Vu la requête, enregistrée en télécopie le 11 octobre 2007 et en original le 15 octobre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour Mme Alaise Marie X, demeurant ..., par Me Mendel-Riche ; Mme X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0704286 en date du 6 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 20 mars 2007 du préfet de la Seine-Saint-Denis rejetant sa demande de titre de séjour, assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et désignant son pays d'origine comme pays à destination duquel elle serait reconduite ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation et de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de condamner l'Etat au paiement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Elle soutient que :
- le jugement critiqué est insuffisamment motivé ;
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- c'est à tort que le préfet a estimé que la pathologie particulière dont souffre son enfant ne justifiait pas qu'il lui soit délivré un titre alors que le handicap dont il souffre ne peut être soigné qu'en France ;
- de même, c'est à tort que le tribunal a estimé que le préfet n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'état de santé de sa fille ne justifiait pas également la délivrance d'un titre de séjour ;
- la décision en cause méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de l'existence de liens familiaux et personnels sur le territoire français et de l'état de santé de ses enfants ;
- la décision et le jugement critiqués méconnaissent également l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, compte tenu de l'état de santé de son fils Mickaël qui bénéficie d'une prise en charge par le service d'éducation, de soins et d'aide à domicile en attendant une place dans un établissement adapté, alors que ce type d'établissement est inexistant dans son pays d'origine ;
- la décision de renvoi vers le pays d'origine constitue un traitement dégradant et inhumain contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 janvier 2009 :
- le rapport de M. Lenoir, président-assesseur,
- et les conclusions de Mme Grand d'Esnon, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le fils de Mme X, né le 29 septembre 1998, souffre d'un handicap moteur grave ainsi que d'un déficit auditif et a été déclaré invalide à 80 % ; que Mme X démontre, par les pièces qu'elle produit, que son enfant ne pourrait pas bénéficier au Gabon, pays dont elle est originaire, des soins nécessaires à l'amélioration de son état et contredit ainsi utilement l'avis du médecin inspecteur de la santé publique du 3 août 2006 selon lequel cet enfant peut bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine ; que, par ailleurs, il ressort des mêmes pièces que le jeune Mickaël ne peut poursuivre sa scolarité qu'au sein d'un établissement spécialisé situé sur le territoire français lui permettant de surmonter son handicap ; que, dans ces conditions, eu égard au fait que la présence de Mme X est nécessaire auprès de son enfant, la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis rejetant sa demande de titre de séjour porte atteinte à l'intérêt supérieur du jeune Mickaël et doit être regardée comme contraire aux stipulations précitées de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 20 mars 2007 rejetant sa demande de titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
Sur les conclusions tendant à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé » ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme X un titre de séjour temporaire « vie privée et familiale » dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ; qu'en revanche, et compte tenu des mêmes circonstances, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 : « L'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à l'article 75, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, au paiement d'une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant de la part contributive de l'Etat et poursuivre le recouvrement de son profit de la somme allouée par le juge » ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ne peut demander au juge de condamner à son profit la partie perdante qu'au paiement des seuls frais qu'il a personnellement exposés, à l'exclusion de la somme correspondant à la part contributive de l'Etat de la mission d'aide juridictionnelle confiée de son avocat, mais que l'avocat de ce bénéficiaire peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement à son profit de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
Considérant que Mme X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Mendel-Riche, avocat de Mme X, renonce à percevoir la somme correspondant de la part contributive de l'Etat, de condamner l'Etat à payer à Me Mendel-Riche la somme de 1 500 euros ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0704286 en date du 6 juillet 2007 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 20 mars 2007 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme X, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, un titre de séjour vie privée et familiale.
Article 3 : L'Etat versera, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 500 euros à Me Mendel-Riche, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X est rejeté.
N° 07VE02549 2