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05/02/2009 | FRANCE | N°07VE01002

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 05 février 2009, 07VE01002


Vu le recours, enregistré le 17 octobre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0505245-0505246-0505247 du 14 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a prononcé la réduction des cotisations de taxe professionnelle auxquelles la SA Peugeot Citroën Automobiles a été assujettie au titre des années 1999, 2001 et 2002 à hauteur, en dr

oits, respectivement de 7 416 637 euros, 23 857 439 euros et 27 56...

Vu le recours, enregistré le 17 octobre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0505245-0505246-0505247 du 14 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a prononcé la réduction des cotisations de taxe professionnelle auxquelles la SA Peugeot Citroën Automobiles a été assujettie au titre des années 1999, 2001 et 2002 à hauteur, en droits, respectivement de 7 416 637 euros, 23 857 439 euros et 27 567 540 euros ;

2°) de rétablir la SA Peugeot Citroën Automobiles aux rôles de la taxe professionnelle des années 1999, 2001 et 2002 à concurrence des réductions prononcées par le Tribunal administratif de Versailles ;

Il soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé et entaché d'erreur de droit ; qu'en effet, les premiers juges n'ont pas indiqué les raisons pour lesquelles ils ont considéré que les dispositions de l'article 59 de la loi du 30 décembre 2003 portant loi de finances rectificative pour l'année 2003, codifiées au 3° bis de l'article 1469 du code général des impôts, selon lesquelles « les biens (...) utilisés par une personne qui n'en est ni propriétaire, ni locataire, ni sous-locataire, sont imposés au nom de leur sous-locataire ou, à défaut, de leur locataire ou, à défaut, de leur propriétaire dans le cas où ceux-ci ne sont pas passibles de la taxe professionnelle », auraient, en tant qu'elles sont d'application rétroactive, méconnu les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé, sans en préciser les motifs, que la demande de restitution des cotisations de taxe professionnelle présentée par la société requérante avant l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions constituait une action tendant à la répétition d'un « bien » au sens de ces stipulations ; que les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne font pas obstacle à l'application à des litiges en cours d'instance juridictionnelle de dispositions législatives à portée rétroactive dont la conséquence est la validation d'actes faisant l'objet de ces litiges, lorsque l'intervention desdites dispositions est justifiée par des motifs impérieux d'intérêt général ; que tel est le cas du nouveau dispositif, qui a pour objet de ne pas alourdir la charge fiscale des sous-traitants français dépositaires d'équipements mis gratuitement à leur disposition et de limiter le contentieux en cours à la date d'adoption de ce dispositif, chiffré, lors des travaux préparatoires, à plus de cent millions d'euros ; qu'en l'absence de portée rétroactive de l'article 59 de la loi du 30 décembre 2003 portant loi de finances rectificative pour l'année 2003, les donneurs d'ordres auraient été en droit de contester la base déclarée au titre des années antérieures à 2004 sur le fondement de la jurisprudence issue de la décision du Conseil d'Etat du 25 avril 2003 et, dans le même temps, les sous-traitants, auraient pu échapper à l'imposition en opposant à l'administration, sur le fondement du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, sa propre doctrine ; qu'en outre, les collectivités territoriales auraient pu engager des actions en responsabilité à l'encontre de l'Etat à raison des pertes de recettes fiscales engendrées par la non-taxation à la taxe professionnelle des immobilisations mises à la disposition des sous-traitants ; que, par suite, c'est par une inexacte appréciation du critère de « motifs impérieux d'intérêt général » que le tribunal administratif a estimé que les dispositions de l'article 59 de la loi du 30 décembre 2003 portant loi de finances rectificative pour l'année 2003 méconnaissaient les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 portant loi de finances rectificative pour l'année 2003 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2009 :

- le rapport de Mme Garrec, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Beaufaÿs, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il résulte des énonciations du jugement attaqué que, contrairement à ce que soutient le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, les premiers juges se sont prononcés, pour l'écarter, sur le moyen en défense de l'administration tiré de ce que la validation législative opérée par l'effet de l'article 59 de la loi du 30 décembre 2003 portant loi de finances rectificative pour l'année 2003 était justifiée par des motifs d'intérêt général ; qu'ainsi, ledit jugement est suffisamment motivé ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant que la SA Peugeot Citroën Automobiles, dont le siège est à Poissy, a déclaré dans ses bases imposables à la taxe professionnelle due au titre des années 1999, 2001 et 2002 la valeur locative d'outillages industriels lui appartenant qu'elle a mis gratuitement à disposition de certains de ses sous-traitants ; que, par trois réclamations des 3 octobre 2002, 19 juin et 26 juin 2003, elle a sollicité la réduction des cotisations de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre de chacune des années 1999, 2001 et 2002 en litige correspondant à la valeur locative de ces outillages, au motif que c'est à tort qu'elle avait intégré cette valeur locative dans ses bases imposables ; que, par trois décisions du 12 avril 2005, le directeur des services fiscaux des Hauts-de-Seine Nord a rejeté ses réclamations en se fondant sur les dispositions de l'article 59 de la loi du 30 décembre 2003 portant loi de finances rectificative pour l'année 2003 modifiant le 3° bis de l'article 1469 du code général des impôts ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE relève régulièrement appel du jugement du 14 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a accordé à la SA Peugeot Citroën Automobiles la réduction de ces cotisations ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précitées ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou amendes » ; que s'il résulte de ces stipulations que le droit au respect de ses biens reconnu à toute personne physique ou morale ne porte pas atteinte au droit de chaque Etat de mettre en oeuvre les lois qu'il estime nécessaires pour assurer le paiement des impôts, c'est à la condition de ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit au respect des biens ;

Considérant qu'aux termes de l'article 59 de la loi susvisée du 30 décembre 2003 portant loi de finances rectificative pour l'année 2003 et modifiant le 3° bis de l'article 1469 du code général des impôts : « I. - (...) Les biens (...) utilisés par une personne qui n'en est ni propriétaire, ni locataire, ni sous-locataire, sont imposés au nom de leur sous-locataire ou, à défaut, de leur locataire ou, à défaut, de leur propriétaire dans le cas où ceux-ci sont passibles de la taxe professionnelle. II. - Les dispositions du I s'appliquent aux impositions relatives à l'année 2004 ainsi qu'aux années ultérieures et, sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, aux impositions relatives aux années antérieures » ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : « La taxe professionnelle a pour base : 1° (...) a) la valeur locative (...) des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle (...) » ; que, par une décision du 25 avril 2003, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a jugé que les immobilisations dont la valeur locative est ainsi intégrée dans l'assiette de la taxe professionnelle sont les biens placés sous le contrôle du redevable et que celui-ci utilise matériellement pour la réalisation des opérations qu'il effectue ; que, pour l'application de ce principe avant l'entrée en vigueur de l'article 59 précité, les sous-traitants qui utilisaient matériellement pour la réalisation des opérations constitutives de leur activité des outillages spécifiquement adaptés que le donneur d'ordres, qui en conservait la propriété, mettait à leur disposition, étaient réputés disposer de ces outillages au sens du a) du 1° de l'article 1467 du code général des impôts, quelle que soit l'intention du donneur d'ordres procédant à une telle mise à disposition et alors même que les sous-traitants n'auraient exercé qu'un contrôle partiel sur ces outillages ; qu'ainsi, un contribuable qui avait mis gratuitement à la disposition de ses sous-traitants des immobilisations était en droit, en application de la décision du Conseil d'Etat du 23 avril 2003 susmentionnée, et avant l'entrée en vigueur de l'article 59 de la loi du 30 décembre 2003 portant loi de finances rectificative pour l'année 2003, d'obtenir la restitution des cotisations de taxe professionnelle qu'il avait acquittées indûment résultant de l'intégration dans ses bases d'imposition de la valeur locative desdites immobilisations ;

Considérant que les dispositions de l'article 59 de la loi du 30 décembre 2003, adoptées postérieurement aux demandes de restitution des cotisations de taxe professionnelle présentées par la SA Peugeot Citroën Automobiles, comme il a été dit ci-dessus, les 3 octobre 2002, 19 juin et 26 juin 2003, ont eu pour effet de la priver rétroactivement du droit à une telle restitution qu'elle tenait de l'intégration indue dans ses base imposables de la valeur locative des immobilisations mises gratuitement par ses soins à la disposition de ses sous-traitants ; que, dans ces conditions, le droit à restitution des cotisations de taxe professionnelle indûment acquittées par la requérante, qu'elle tenait des textes alors applicables, doit être regardé comme constituant un « bien » au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que ni la volonté du législateur d'éviter un transfert de charges entre les collectivités locales en fonction du redevable de la taxe professionnelle, ni un éventuel « aléa contentieux » se traduisant par des pertes de recettes fiscales, estimées, dans le cadre des travaux préparatoires à l'adoption de l'article 59 de la loi du 30 décembre 2003, à environ cent millions d'euros, ne constituent des motifs d'intérêt général de nature à justifier l'atteinte ainsi portée au bien de la société requérante, au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole précité ; que, dès lors, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a fait droit à la demande de la SA Peugeot Citroën Automobiles ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la SA Peugeot Citroën Automobiles et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la SA Peugeot Citroën Automobiles une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 07VE02573


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 07VE01002
Date de la décision : 05/02/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FRYDMAN
Rapporteur ?: Mme Laurence BELLE VANDERCRUYSSEN
Rapporteur public ?: M. BEAUFAYS
Avocat(s) : YAICH DUBUS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2009-02-05;07ve01002 ?
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