La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/01/2009 | FRANCE | N°07VE01067

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 29 janvier 2009, 07VE01067


Vu la requête, enregistrée en télécopie le 10 mai 2007 et en original le 11 mai 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Jean-François X et Mme Geneviève Z, épouse X élisant domicile ..., par Me Gabizon ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0404983 en date du 15 mars 2007 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a limité à un montant de 78 000 euros l'indemnité mise à la charge de la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux en réparation des dommages subis par leur maison du

fait du sinistre survenu entre fin septembre et début octobre 1995 ;

2°) de...

Vu la requête, enregistrée en télécopie le 10 mai 2007 et en original le 11 mai 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Jean-François X et Mme Geneviève Z, épouse X élisant domicile ..., par Me Gabizon ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0404983 en date du 15 mars 2007 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a limité à un montant de 78 000 euros l'indemnité mise à la charge de la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux en réparation des dommages subis par leur maison du fait du sinistre survenu entre fin septembre et début octobre 1995 ;

2°) de condamner solidairement la commune de Saint-Denis et la société Veolia Eau- Compagnie Générale des Eaux à leur verser les sommes de 237 768,02 euros au titre des travaux de remise en état, cette somme étant indexée sur l'indice BT 01 du coût de la construction à compter du mois de mars 1998, de 4 592,07 euros au titre des travaux urgents, de 120 euros par jour au titre du trouble de jouissance, de 7 608,88 euros au titre du préjudice matériel complémentaire et de 3 048,98 euros au titre des pertes financières consécutives au suivi de l'expertise, le tout avec intérêts de droit ;

3°) de condamner solidairement la commune de Saint-Denis et la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux à leur verser les sommes de 9 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de 10 000 euros au titre des frais d'expertise ;

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que le tribunal a, suivant les conclusions du rapport d'expertise, laissé à leur charge une partie des frais de remise en état de leur pavillon, dans la mesure où le préjudice subi résulte avant tout du mauvais état d'entretien des canalisations publiques concédées à la Compagnie Générale des Eaux ;

- c'est également à tort que le tribunal a estimé que leurs conclusions indemnitaires dirigées contre la commune étaient prescrites, dans la mesure où ils ne sont aucunement responsables du retard à saisir le tribunal et que, par ailleurs, la commune avait implicitement renoncé à se prévaloir de la prescription en entamant des discussions en vue d'un accord amiable ;

- il n'y a pas lieu de retenir les conclusions du rapport d'expertise selon lesquelles le dommage est dû, pour partie, aux pompages industriels ayant affecté la nappe phréatique et déstabilisé le terrain d'assiette du pavillon, ainsi qu'à l'état antérieur des fondations, ces causes ne jouant qu'un rôle tout-à-fait secondaire dans la survenue du sinistre ;

- à l'inverse, il est établi qu'ils ont bien entretenu leur immeuble et que les dommages subis proviennent essentiellement du mauvais entretien des canalisations du réseau public de distribution d'eau ;

- la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux ne saurait s'exonérer de sa responsabilité au motif qu'elle a rempli ses obligations contractuelles et que ses engagements, en tant que régisseur, ne l'obligeaient pas à prendre les initiatives nécessaires pour prévenir le sinistre ;

- à titre subsidiaire, il convient de réformer le jugement en tant que les premiers juges ont commis une erreur en ce qui concerne le montant des travaux nécessaires à la réparation de l'immeuble, puisque l'expert a chiffré ce montant à une somme de 237 768,02 euros et que le tribunal a retenu par erreur le chiffre de 156 000 euros, évoqué par l'expert après un abattement de 50 % ; qu'en outre, il devra être tenu compte de la valeur de l'immeuble, qui doit être estimée entre 251 524 euros et 266 768 euros au lieu de 137 204,11 euros ;

- c'est à tort que le tribunal a limité le calcul des intérêts à la seule période courue depuis le dépôt du mémoire et a écarté l'application de l'indice d'actualisation BT 01 du coût de la construction ainsi que l'indemnisation des troubles de jouissance ;

- les sommes qui leur seront accordées devront être indexées par référence à l'indice INSEE BT 01 du coût de la construction avec, comme point de départ, la date d'établissement des devis, soit le mois de mars 1998 ;

- ils doivent également être indemnisés des préjudices annexes non pris en compte par l'expert, tels que les travaux à effectuer d'urgence, les troubles de jouissance, les préjudices complémentaires et les pertes financières liées aux absences professionnelles entraînées pour M. X ;

.................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 janvier 2009 :

- le rapport de M. Lenoir, président assesseur,

- et les conclusions de Mme Grand d'Esnon, commissaire du gouvernement ;

Connaissance prise de la note en délibéré présentée le 20 janvier 2009 pour la société Véolia Eau-Compagnie Générale des Eaux ;

Considérant que des désordres consistant en des fissurations généralisées et évolutives des murs ont affecté, à compter de la fin du mois de septembre 1995, la maison située au n° 13 de la rue Catulienne, à Saint-Denis, appartenant à M. Jean-François X et à Mme Geneviève Z, son épouse ; qu'à la suite des investigations menées pour déterminer l'origine de ces désordres ainsi que celle des émanations de vapeur en provenance du sous-sol, il a été constaté, le 3 octobre 1995, que la conduite du réseau public de distribution d'eau potable, située à 1 mètre et demi sous la voie publique, s'était rompue au droit de la propriété des requérants avec, comme conséquence, un déversement dans le sous-sol environnant des eaux ainsi libérées ; que les époux X relèvent appel du jugement en date du 15 mars 2007 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui n'a que partiellement fait droit à leurs conclusions tendant à la condamnation de la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux à les indemniser du préjudice subi du fait du sinistre susmentionné et a rejeté leurs conclusions tendant à la condamnation de la commune de Saint-Denis ; que la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux demande, par la voie du recours incident, le rejet de l'ensemble des conclusions indemnitaires présentées par les époux X et la condamnation de ceux-ci à l'indemniser des sommes qu'elle a exposées pour la remise en état du réseau de distribution d'eau ;

Sur la responsabilité :

S'agissant de la responsabilité du fait du fonctionnement de l'ouvrage public :

Considérant qu'il ressort des constatations effectuées par l'expert que les fissurations qui ont affecté le pavillon de M. et Mme X trouvent essentiellement leur origine dans la fragilisation de la structure de l'immeuble résultant de l'inondation du sous-sol consécutive à la rupture, intervenue dans les conditions rappelées ci-dessus, de la canalisation du réseau public d'alimentation en eau potable ; qu'ainsi, les dommages en cause sont imputables à cet ouvrage public ; que, par suite, les requérants, qui ont la qualité de tiers par rapport audit ouvrage public, sont fondés à demander, même en l'absence de faute, la réparation du préjudice résultant de son fonctionnement défectueux ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que la gestion et l'entretien du réseau de distribution d'eau potable sur le territoire de la commune de Saint-Denis ont été confiés à la société Compagnie Générale des Eaux, à laquelle a succédé la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux, par une convention de régie intéressée, conclue le 3 avril 1962 avec le Syndicat des eaux d'Ile-de-France, délégataire du service public de distribution de l'eau potable auprès des communes adhérentes, au nombre desquelles figure la commune de Saint-Denis ; que, par suite, la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux, dont il n'est pas établi, ni même allégué, qu'elle serait insolvable, doit être tenue pour seule responsable, même en l'absence de toute faute de sa part, des dommages causés aux tiers du fait de l'ouvrage public dont elle a reçu la charge ;

Considérant, d'autre part, que la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux ne démontre pas l'existence d'un cas de force majeure de nature à l'exonérer de la responsabilité qui lui incombe du fait du défaut de fonctionnement de l'ouvrage public qui lui a été confié, alors surtout qu'il résulte de l'instruction que la canalisation en cause était en mauvais état et que la société ne peut sérieusement prétendre avoir ignoré l'état du sous-sol et l'existence des pressions s'exerçant sur le réseau concerné, lequel avait déjà fait l'objet de deux ruptures en 1994 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement critiqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a déclarée responsable du sinistre ayant affecté l'habitation de M. et Mme X ;

Considérant, en revanche, que M. et Mme X ne sont pas fondés, dès lors que seule la responsabilité de la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux peut être engagée du fait du fonctionnement défectueux de l'ouvrage public, à demander la condamnation solidaire de la commune de Saint-Denis sur ce même fondement ;

S'agissant de la responsabilité pour faute de la commune de Saint-Denis :

Considérant que, si les requérants soutiennent que la commune de Saint-Denis aurait également engagé sa responsabilité à raison de sa carence à prendre les mesures propres à faire cesser, dans les meilleurs délais possibles, le sinistre dont ils étaient victimes, ils n'apportent, à l'appui de ces conclusions, aucun élément permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune, il y a lieu d'écarter lesdites conclusions ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un avis en date du 10 août 1998, la direction des services fiscaux de la Seine-Saint-Denis, division des affaires foncières et domaniales, a estimé la valeur vénale du pavillon de M. et Mme X à la somme de 950 000 Frs (144 826,57 euros) et non de 900 000 Frs (137 204,11 euros), montant indiqué à tort par les premiers juges ; que les requérants, qui ont acquis le bien en cause pour une somme de 600 000 Frs en 1984, ne démontrent pas, par les documents qu'ils produisent, que l'évaluation ainsi effectuée par la direction des services fiscaux de la Seine-Saint-Denis conduirait à une sous-estimation de la valeur de leur bien ; qu'il y a lieu, en conséquence, de retenir ladite évaluation pour procéder à la détermination du préjudice subi par les intéressés, dès lors que l'indemnité allouée en réparation du préjudice ne peut excéder le montant de la valeur totale de l'immeuble ;

Considérant que le montant des travaux de réfection nécessaires à la remise en état de l'immeuble de M. et Mme X doit être apprécié au 9 février 1999, date du dépôt du rapport d'expertise de M. Adam, dont il ressort que ce montant, déduction faite des travaux devant nécessairement être effectués par les requérants, compte tenu de la mauvaise qualité de leur réseau d'assainissement et de la faiblesse structurelle des fondations de leur habitation, devait être fixé, en valeur arrêtée au 23 mars 1998, à la somme de 967 823 Frs ; que, compte tenu d'une évolution du taux de l'indice du coût de la construction de 1058 à 1074 entre le 1er trimestre 1998 et le quatrième trimestre 1998, il y a lieu d'appliquer une majoration de 1,5 % à cette somme et, en conséquence, de la porter à 982 340 Frs ; qu'il y a lieu, par ailleurs, d'y ajouter les sommes de 11 234 Frs et de 45 000 Frs proposées par l'expert, qui correspondent aux réparations d'urgence effectuées immédiatement après le sinistre et aux frais liés au déménagement et au relogement durant les travaux ; qu'il y a lieu, ainsi, de fixer à 1 038 574 Frs (158 329,58 euros) le montant total de la somme à prendre en compte pour déterminer l'indemnisation à laquelle ont droit les requérants ;

Considérant que, si l'expert a estimé justifié de laisser à la charge de M. et Mme X la moitié des frais de remise en état du réseau d'assainissement et de stabilisation des fondations, dès lors que ces travaux auraient dû, en tout état de cause, être effectués dans un délai proche par les intéressés, cette circonstance n'est pas de nature à exonérer ceux-ci de leur part de responsabilité dans la survenue des dommages causés aux murs et aux cloisons de leur habitation, dommages qui sont, pour partie, la conséquence indirecte des vices affectant leur construction ; qu'il sera fait une juste appréciation de cette responsabilité en laissant à leur charge un quart du montant du préjudice subi et en fixant, en conséquence, l'indemnité qui leur sera allouée à la somme de 778 930 Frs (118 747,18 euros), cette somme portant intérêts à compter du 15 juin 2004, date à laquelle les époux X ont présenté leur demande devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Considérant que la somme de 778 930 Frs (118 747,18 euros) inclut le montant, pris en compte par l'expert dans la fixation du préjudice subi par les requérants, des réparations indispensables faites immédiatement après les dommages ainsi que des frais de déménagement et de relogement exposés pendant les travaux ; qu'il y a lieu, en conséquence, de rejeter les demandes complémentaires de M. et Mme X tendant à ce qu'ils soient indemnisés tant des travaux urgents qu'ils ont effectués que des divers troubles dans les conditions d'existence dont ils se prévalent, ceux-ci étant suffisamment réparés par le versement de la somme sus-indiquée ;

Sur les dépens :

Considérant que, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en tant qu'il a mis à la charge de la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 8 152,43 euros par l'ordonnance en date du 30 mars 1999 du président du Tribunal administratif de Paris ;

Sur le recours incident de la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux :

Considérant que seule peut être mise en jeu la responsabilité de la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux à raison du sinistre ayant affecté l'habitation des époux X ; qu'il y a lieu, en conséquence, de rejeter le recours incident de cette société tendant à ce que les requérants soient condamnés au remboursement de la somme de 32 856,27 euros mise à sa charge par les premiers juges au titre du remboursement des dépenses engagées par la commune de Saint-Denis pour la recherche des désordres et la remise en état du site ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux le versement aux époux X de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Considérant, en revanche, que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge des époux X, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux et à la commune de Saint-Denis des sommes demandées par ces dernières au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; que les mêmes dispositions font également obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Denis, qui n'est pas une partie perdante dans la présente instance, le versement aux époux X de la somme demandée par ces derniers au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux est condamnée à verser à M. et Mme X une somme de 118 747,18 euros, qui portera intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2004.

Article 2 : La société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux versera aux époux X une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête des époux X et le recours incident de la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux tendant à la condamnation des époux X, ainsi que les conclusions de la même société et de la commune de Saint-Denis tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetés.

Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 15 mars 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

N° 07VE01067 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 07VE01067
Date de la décision : 29/01/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: M. Hubert LENOIR
Rapporteur public ?: Mme GRAND d'ESNON
Avocat(s) : SCP RAMBAUD MARTEL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2009-01-29;07ve01067 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award