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16/12/2008 | FRANCE | N°07VE01649

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 16 décembre 2008, 07VE01649


Vu la requête, enregistrée le 17 juillet 2007, présentée pour M. Julio X, demeurant ..., par Me Boukobza ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0405742 du 15 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 2 décembre 2003 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement pour motif économique et de la décision du 17 mai 2004 par laquelle le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale a confirmé cette décision ;

2°) d'annuler pour ex

cès de pouvoir lesdites décisions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la s...

Vu la requête, enregistrée le 17 juillet 2007, présentée pour M. Julio X, demeurant ..., par Me Boukobza ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0405742 du 15 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 2 décembre 2003 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement pour motif économique et de la décision du 17 mai 2004 par laquelle le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale a confirmé cette décision ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir lesdites décisions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la décision de l'inspecteur du travail, qui se borne à affirmer que son reclassement n'est pas possible, n'est pas suffisamment motivée ; que la consultation du comité d'entreprise du 25 septembre 2003 est irrégulière dès lors que ni le président du comité d'entreprise, ni l'administrateur judiciaire n'étaient présents lors de cette réunion ; qu'en outre, l'administrateur ne pouvait valablement représenter le chef d'entreprise compte tenu de la mission qui lui a été dévolue par le jugement du tribunal de commerce du 2 juin 2003 ; qu'enfin, l'avocat de l'administrateur est intervenu aux débats ; que le comité d'entreprise n'a pas été consulté préalablement à la déclaration de cessation de paiement de la société Etablissements A. Bocquet, ce qui constitue un vice substantiel ; que le délai entre la réunion du comité d'entreprise et l'entretien préalable au licenciement, lesquels ont eu lieu le même jour, n'a pas été suffisant ; que la fermeture, le 14 août 2003, du site de Saint-Ouen a été irrégulière faute d'avoir été décidée par le tribunal de commerce ; qu'à la date de la décision autorisant son licenciement, son contrat de travail était suspendu dès lors qu'il n'avait pas passé la visite médicale de reprise du travail à la suite de la rechute de l'accident du travail dont il a été victime le 31 juillet 2003, ce qui aurait dû conduire l'inspecteur à refuser son licenciement ; qu'en estimant que les pièces du dossier ne prouvaient pas que l'exposant était effectivement en situation d'arrêt de travail le 31 juillet 2003, le tribunal administratif a fait une appréciation erronée des faits ; que le groupe Poroux, propriétaire de la société Etablissements A. Bocquet, ne connaissait pas de difficultés économiques ; que l'absence de solution de reclassement au sein de l'entreprise ou du groupe dont elle faisait partie n'est pas établie, la preuve que le reclassement au sein du groupe aurait été envisagé et que des recherches sérieuses en ce sens auraient été engagées n'étant pas rapportée ; qu'un poste de mécanicien, correspondant à ses compétences professionnelles, spécialisées en électricité et travaux techniques et à la qualification « WDS » que l'exposant possédait depuis septembre 1999, était disponible au sein de la société Poroux Paris SA ; qu'il a dû refuser un poste sur le site d'Aulnay-sous-Bois compte tenu d'un danger grave et immédiat présent sur ce site ; enfin, que le licenciement est en lien avec l'exercice de ses mandats au sein de l'entreprise et, notamment, toutes les actions qu'il a engagées pour s'opposer à la procédure de cessation de paiement engagée par les dirigeants de la société ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 décembre 2008 :

- le rapport de M. Beaufaÿs, premier conseiller,

- les observations de Me Simonin-Dard du cabinet Fidal, pour Me Brignier, mandataire liquidateur de la société Etablissements A. Bocquet,

- et les conclusions de Mme Jarreau, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Etablissements A. Bocquet, concessionnaire automobile de la marque Ford dont l'activité était répartie sur trois établissements situés, respectivement, à Saint-Ouen, Aulnay-sous-Bois et Sarcelles, a été placée en redressement judiciaire le 2 juin 2003 ; que, face à la situation économique très dégradée de l'entreprise, l'administrateur judiciaire a décidé la fermeture définitive du site de Saint-Ouen et a été autorisé, par ordonnance du juge-commissaire du Tribunal de commerce de Bobigny du 28 juillet 2003, à procéder au licenciement collectif de quarante et un salariés sur les cinquante-trois que comptait cet établissement ; que, par jugement du 15 septembre 2003, le Tribunal de commerce de Bobigny a autorisé le plan de redressement par voie de cession de la société ; que les établissements de Sarcelles et Aulnay-sous-Bois ont été cédés à deux repreneurs alors que l'établissement de Saint-Ouen cessait toute activité le 14 août 2003 ; que, par jugement du 21 octobre 2003, le tribunal de commerce a confirmé l'ordonnance précitée du 28 juillet 2003 et autorisé le licenciement de quarante et un salariés de l'établissement de Saint-Ouen ; qu'après que M. X, qui détenait les mandats de délégué du personnel, de délégué syndical, de membre du comité d'entreprise et de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, a refusé une proposition de reclassement dans l'établissement d'Aulnay-sous-Bois, Me Brignier, en sa qualité d'administrateur commissaire au plan de redressement par voie de cession de l'entreprise, a demandé l'autorisation de licencier l'intéressé pour motif économique ; que, par une décision du 2 décembre 2003, l'inspecteur du travail de la Seine-Saint-Denis a autorisé son licenciement, décision confirmée par le ministre chargé du travail le 17 mai 2004 ; que M. X fait appel du jugement du 15 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions précitées ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité :

Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 122-14, L. 122-14-7 et R. 436-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, l'entretien préalable au licenciement d'un salarié bénéficiant d'une protection particulière doit obligatoirement précéder la consultation du comité d'entreprise sur le projet de licenciement, lequel comité exprime son avis après audition de l'intéressé ; qu'il ressort des pièces du dossier que ces prescriptions ont bien été respectées en l'espèce ; que, si M. X fait état de ce que l'entretien préalable à son licenciement s'est déroulé le même jour que la réunion du comité d'entreprise, cette circonstance n'est pas de nature à entacher la procédure de licenciement d'irrégularité, dès lors qu'il est constant que le requérant, qui était très précisément informé, avant même son entretien individuel, de ce que son poste de travail était supprimé ainsi que du reclassement qui lui était proposé, a pu disposer d'un délai suffisant pour préparer son audition devant le comité d'entreprise ;

Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient M. X, Me Brignier avait, en sa qualité d'administrateur et commissaire à l'exécution du plan de cession arrêté à la date du jugement du 15 septembre 2003 du Tribunal de commerce de Bobigny, seul qualité pour agir, en tant que représentant légal de la société Etablissements A. Bocquet, à compter de l'adoption de ce plan par ledit tribunal ; que, par suite, il avait bien qualité pour présider le comité d'entreprise du 25 septembre 2003 ou s'y faire représenter par un membre de son étude ; qu'il ne ressort pas, par ailleurs, des pièces du dossier que le conseil de Me Brignier, dont la présence avait été autorisée par le comité d'entreprise, serait intervenu au cours des débats ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu de l'article R. 436-4 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, la décision de l'inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé doit être motivée ; qu'en mentionnant dans sa décision, d'une part, que la situation économique de l'entreprise telle qu'elle résultait, en particulier, des décisions prises par le Tribunal de commerce de Bobigny dans le cadre de la procédure de redressement par voie de cession de la société, justifiait le licenciement, d'autre part, qu'un reclassement avait été en vain recherché au sein des sociétés du groupe Poroux et, qu'enfin, le licenciement de M. X était sans lien avec les mandats détenus par l'intéressé, l'inspecteur du travail a suffisamment motivé sa décision d'accorder l'autorisation sollicitée ; qu'ainsi, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de la décision de l'inspecteur du travail ne peut être retenu ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'à supposer, d'une part, que le comité d'entreprise de la société Etablissements A. Bocquet n'ait pas été régulièrement consulté préalablement à la déclaration de cessation de paiements de la société en application des dispositions de l'article L. 432-1 du code du travail, et, d'autre part, que la fermeture définitive de l'établissement de Saint-Ouen, le 14 août 2003, n'aurait pas été décidée dans les conditions prévues au code de commerce, ces circonstances sont, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité des décisions attaquées ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'en vertu des articles L. 236-11, L. 412-18, L. 425-1 et L. 436-1 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions attaquées, les délégués du personnel, les membres du comité d'entreprise, les délégués syndicaux et les membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, il ne doit être en rapport, ni avec les fonctions représentatives normalement exercées par eux, ni avec leur appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement repose sur un motif économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie ce licenciement, en tenant compte, notamment, de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement des salariés concernés, y compris lorsque l'entreprise fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ;

Considérant, d'une part, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, qu'à la suite de la mise en oeuvre de la procédure de redressement de la société Etablissements A. Bocquet, l'administrateur judiciaire a été autorisé à supprimer quarante et un des cinquante-trois emplois que comptait l'établissement de Saint-Ouen, parmi lesquels figurait le poste de mécanicien occupé par M. X ; qu'il ressort du jugement du 21 octobre 2003 du Tribunal de commerce de Bobigny, confirmant l'ordonnance du juge-commissaire du 28 juillet 2003, laquelle constate l'urgence et le caractère inévitable et indispensable des quarante et un licenciements autorisés pour la survie de l'entreprise, ainsi que du jugement du tribunal de commerce du 15 septembre 2003 adoptant le plan de redressement par cession de l'entreprise et la suppression de cinquante-trois postes que, si le groupe Poroux, auquel appartenait la société Etablissements A. Bocquet, possédait d'autres entreprises relevant du même secteur d'activité, la situation commerciale propre à l'établissement de Saint-Ouen, notamment ses pertes financières, la mauvaise qualité de son emplacement et l'importance des coûts fixes qu'il générait, rendaient nécessaire la fermeture définitive de ce site ; qu'ainsi, la réalité du motif économique invoqué à l'appui de la demande d'autorisation de licenciement de M. X est établie ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que l'administrateur judiciaire a identifié dix solutions de mutations internes à la société Etablissements A. Bocquet dans le cadre de la reprise des établissements d'Aulnay-sous-Bois et Sarcelles et huit solutions de reclassement au sein du groupe Poroux ; que M. X s'est, quant à lui, vu proposer la poursuite de son contrat de travail sur le site d'Aulnay-sous-Bois, proposition qu'il a déclinée ; que, s'il fait valoir qu'un emploi, qui avait été proposé à un autre salarié, était à pourvoir dans un établissement appartenant au groupe Poroux situé à Paris et lui a été refusé, il ressort des pièces du dossier que cet emploi de mécanicien spécialisé en électricité n'était pas équivalent au poste qu'il occupait auparavant et ne correspondait pas au profil du requérant, qui ne possède pas cette qualification ; que, dans ces conditions, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un emploi correspondant aux qualifications et aux aptitudes de M. X ait été vacant au sein d'une autre société du groupe Poroux, le requérant n'est pas fondé à soutenir que son employeur aurait méconnu l'obligation de reclassement à laquelle il était légalement tenu ;

Considérant, en sixième lieu, que, contrairement à ce que soutient M. X, il ne ressort pas des pièces du dossier que la procédure de licenciement engagée à son encontre ait été en rapport avec son activité syndicale ou ses mandats représentatifs ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 122-32-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date des décisions attaquées : « Le contrat de travail du salarié victime d'un accident du travail (...) est suspendu pendant la durée de l'arrêt du travail provoqué par l'accident (...) » ; qu'aux termes de l'article L. 122-32-2 du même code : « Au cours des périodes de suspension, l'employeur ne peut résilier le contrat de travail à durée indéterminée que s'il justifie (...) de l'impossibilité où il se trouve, pour un motif non lié à l'accident ou à la maladie, de maintenir ledit contrat » ; que, s'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de M. X, celui-ci avait été victime, le 31 juillet 2003, d'une rechute d'un accident du travail survenu en avril 2002, l'intéressé n'établit pas qu'il aurait été régulièrement placé en situation d'arrêt de travail à la date de cette décision ; que, dès lors et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que l'autorité administrative ne pouvait, pour ce motif, légalement autoriser le licenciement du requérant ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

2

N° 07VE01649


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 07VE01649
Date de la décision : 16/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Frédéric BEAUFAYS
Rapporteur public ?: Mme JARREAU
Avocat(s) : BRIGNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-12-16;07ve01649 ?
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