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09/12/2008 | FRANCE | N°06VE00521

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 09 décembre 2008, 06VE00521


Vu la requête, enregistrée le 10 mars 2006 par télécopie et le 14 mars 2006 en original, au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SOCIETE BOUYGUES BATIMENT ILE-DE-FRANCE, venant aux droits de la société Of Equipement, anciennement Olin Lanctuit, dont le siège social est 1 avenue Eugène Freyssinet à Guyancourt (78280), par Me Le Febvre ; la SOCIETE BOUYGUES BATIMENT ILE-DE-FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0035827, 0306876 du 12 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a condamnée à ver

ser à la commune de Courdimanche, d'une part, une indemnité de 316 76...

Vu la requête, enregistrée le 10 mars 2006 par télécopie et le 14 mars 2006 en original, au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SOCIETE BOUYGUES BATIMENT ILE-DE-FRANCE, venant aux droits de la société Of Equipement, anciennement Olin Lanctuit, dont le siège social est 1 avenue Eugène Freyssinet à Guyancourt (78280), par Me Le Febvre ; la SOCIETE BOUYGUES BATIMENT ILE-DE-FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0035827, 0306876 du 12 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a condamnée à verser à la commune de Courdimanche, d'une part, une indemnité de 316 763,27 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2003, d'autre part, une somme de 27 552,29 euros au titre des frais et honoraires d'expertise et a rejeté ses conclusions d'appel en garantie dirigées contre M. Jean-Pierre X, architecte, et le GIE Ceten Apave, bureau de contrôle ;

2°) de rejeter la demande de la commune de Courdimanche présentée devant le tribunal administratif et de condamner M. X ainsi que le GIE Ceten Apave à relever et à garantir l'exposante de toute condamnation prononcée à son encontre ;

3°) de dire et juger que la commune de Courdimanche devra garder en tout état de cause à sa charge une part de l'indemnisation sollicitée ;

4°) de condamner la commune de Courdimanche, M. X et le GIE Ceten Apave à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SOCIETE BOUYGUES BATIMENT ILE-DE-FRANCE soutient que :

- sur la responsabilité, la commune de Courdimanche a agi sur le terrain de la responsabilité contractuelle alors qu'il lui appartenait au préalable de justifier de ce qu'elle avait formulé des réserves en rapport avec les désordres, lors de la réception des travaux prononcée le 19 août 1994 ; qu'aucune faute ne peut être invoquée par la commune dès lors que les rapports contractuels des parties ont pris fin à la suite de cette réception sans réserves, les seules réserves opposées par la commune portant sur l'ouvrage neuf réalisé et étant sans rapport avec les dommages causés à l'église voisine ;

- sur les appels en garantie, le tribunal a rejeté, à tort, ces appels en garantie sur le fondement de la faute quasi-délictuelle du maître d'oeuvre et du contrôleur technique, en reprenant les conclusions critiquables du rapport d'expertise ; que le maître d'oeuvre a été défaillant dans l'accomplissement de sa mission, pendant la phase de conception, en l'absence de référé préventif et de demande d'investigations sur l'église, qui présentait pourtant un état de fragilité connu ; qu'un seul sondage géotechnique a été réalisé en 1991 sur l'emplacement du futur projet, mais à plus de 20 m de l'ancien soutènement existant ; que, malgré la mauvaise qualité géotechnique du sol de l'église, le maître d'oeuvre a choisi d'ouvrir une fouille très profonde à proximité immédiate des contreforts de l'église ; que l'expert n'a pas pris en compte le fait que le maître d'oeuvre a omis d'exécuter ses missions concernant la définition architecturale et les prescriptions techniques relatives à l'ouvrage qu'il avait mises à la charge de l'entreprise ; que l'appréciation portée par l'expert sur l'absence de réalisation de ces missions constitue une appréciation juridique du contrat, exclue de sa mission et, en outre, techniquement injustifiée ; qu'en ce qui concerne la phase d'exécution, le tribunal n'a pas répondu aux griefs précis formulés à l'encontre du maître d'oeuvre ; que M. X, en tant que rédacteur du cahier des clauses techniques particulières (CCTP), ne pouvait qu'avoir conscience du risque encouru par l'église voisine ; qu'il appartenait ainsi au maître d'oeuvre de suggérer au maître d'ouvrage la résiliation du marché de l'entreprise ou sa mise en régie ; que le maître d'oeuvre n'a pas alerté à temps les différents intervenants ; que M. X a ainsi commis des fautes qui ont contribué directement au sinistre et à l'aggravation de celui-ci ;

- sur la responsabilité du Ceten Apave, la mission du bureau de contrôle, portant sur l'ouvrage neuf, impliquait l'étude de l'incidence de l'ouvrage sur son environnement, dont l'église fait partie ; que la mise en place d'un dispositif de butonnage actif aurait empêché les mouvements liés au déplacement du mur de soutènement de l'église ; que les fautes commises par le bureau de contrôle ont donc contribué à la survenance du sinistre ainsi qu'à l'aggravation de ce dernier ;

- que l'absence de réactivité de la commune de Courdimanche est la première cause directe des dommages causés à l'église ; que la police « dommage ouvrage » souscrite par la commune comportait une garantie des avoisinants ; que, toutefois, aucun financement ou indemnisation n'a été prévu ni sollicité pour éviter l'aggravation du sinistre, dès 1993, et pour engager d'urgence des travaux réparatoires ; que les arguments de la commune doivent être rejetés, notamment celui relatif à l'accord prétendument tardif du ministère de la culture sur les injections, en date du 28 avril 2004, accord qui n'a d'ailleurs pas été produit ; que la commune n'a fait état d'aucune difficulté particulière à la suite du premier rapport d'expertise ; que la perte d'une subvention par la commune résulte de ce que la restauration de l'église n'a pas reçu un commencement d'exécution dans les délais qui lui étaient impartis, alors que la commune disposait de la garantie de son assureur ;

..................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2008 :

- le rapport de Mme Riou, premier conseiller,

- les observations de Me Le Febvre, pour la SOCIETE BOUYGUES BATIMENT ILE-DE-FRANCE,

- les observations de Me Mcglynn, substituant Me Hascoet, pour la commune de Courdimanche et la compagnie AXA Corporate Solutions,

- les observations de Me Hernu substituant Me Bryden, pour le GIE Ceten Apave,

- et les conclusions de M. Brunelli, commissaire du gouvernement ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 novembre 2008, présentée pour la SOCIETE BOUYGUES BATIMENT ILE-DE-FRANCE ;

Considérant que, par un marché en date du 3 février 1993, la commune de Courdimanche a confié à la société Olin Lanctuit, aux droits de laquelle est substituée la SOCIETE BOUYGUES BATIMENT ILE-DE-FRANCE, la réalisation d'un programme immobilier situé dans le vieux village, en contrebas de l'église Saint-Martin, comprenant la démolition de l'ancienne mairie en vue de la construction d'un nouvel hôtel de ville, d'une salle polyvalente et d'un parking en sous-sol ; que, si les travaux ont été achevés en février 1994, des désordres ont affecté l'église avoisinante à partir du mois de juin 1993, qui se sont aggravés au mois de juillet 1993 ; que le rapport d'expertise déposé le 21 février 2000 conclut à l'absence de précautions prises par l'entrepreneur dans les travaux d'étaiement du mur de soutènement de la terrasse de l'église et retient, dans la survenance des désordres affectant l'église avoisinante, la responsabilité totale de l'entrepreneur ; qu'un second rapport d'expertise, déposé le 21 décembre 2004, faisant suite à de nouveaux désordres apparus en août 2002, retient également la responsabilité de l'entrepreneur ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné la SOCIETE BOUYGUES BATIMENT ILE-DE-FRANCE, venant aux droits de la société Olin Lanctuit, à verser à la commune de Courdimanche, en réparation des désordres de l'église Saint-Martin, une indemnité d'un montant de 316 763,27 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2003 ainsi qu'une somme de 27 552,29 euros au titre des frais d'expertise ;

Sur l'intervention de la compagnie AXA Corporate Solutions :

Considérant qu'une intervention présentée en appel ne peut être admise que si son auteur s'associe soit aux conclusions de l'appelant, soit à celles de l'intimé ; que les conclusions de la compagnie AXA Corporate Solutions, assureur de la commune de Courdimanche, ne sont pas distinctes de celles de la commune, qui tendent à la condamnation de la SOCIETE BOUYGUES BATIMENT ILE-DE-FRANCE ; que, dans ces conditions, la compagnie justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour intervenir au soutien des conclusions de la commune de Courdimanche dans la présente instance ; que, par suite, son intervention doit être admise ;

Au fond :

Considérant que la réception sans réserve des travaux a pour effet de mettre fin, en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage, à l'ensemble des rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs ; que la fin des rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et les constructeurs fait, dès lors, obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, les constructeurs soient ultérieurement appelés en garantie par le maître d'ouvrage pour des dommages extérieurs à l'ouvrage imputables à l'exécution des travaux par l'entrepreneur ; qu'il n'en irait autrement que dans le cas où la réception n'aurait été acquise à l'entrepreneur qu'à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de sa part ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commune de Courdimanche a assorti la réception des travaux confiés à la société Olin Lanctuit, prononcée le 19 août 1994, de réserves relatives à l'ouvrage objet du marché, concernant l'exécution de travaux et de prestations énumérés dans une annexe et mentionnant l'existence d'imperfections et de malfaçons, cette liste de réserves devant être complétée par le bureau de contrôle et la commission de sécurité ; que, d'une part, la mention, dans la liste des réserves, « d'imperfections et de malfaçons » était formulée en des termes trop généraux pour pouvoir être regardée comme revêtant une portée juridique ; que, d'autre part, si des réserves mentionnaient l'existence de fuites abondantes constatées à travers le mur de soutènement de l'église, aux niveaux -1 et - 2 du parking souterrain objet du marché de travaux, aucune réserve particulière n'a été formulée concernant les dommages occasionnés à l'église, alors qu'il est constant que ceux-ci étaient la conséquence directe des travaux d'exécution du marché et étaient déjà apparents et connus de la commune à la date de réception des travaux ; que, dans ces conditions, les réserves ainsi formulées par la commune ne valaient pas réserves sur un ouvrage tiers et, en l'absence de toute clause contractuelle permettant au maître d'ouvrage d'engager la responsabilité de l'entrepreneur à raison de dommages causés aux tiers par l'exécution des travaux, la responsabilité contractuelle de la société Olin Lanctuit dans les désordres affectant l'église ne pouvait plus être recherchée ; que les désordres dont s'agit n'étant pas, non plus, de la nature de ceux qui sont susceptibles d'engager la responsabilité décennale du constructeur, la commune de Courdimanche ne saurait rechercher la responsabilité de l'entrepreneur à ce titre ; que, par suite, la SOCIETE BOUYGUES BATIMENT ILE-DE-FRANCE est fondée à soutenir que la réception définitive de l'ouvrage prononcée sans réserves a eu pour effet de mettre fin aux rapports contractuels qui étaient nés du marché et que la demande de la commune présentée postérieurement à la réception et tendant au versement d'une indemnité à raison des désordres affectant les ouvrages avoisinants ne pouvait être accueillie ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la SOCIETE BOUYGUES BATIMENT ILE-DE-FRANCE est fondée à demander l'annulation des articles 2 et 5 du jugement attaqué, par lesquels le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a condamnée à verser une indemnité à la commune ; que les conclusions incidentes de la commune de Courdimanche tendant à la réévaluation de l'indemnité allouée par les premiers juges ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;

Sur les dépens :

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Courdimanche les frais et honoraires de l'expert, liquidés et taxés à la somme de 27 552,29 euros par ordonnance en date du 23 mars 2000 du président du Tribunal administratif de Versailles ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Courdimanche une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE BOUYGUES BATIMENT ILE-DE-FRANCE et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées présentées par M. X, architecte ;

Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de la SOCIETE BOUYGUES BATIMENT ILE-DE-FRANCE, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que demandent le GIE Ceten Apave, la commune de Courdimanche et la compagnie AXA Corporate Solutions, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : L'intervention de la compagnie AXA Corporate Solutions, venant aux droits de la compagnie Uni Europe, est admise.

Article 2 : Les articles 2 et 5 du jugement n° 0035827, 0306876 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 12 janvier 2006 sont annulés.

Article 3 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 27 552,29 euros, sont mis à la charge de la commune de Courdimanche.

Article 4 : La commune de Courdimanche versera à la SOCIETE BOUYGUES BATIMENT ILE-DE-FRANCE une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE BOUYGUES BATIMENT ILE-DE-FRANCE ainsi que les conclusions incidentes présentées par M. X, le GIE Ceten Apave, la commune de Courdimanche et la compagnie AXA Corporate Solutions sont rejetés.

N° 06VE00521 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 06VE00521
Date de la décision : 09/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme COROUGE
Rapporteur ?: Mme Catherine RIOU
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : BRYDEN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-12-09;06ve00521 ?
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