La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/11/2008 | FRANCE | N°07VE02472

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 06 novembre 2008, 07VE02472


Vu la requête, enregistrée le 26 septembre 2007, présentée pour M. Mustapha X, demeurant chez Me Y, ..., par Me Y ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0510063 du 3 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 19 octobre 2004 par laquelle le préfet du Val-d'Oise a prononcé son expulsion du territoire français ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- Il ne pouvait pl...

Vu la requête, enregistrée le 26 septembre 2007, présentée pour M. Mustapha X, demeurant chez Me Y, ..., par Me Y ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0510063 du 3 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 19 octobre 2004 par laquelle le préfet du Val-d'Oise a prononcé son expulsion du territoire français ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- Il ne pouvait plus, en application de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 alors applicable, faire l'objet d'une mesure d'expulsion dès lors qu'il a résidé en France avant d'avoir atteint l'âge de dix ans ; c'est en effet à tort que le préfet, puis le tribunal, ont relevé qu'il ne justifiait pas avoir résidé habituellement en France depuis 1983 alors qu'il a apporté tous les documents nécessaires pour établir la réalité de cette présence ; qu'à cet égard, la circonstance qu'il se soit absenté pendant une courte durée ne saurait être analysée comme un abandon de sa résidence en France ;

- Il n'a jamais porté atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat ;

- C'est à tort que le préfet a estimé qu'il représentait une menace pour l'ordre public dans la mesure où aucun reproche ne peut lui être fait depuis sa condamnation et qu'il présente toutes les garanties de réinsertion ainsi que le démontrent les rapports dressés au cours de sa détention ; il a ainsi suivi une formation de cuisinier et a participé à l'indemnisation de la partie civile ;

- C'est d'ailleurs en raison de son comportement et de sa volonté de réinsertion qu'il a fait l'objet d'une mesure de libération conditionnelle, laquelle n'est que l'aboutissement d'une évolution vers une plus grande maturité et une plus grande responsabilité ;

- La décision en cause porte atteinte à son droit à mener une vie familiale normale alors qu'il est père de deux filles nées en France et que l'ensemble de sa famille proche réside régulièrement en France ;

..................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2008 :

- le rapport de M. Lenoir, président assesseur,

- et les conclusions de Mme Grand d'Esnon, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X, ressortissant marocain né le 7 mai 1977, est entré en France en février 1983 à l'âge de six ans après avoir bénéficié d'une mesure de regroupement familial ; que le requérant s'est rendu coupable, le 3 mars 1996, au cours d'une rixe, du meurtre d'un adolescent, M. Z, fait ayant entraîné sa condamnation le 16 juin 1998 à la peine de quinze années de réclusion criminelle par la cour d'assises du Val-d'Oise ; qu'il a bénéficié, le 9 août 2004, d'une mesure de libération conditionnelle alors que la fin de sa peine était fixée au 4 décembre 2006 ; que, par un arrêté en date du 19 octobre 2004, le préfet du Val-d'Oise a ordonné son expulsion du territoire français en raison de la menace grave pour l'ordre public que constituait sa présence en France ; que M. X relève appel du jugement du 3 juillet 2007 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise rejetant sa demande d'annulation de cette décision ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté ordonnant l'expulsion de M. X :

Considérant qu'aux termes de l'article 23 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : «Sous réserve des dispositions de l'article 25, l'expulsion peut être prononcée si la présence sur le territoire français d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public (...) » ; qu'aux termes de l'article 26 de la même ordonnance : « Sauf en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à raison de l'origine ou de la religion des personnes, ne peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion, y compris dans les hypothèses mentionnées au dernier alinéa de l'article 25 : 1° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans (...) » ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. X a, entre le 3 mars 1996 et le 24 avril 1996, quitté le territoire national pour se rendre dans son pays d'origine, afin d'échapper aux poursuites dont il faisait l'objet à la suite du meurtre qu'il venait de commettre ; que la fuite du requérant à l'étranger dans le but de se soustraire à la justice a constitué une interruption de son séjour en France ne permettant plus à ce dernier de faire valoir, pour contester l'arrêté dont il a fait l'objet, le caractère habituel de sa résidence en France, au sens des dispositions précitées de l'article 26, depuis qu'il avait atteint au plus l'âge de treize ans ; qu'en conséquence, le préfet du Val-d'Oise a pu prendre, sans méconnaître lesdites dispositions, l'arrêté critiqué du 19 octobre 2004 ;

Considérant, en deuxième lieu, que, compte tenu de la gravité des faits reprochés à M. X, le préfet du Val-d'Oise a pu, sans méconnaître les dispositions de l'article 23 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, considérer que la présence de l'intéressé sur le sol français constituait une menace grave à l'ordre public de nature à justifier son expulsion ;

Considérant, en troisième lieu, que M. X fait valoir que la décision qu'il critique est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que n'auraient pas été pris en compte les efforts qu'il a fournis pour sa réinsertion ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de la gravité des faits reprochés à l'intéressé ainsi que de son comportement lors de sa détention, au cours de laquelle il a, notamment, été impliqué dans un trafic de stupéfiants, le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de M. X ;

Considérant, enfin, que M. X fait valoir que la décision qu'il critique méconnaitrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il est père de deux filles nées en France et que l'ensemble de sa famille proche réside régulièrement en France ; que, toutefois, l'intéressé ne démontre pas avoir contribué à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants, dont il a déclaré, lors de l'enquête de police du 22 novembre 2006, ignorer l'adresse ; que, par ailleurs, l'un des frères de M. X vit dans son pays d'origine ; que, par suite, la décision critiquée n'a pas porté à son droit à mener une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté d'expulsion dont il a fait l'objet ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. X de la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

2

N° 07VE02472


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 07VE02472
Date de la décision : 06/11/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: M. Hubert LENOIR
Rapporteur public ?: Mme GRAND d'ESNON
Avocat(s) : LE GLOAN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-11-06;07ve02472 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award