capital de points et le droit de conduire de l'intéressé.

Article 5 : Le surplus des conclusions des demandes et de la requête de M. A est rejeté.

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N° 08VE02973 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 08VE02973
Date de la décision : 04/02/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: Mme Christine COURAULT
Rapporteur public ?: M. DAVESNE
Avocat(s) : SELARL RIO AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2010-02-04;08ve02973 ?
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