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30/12/2008 | FRANCE | N°08VE00379

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 30 décembre 2008, 08VE00379


Vu la requête, enregistrée le 4 février 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour Mme Souad , demeurant ..., par Me Saraf ; Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0706144 en date du 13 septembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 9 mai 2007 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée ;



2°) d'annuler l'arrêté du 9 mai 2007 du préfet des Yvelines ;

3°) d'e...

Vu la requête, enregistrée le 4 février 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour Mme Souad , demeurant ..., par Me Saraf ; Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0706144 en date du 13 septembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 9 mai 2007 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 mai 2007 du préfet des Yvelines ;

3°) d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte d'une somme de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour est insuffisamment motivée ; que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ; que la décision attaquée est entachée d'erreur de fait ; qu'en considérant que l'usage d'un titre de séjour périmé est de même nature que l'usage d'un faux titre de séjour, les premiers juges ont commis une erreur de qualification juridique des faits ; que la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son mari vit en France depuis 1994, que sa fille Naouel vit en France depuis qu'elle a atteint l'âge de quatre ans, qu'une fille issue d'une première union vit en Allemagne et qu'un de ses fils, dont elle n'a plus de nouvelles, vit en France ; qu'elle n'a, ainsi, plus d'attaches familiales en Tunisie, où ses parents sont décédés ; que la décision attaquée porte une atteinte à l'intérêt supérieur de sa fille, qui réside en France et y est scolarisée ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée, d'autant qu'il s'agit d'une décision distincte du refus de titre de séjour ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour ; que le préfet des Yvelines ne pouvait légalement prendre la décision portant obligation de quitter le territoire français dès lors qu'elle peut prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour ; que l'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect d'une vie familiale normale ; que le préfet des Yvelines a entaché d'une erreur manifeste son appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur sa situation personnelle ;

..............................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'accord franco-tunisien du 17 juin 1988 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2008 :

- le rapport de M. Martin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Davesne, commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de la décision du 9 mai 2007 refusant de délivrer un titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que la décision en date du 9 mai 2007 par laquelle le préfet des Yvelines a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme , de nationalité tunisienne, comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle est, ainsi, suffisamment motivée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Yvelines aurait omis de procéder à l'examen de la situation personnelle de Mme avant de rejeter sa demande de titre de séjour ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision refusant de délivrer un titre de séjour à Mme , qui mentionne qu'elle est la belle-soeur de M. Moshen et la belle-mère de M. Béchir , serait entachée d'erreur de fait ;

Considérant, en quatrième lieu, que si la requérante soutient qu'elle n'a jamais été en possession d'un faux titre de séjour et qu'elle n'a jamais fait usage de faux documents, il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée est également fondée sur plusieurs motifs autres que celui tiré de l'usage d'un faux titre de séjour ; qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet des Yvelines aurait pris, en tout état de cause, la même décision s'il n'avait retenu que les autres motifs de sa décision ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » et aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à l'espèce, auquel l'accord franco-tunisien ne déroge pas : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; (...) » ;

Considérant que Mme , née le 2 mai 1960, fait valoir qu'elle est entrée en France en 2002 avec sa fille âgée de quatre ans pour rejoindre son mari, entré en France en 1994, qu'une de ses filles vit en Allemagne, qu'elle ne cause aucun trouble à l'ordre public et qu'elle est parfaitement intégrée ; que, toutefois, elle n'établit pas la présence habituelle en France de son époux antérieurement à l'année 1999 ; que ce dernier, qui est également en situation irrégulière, s'est vu refuser une carte de séjour par une décision du préfet des Yvelines du même jour ; que, dans ces conditions, et dès lors qu'il n'est pas établi que Mme serait dans l'impossibilité de repartir avec son époux et sa fille dans son pays d'origine, où elle ne démontre pas être dépourvue d'attaches familiales, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en lui refusant, dans les circonstances de l'espèce, un titre de séjour, le préfet des Yvelines aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise ; que, par suite, le préfet des Yvelines n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. » ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que, toutefois, la requérante, qui, comme son époux, est en situation irrégulière au regard du séjour, et qui n'établit pas que le couple ne puisse poursuivre sa vie familiale en Tunisie avec sa fille, qui pourrait y poursuivre sa scolarité, n'est pas fondée à soutenir que le refus de délivrance d'un titre de séjour pris à son encontre méconnaît les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Yvelines ait entaché d'une erreur manifeste son appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de l'intéressée ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigés contre cette décision :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « I. - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger (...), peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. (...) » ;

Considérant que l'obligation de quitter le territoire français est une mesure de police qui doit, comme telle, être motivée en application des règles de forme édictées, pour l'ensemble des décisions administratives, par l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que si la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 dès lors que ce refus est lui-même motivé, c'est à la condition que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français aient été rappelées ;

Considérant que la décision par laquelle le préfet des Yvelines a obligé Mme à quitter le territoire français ne comporte aucune référence aux dispositions du I de l'article L. 511-1 précitées sur lesquelles elle se fonde et se borne à viser le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans son ensemble ; que, dès lors, elle est insuffisamment motivée au regard des prescriptions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'il s'ensuit que Mme est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet des Yvelines du 9 mai 2007 en tant qu'il l'a obligée à quitter le territoire français ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. » ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. » ;

Considérant que le présent arrêt n'implique pas qu'une carte de séjour temporaire soit délivrée à Mme ; qu'en revanche, il y a lieu, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation administrative dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de Mme tendant au remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0706144 du 13 septembre 2007 du Tribunal administratif de Versailles est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de Mme tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Yvelines du 9 mai 2007 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français.

Article 2 : L'arrêté du préfet des Yvelines du 9 mai 2007, en tant qu'il oblige Mme à quitter le territoire français, est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Yvelines de délivrer à Mme une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme est rejeté.

N° 08VE00379 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 08VE00379
Date de la décision : 30/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRYDMAN
Rapporteur ?: M. Frédéric MARTIN
Rapporteur public ?: M. DAVESNE
Avocat(s) : SARAF

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-12-30;08ve00379 ?
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